EN LUTTEParis assigne Total en justice, jugé responsable de la crise climatique

Réchauffement climatique : Paris assigne Total en justice

EN LUTTELa multinationale du pétrole TotalEnergies est accusée de « manquement à son devoir de vigilance en matière climatique »
Le logo de l'entreprise TotalEnergies (illustration).
Le logo de l'entreprise TotalEnergies (illustration). - Astrid VELLGUTH / AFP
Aude Lorriaux

Aude Lorriaux

L'essentiel

  • La loi sur le devoir de vigilance, entrée en vigueur en mars 2017, oblige les grandes entreprises à prendre des mesures contre certains risques environnementaux, notamment.
  • C’est en vertu de cette loi que la Mairie de Paris et 15 autres collectivités locales assignent l’entreprise TotalEnergies en justice.
  • « Tous nos efforts vont être vains si les vrais responsables ne changent pas. Il faut nommer les responsables du péril climatique » affirme à « 20 Minutes » Dan Lert, l’adjoint à la Mairie de Paris chargé de la transition écologique.

Alors que l’Etat français est assigné en justice de multiples côtés pour son inaction en matière d’environnement, de plus en plus de villes se prémunissent de tels procès, tout en augmentant la pression sur les principaux responsables du réchauffement climatique. C’est ainsi que la Ville de Paris a décidé d’assigner en justice l’un des plus gros pollueurs français, l’entreprise TotalEnergies, pour « manquement à son devoir de vigilance en matière climatique », comme le lui permet une loi de 2017.

Total fait partie du top 20 des entreprises fossiles ayant émis directement et indirectement le plus de gaz à effet de serre depuis 1965. La société demeure aujourd’hui à l’origine de près de 1 % des émissions mondiales de GES, soit l’équivalent des émissions annuelles de la France. Et surtout, contrairement à la communication souriante de la multinationale, qui affiche un objectif de neutralité carbone en 2050, Total consacre encore près de 80 % de ses investissements au développement des énergies fossiles, qui représentent encore 90 % de son activité.

« Total doit respecter l’Accord de Paris »

Les activités de Total ont un impact direct sur les Parisiens et Parisiennes, les grandes villes étant particulièrement vulnérables au réchauffement climatique, avec la présence de nombreux îlots de chaleur. A Paris, « l’été de 2003 [marquée par une canicule meurtrière] va vite devenir la norme. On n’exclut plus un pic de chaleur à 50 degrés », explique Dan Lert, l’adjoint à la transition écologique de la Mairie de Paris, joint par 20 Minutes.

« Les effets du dérèglement climatique ont un coût exorbitant pour la ville et pour les Parisiens, ajoute Dan Lert. On a investi 10 milliards d’euros depuis 2014 dans la transition écologique et 1 milliard pour la transition énergétique. Le coût d’une crue décennale est estimé entre 3 et 30 milliards d’euros. Or le risque de crue décennale a augmenté de 20 %, en conséquence du réchauffement climatique. Tous nos efforts vont être vains si les vrais responsables ne changent pas. Il faut nommer les responsables du péril climatique. Total doit respecter l’Accord de Paris. Le Giec dit qu’il faut cesser l’exploitation pétrolière, or Total continue à investir dans des bombes climatiques. Le but de ce recours, c’est de mettre TotalEnergies face à ses contradictions et de contraindre le premier pollueur français à réduire ses émissions. »

Contactée par 20 Minutes, l’entreprise pétrolière affirme « regretter la démarche contentieuse engagée » et « considère que son engagement concret et massif dans les énergies renouvelables et l’électricité apporte une réponse bien plus efficace à l’enjeu climatique que la voie du contentieux ». Le groupe ajoute à être à l’initiative à Paris d’un réseau de bornes de recharge alimentées à 100 % en électricité renouvelable et œuvrer à la reconversion de la flotte de bateaux-mouches pour les passer en moteur électrique.

« Manœuvres dilatoires »

Paris n’est pas la seule ville à assigner Total. New York et Poitiers se sont jointes à elle, ce mercredi. Avant cela, 13 collectivités locales avaient porté plainte en 2020 contre la multinationale, parmi lesquelles Grenoble, Bayonne, l’agglomération Est ensemble qui regroupe neuf communes en Seine-Saint-Denis ou encore la région Centre-Val-de-Loire. En 2019, les associations Notre affaire à tous, Sherpa, Eco-Maires, et ZEA faisaient figure de pionnières, bientôt rejointes par France Nature Environnement.

Ce mercredi 21 septembre, les parties prenantes ont simplement présenté au juge les nouveaux partenaires, et Total a répliqué en envoyant 70 pages de procédure, qui seront au mieux examinées par le juge en mars 2023. « On se reprend six mois de manœuvres dilatoires », déplore Jérémie Suissa, directeur général de Notre affaire à tous.

La société avait déjà obtenu un long délai en demandant que ce soit le tribunal de commerce qui examine le dossier plutôt que le tribunal judiciaire. Demande rejetée… Au bout de trois ans de procédure. Une fois tous les recours examinés, le géant pétrolier aura encore la possibilité de faire appel, ce qui renvoie la décision finale sans doute à quelques années plus tard encore…



L’État quant à lui a été condamné en août 2021 à verser 10 millions d’euros pour ne pas avoir renforcé suffisamment son dispositif contre la pollution, une décision portant alors sur le premier semestre 2021. Assignée pour les deux semestres suivants, jusqu’en juillet 2022, la France risque de devoir payer une somme record de 20 millions d’euros d’astreinte, selon l’avis du rapporteur public du Conseil d’Etat, rendu public lundi 20 septembre.

Edit du 22 septembre : Nous avons ajouté la réaction de TotalEnergies.