Enseignement supérieurLes facs vont-elles devoir fermer cet hiver pour économiser l'énergie ?

Crise énergétique : Les universités vont-elles devoir fermer leurs portes cet hiver pour limiter la facture ?

Enseignement supérieurL’université de Strasbourg a annoncé lundi son intention de fermer ses portes deux semaines cet hiver. Ce qui suscite des inquiétudes chez les étudiants
Les amphis vont être durs à chauffer cet hiver, ce qui laisse présager des mesures d'économie plus ou moins drastiques dans les facs.
Les amphis vont être durs à chauffer cet hiver, ce qui laisse présager des mesures d'économie plus ou moins drastiques dans les facs. - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Le surcoût lié à la hausse des prix des énergies atteindrait au moins 100 millions d’euros cette année pour les universités.
  • Toutes planchent sur des plans de sobriété. Et l’Université de Strasbourg a créé la polémique en annonçant sa fermeture pour deux semaines cet hiver.
  • Les regards se tournent vers le ministère de l’Enseignement, à qui l’on demande une rallonge budgétaire d’urgence.

L’hiver n’est pas encore là, mais les universités le craignent déjà. « Nous évaluons le surcoût énergétique à 100 millions d’euros pour l’ensemble des universités cette année. Sachant que l’addition est plus salée si l’université est une passoire énergétique et possède des laboratoires de recherche avec beaucoup de matériel », explique Manuel Tunon de Lara, président de France universités (anciennement Conférence des présidents d’université).

Face à cette perspective, certaines facs ont déjà pris des mesures drastiques. L’Université de Strasbourg a ainsi annoncé lundi son intention de fermer ses portes deux semaines cet hiver. « Une troisième semaine de congés de Noël début janvier et une semaine complète de cours en distanciel en février » vont être mises en place, a détaillé Michel Deneken, le président de l’université, dans une vidéo publiée sur YouTube.

La crainte de fermetures en cascade

Une perspective qui fait bondir Imane Ouelhadj, la présidente de l’Unef. Car elle craint que l’initiative strasbourgeoise ne fasse tache d’huile : « On peut redouter que d’autres universités décident des périodes de distanciel pour faire des économies. Et on n’est pas à l’abri que la fermeture de l’université de Strasbourg se prolonge au-delà des deux semaines ». Une inquiétude partagée par Anne Roger, secrétaire générale du syndicat Snesup-FSU : « Les surcoûts annoncés sont de l’ordre de 2 à 6 millions d’euros pour chaque établissement. Donc nous craignons des réactions en chaîne. Or, les fermetures administratives contreviennent au principe de continuité du service public. » Manuel Tunon de Lara se montre plus optimiste : « Je ne crois pas que ce soit une tendance lourde, car la situation des universités est très hétérogène. »

Si les fermetures temporaires des facs sont tant redoutées, c’est qu’elles auraient des effets sur le bien-être des étudiants. « On peut craindre que certains décrochent. Car l’enseignement distanciel, comme on l’a constaté lors de la crise du Covid-19, crée des inégalités : beaucoup se connectent à la visio avec leur portable, ce qui n’est pas idéal, ou rencontrent des problèmes de connexion », souligne Anne Roger. « On déporte le problème de la flambée des coûts de l’énergie des universités aux étudiants. Mais on ne se préoccupe pas de savoir s’ils sont bien chauffés pour suivre leurs cours », s’indigne Imane Ouelhadj.

La ministre de l’Enseignement supérieur a aussi fait part de sa désapprobation par rapport à ces mesures d’économies drastiques : « Ça ne doit pas pénaliser les enseignements. On sort de périodes de Covid-19. On doit garder ces enseignements fortement en présentiel », a déclaré Sylvie Retailleau, mardi, sur Franceinfo.

19 °C dans toutes les salles

Pour éviter de fermer, certaines facs ont déjà réfléchi à d’autres moyens d’économiser l’énergie : installer des thermostats, placer les périodes de stages en hiver et non pas au printemps, pour que les étudiants soient moins là durant les périodes froides. L’université Bretagne-Sud (UBS) va de son côté revoir les horaires d’éclairage de ses espaces extérieurs et ceux de chauffage de certains bâtiments. « Il est aussi indispensable que les établissements installent des compteurs électriques dans chaque bâtiment pour savoir où il faut agir en priorité », déclare Manuel Tunon de Lara.

La plupart des facs souhaitent également régler le thermostat à 19 °C dans toutes les salles, à l'instar de l'Université de Bordeaux. Ce qui « devrait faire baisser les consommations de fioul de 5 à 7 % », souligne Dean Lewis, le président de l'université. « Mais cette température ne pourra pas être maintenue partout. Et quand on suit un cours dans une salle à 14 °C, difficile de rester concentré », estime Anne Roger. « Les enseignants feront cours en couverture de survie et les étudiants grelotteront de froid. On ne peut pas réussir ses études dans de telles conditions », renchérit Imane Ouelhadj.

Une rallonge budgétaire demandée en urgence

Le brainstorming des facs va se poursuivre : « Une réunion avec les présidents d’universités est prévue ce mercredi à ce sujet », indique Manuel Tunon de Lara. Mais pas sûr que ce soit suffisant. « L’Etat doit aider les universités pour cet hiver », estime-t-il. « Il ne faut pas autoriser les universités à présenter un budget en déficit, mais que le ministère de l’Enseignement supérieur leur accorde une rallonge budgétaire », insiste Anne Roger. Une supplique entendue par Sylvie Retailleau : « Nous allons accompagner nos établissements », a-t-elle déclaré mardi sur Franceinfo. Sans plus de précisions.



Des mesures sont aussi réclamées à plus long terme : « Il faut accélérer les travaux de rénovation énergétique », insiste Imane Ouelhadj. Certaines facs ont d’ailleurs déjà commencé. A l’instar de l’UBS, qui a investi 10 millions d’euros dans la réhabilitation énergétique de son patrimoine. Ce qui devrait lui permettre à terme de voir baisser sa facture énergétique de 20 %…