INNOVATIONCaoutchouc de tomate, voiles en lin… Quels matériaux durables demain ?

Caoutchouc de tomate, pièces auto en lin… La recherche française en quête des matériaux durables de demain

INNOVATIONLes chercheurs de l’Inrae tentent de percer les secrets de la biomasse, afin de trouver des alternatives aux énergies fossiles
Bénédicte Bakan est chercheuse à l'Inrae à Nantes
Bénédicte Bakan est chercheuse à l'Inrae à Nantes - J. Urbach / 20 Minutes / 20 Minutes
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • Les déchets organiques, s’ils étaient valorisés, pourraient devenir des sources nouvelles d’énergie.
  • Les chercheurs de l’Inrae s’intéressent à nombreux d’entre eux comme les peaux de tomate, minces, hydrophobes mais aussi très étirables.

Trouver des alternatives aux énergies fossiles. Le défi semble plus qu’urgent au vu de la crise énergétique actuelle. A l’Inrae, organisme de recherche publique français et leader dans le monde sur les questions d’agriculture, d’alimentation et d’environnement, on a bien pris la mesure de l’enjeu à tel point d’en avoir fait une « priorité stratégique ». Depuis plusieurs années déjà, des centaines de chercheurs y tentent notamment de percer les secrets de la biomasse, tous ces déchets organiques pouvant devenir des sources d’énergie, pour leur imaginer une nouvelle vie.

Dans son laboratoire nantais, Bénédicte Bakan manipule de drôles de carrés de caoutchouc noir. Difficile de se dire qu’il s’agit de peaux de tomate, et pourtant ! « Nous avons constaté que les peaux sont minces, hydrophobes mais aussi très étirables, raconte la chercheuse. Nous avons donc réassemblé les molécules pour construire un polymère modifié ». Ou pour le dire autrement, un caoutchouc 100 % naturel et biodégradable, prometteur même si « les usines de sauce tomate ne seront jamais assez actives pour que l’on puisse fabriquer des pneus », sourit la scientifique. Mais le procédé pourrait être appliqué à d’autres fruits et légumes, comme la pomme dont les déchets sont nombreux dans les cidreries ou conserveries.

La fibre de lin, légère et résistante

Car voilà l’un des défis de la bioéconomie. Réutiliser, au-delà des arbres, tous les résidus de l’agriculture pour remplacer les produits d’origine pétrosourcée, à condition qu’ils offrent des services comparables mais aussi un coût similaire. Parmi les cultures prometteuses mais qui pêche sur ce deuxième point, le lin intéresse les chercheurs depuis longtemps. D’abord parce que la France en est le premier producteur mais aussi parce qu’elle offre « une très bonne qualité de fibre, comparable à la fibre de verre synthétique », assure Johnny Beaugrand. Le scientifique a d’ailleurs pu prouver de sa bonne durabilité en étudiant des fibres vieilles de… 4.000 ans. « Nous avons donc développé des voiles qui ont le mérite d’être très légères mais avec une grosse résistance, de bonnes propriétés phoniques, indique le chercheur. Les secteurs du bâtiment, de l’aéronautique ou de l’automobile sont très intéressés, avec le durcissement de la réglementation. » Une garniture pour habitacle de voiture devrait par exemple bientôt voir le jour.



Transformer les enzymes contenues dans les champignons en biocarburant ou en arôme, utiliser les propriétés antioxydantes des carcasses d’animaux pour protéger naturellement les aliments ou en faire des cosmétiques, autant de recherches actuellement en cours à l’Inrae. Même si « entre huit et quinze ans de recherche peuvent s’écouler entre les premières manipulations et un produit qui sort », ses chercheurs espèrent jouer leur rôle dans la course au « zéro émission de gaz à effet de serre » d’ici à 2050.