REPORTAGEAu domaine d’Hostens, « tout était noir mais la nature reprend ses droits »

Incendies en Gironde : « Tout était noir ici »… Au domaine d’Hostens, « la nature reprend ses droits »

REPORTAGEBrûlé aux deux tiers après les incendies de l’été en Gironde, le domaine d’Hostens, plus grand espace naturel sensible du département, espère renaître de ses cendres
Le domaine départemental d'Hostens, plus grand espace naturel sensible de Gironde, a été brûlé aux deux tiers par les incendies de l'été 2022.
Le domaine départemental d'Hostens, plus grand espace naturel sensible de Gironde, a été brûlé aux deux tiers par les incendies de l'été 2022. - Mickaël Bosredon / 20 Minutes
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Quasiment 500 hectares, sur les 750 ha du domaine, ont été brûlés par les incendies de l’été dans le sud Gironde.
  • Si la partie base de loisirs a été épargnée, les espaces naturels abritant une riche biodiversité, ont été lourdement impactés.
  • Il faudra certainement au moins un an pour se rendre compte de l’ampleur du désastre, mais heureusement, la nature reprend déjà peu à peu ses droits à certains endroits.

Plus d’un mois après que le feu dit de Landiras 2 a été fixé, l’odeur de fumée prend encore jusqu’à la gorge. Des fumerolles s’échappent de terre, montrant que la menace couve dans la tourbe souterraine. Et le spectacle de désolation est partout, avec des arbres brûlés jusqu’à la cime.


L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Refuge exceptionnel de biodiversité au milieu de la forêt des landes de Gascogne, le domaine départemental d’Hostens, qui accueille à la fois une base de loisirs et le plus grand espace naturel sensible de la Gironde, a succombé lui aussi, en grande partie, aux incendies de l’été. Quelque 480 hectares, soit deux tiers des 750 hectares du domaine, ont brûlé. Un déchirement pour les responsables du site, qui abrite notamment « une lagune de l’ère glaciaire ».

Les lacs et zones humides n’ont pas réussi à stopper les flammes

« Heureusement la base de loisirs n’a pas été touchée, mais la partie la plus naturelle du site, entre le lac du Bousquet et les lagunes du Gat Mort, a été très impactée », décrit Sébastien Fourcade, chef du bureau de l’aménagement et de la gestion des espaces naturels sensibles au département de la Gironde.

Autour de la fosse des Demoiselles, un nom en référence à la présence à cet endroit de plusieurs espèces de libellules, « l’incendie a été très fort, surtout lors de Landiras 1 en juillet », poursuit Sébastien Fourcade. Les lacs et zones humides, présentes en grand nombre à cet endroit classé Natura 2000, n’ont pas réussi à stopper les flammes. « L’incendie a sauté de cime en cime et est passé par tous les côtés… Un peu plus loin, il a même asséché des zones humides. » La canicule et la sécheresse avaient démarré le travail de sape, au tout début de l’été.

« Tout ce qui est marron va probablement être coupé »

Cette partie du domaine abrite « le gradient de naturalité le plus fort d’Hostens », continue Sébastien Fourcade. « On y trouve par exemple la Drosera, une plante carnivore qui date de l’ère glaciaire, ou encore la Gentiane pneumonanthe. » Ces espèces ont-elles survécu ? C’est tout l’enjeu du travail qui démarre. « Nous commençons le suivi du milieu aquatique, de la faune et de la flore, qui va s’étaler sur plusieurs saisons », annonce le responsable départemental.

Un crapaud "momifié" par l'incendie de Landiras en Gironde
Un crapaud "momifié" par l'incendie de Landiras en Gironde - Mickaël Bosredon

« On se donne un an pour observer la nature : il faudra voir quelles espèces ont disparu, et celles qui ont pu se maintenir », explique le président du conseil départemental Jean-Luc Gleyze, montrant un crapaud « momifié », trouvé sur place.

Mais le travail est rendu compliqué car le site reste très dangereux en raison des feux souterrains, c’est pourquoi il reste fermé au public, et seuls quelques spécialistes peuvent commencer à pénétrer, à certains endroits seulement. Heureusement les agents du département peuvent compter sur leurs drones pour aller photographier au plus près des zones incendiées sans prendre de risque, et sans perturber davantage la nature, afin de dresser un premier état des lieux.



« Les feux de tourbe ou de lignite vont prendre du temps pour être éteints, sans doute jusqu’aux pluies d’automne, indique Jean-Luc Gleyze. Ensuite nous regarderons la fragilité des arbres, à quels endroits ils sont le plus dangereux et ce qu’il faut faire pour garantir la sécurité. Mais tout ce qui est marron va probablement être coupé, et le paysage que l’on voit aujourd’hui sera considérablement modifié après la coupe des arbres. »

« La nature est résiliente »

Heureusement, « il reste des endroits préservés, comme le site de la tuilerie où nous envisagions avant même l’incendie de créer une Maison de l’arbre et du paysage, qui sera un lieu girondin pour sensibiliser à la question des forêts. » Un projet qui « reste plus que jamais d’actualité » annonce le président du département. « Quelques jours après l’incendie, poursuit-il, on entendait déjà des cigales qui revenaient, et on pouvait voir des libellules et des sauterelles. Il y avait une forme de vie qui était revenue. » Dans cette ambiance apocalyptique, le vert reprend en effet peu à peu le dessus sur les parties incendiées. Des zones sont à nouveau entièrement recouvertes de fougères. Des chênes sortent de terre. « La nature est résiliente, confirme Laurent Salaun, responsable du service environnement au département. Après le premier incendie, tout était noir ici, or on voit que la nature reprend ses droits. »

Par ailleurs, « une partie de ce qui a été dévasté était de toute façon prévue à la coupe, relativise Laurent Salaun, car ce sont des zones que nous avions prévu de désenrésiner, c’est-à-dire de supprimer une partie des pins pour favoriser l’extension des zones humides. » Après la période d’observation et d’analyse, « il faudra regarder ce que nous envisageons de faire sur le domaine d’Hostens, qu’il s’agisse de la partie tourisme comme de la partie environnementale, s’il est possible ou pas de réintroduire des espèces à certains endroits, détaille Jean-Luc Gleyze. C’est une page blanche qui démarre, mais il est certain que l’histoire de ce domaine va être marquée par cet incendie. »

Sébastien Fourcade espère que le temps permettra de reconquérir l’ensemble des habitats d’Hostens, constitués de lagunes et de prairies. « C’est ce patchwork qui donne la richesse du site, pointe le spécialiste. Très souvent, la nature n’a pas besoin de nous, mais on va l’accompagner, avec le projet de créer ici une véritable réserve biologique. »

Entre les incendies de Landiras et de La-Teste-de-Buch en juillet et août, puis Saumos près de Lacanau et Arès en septembre, plus de 30.000 hectares de forêt ont été brûlés cet été en Gironde.