Votre vie votre avis« Athena » sur Netflix selon nos lecteurs, c’est beau mais c’est chaud

« Athena » sur Netflix, c’est beau mais c’est chaud

Votre vie votre avisNos lecteurs qui ont vu le dernier film de Romain Gavras sur l’embrasement d’une cité française en ressortent subjugués par ses qualités techniques mais divisés quant à son, ou plutôt ses messages.
« Athena » de Romain Gavras, a suscité de vives réactions dès sa sortie sur Netflix.
« Athena » de Romain Gavras, a suscité de vives réactions dès sa sortie sur Netflix. - Netflix / 20 Minutes
Richard Monteil

Richard Monteil

L'essentiel

  • Vendredi 23 septembre 2022, Athena, réalisé par Romain Gavras et produit grâce aux moyens de Netflix a été mis en ligne sur la plateforme de vidéo à la demande américaine.
  • Ce film coécrit par Romain Gavras, Ladj Ly et Elias Belkeddar, raconte l’embrasement d’une cité fictive française après la mort violente d’un adolescent, drame dans lequel tout accuse la police.
  • Si cette fiction est sujette à controverse pour son approche et sa représentation du sujet sensible des relations entre les jeunes de banlieues et les forces de l’ordre, ses qualités techniques font (presque) l’unanimité chez les lecteurs de « 20 Minutes » qui nous livrent leurs ressentis après visionnage.

Prenez un pays, la France par exemple, où les banlieues et la police suscite de fortes crispations. Ajoutez-y un film qui explore ce ressort, comme Athena, réalisé par Romain Gravas, produit par Netflix et disponible sur la plateforme depuis le 23 septembre.

Mélangez le tout et demandez aux lecteurs de 20 Minutes, ce qu’ils en pensent. Vous obtiendrez un consensus sur l’esthétique à couper le souffle de ce long métrage, porté par de jeunes acteurs convaincants, mais desservis par des rôles un peu clichés, au service d’un scénario faiblard qui brouille le message de l’œuvre et provoque maintes incompréhensions.

« Spectaculaire dès les premières minutes »

Athena s’ouvre sur un plan séquence d’une dizaine de minutes, un festival par lequel Romain Gravas décline d’entrée de jeu ce qui fera la force de son film, « spectaculaire dès les premières minutes », comme le souligne David, un de nos lecteurs. « Visuellement, quelle réussite. L’utilisation de plans séquences permet d’immerger le spectateur dans une action à couper le souffle, dans laquelle la chorégraphie, préparée au millimètre près, est exécutée avec brio », s’extasie Willou. Paul salue également « des plans séquences prenants, des images magnifiques et immersives » qui plongent le spectateur au cœur de l’action.

Tout cela est très beau, peut-être trop. « J’ai trouvé le film plus pornographique que politique », ose Antoine qui classerait volontiers Athena dans la catégorie « riot porn », un concept inventé pour « décrire le voyeurisme des internautes face aux vidéos d’émeutes qui circulent sur Internet ». Quintessence du parallèle, d’Antoine, « ce plan-séquence nimbé de chant grégorien » où les CRS en formation tortue essuient une nuée de mortiers d’artifices, semblables à des flèches enflammées. « Le feu, les flammes, les fumigènes, les explosions remplacent le point d’acmé du film porno, à savoir l’éjaculation. Tout l’appareillage technique est au service de ce spectacle. Mais cette jouissance pyrotechnique dépasse le simple plaisir visuel. Le spectateur est galvanisé par la lutte héroïque de ces jeunes qui, avec des moyens limités (quelques fumigènes, deux-trois bécanes) viennent à bout d’une police décrite comme une armée sans visage. »

Musique de cité

Nos lecteurs en ont pris les plein les yeux, mais ils n’ont pas oublié de tendre l’oreille. Athéna est un film sur la banlieue, mais une double pirouette, lexicale et sonore, donne au quartier théâtre des affrontements les airs d’une cité grecque antique. Exit le rap, omniprésent dans d’autres films comme La Haine. Le réalisateur a préféré accompagner ses scènes épiques par des chants grégoriens et musiques martiales. Il y a ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. « Le choix des musiques est insupportable… A vouloir trop se donner un style ça passe carrément à côté », regrette ainsi Fabien, alors que Lylou retient une œuvre « portée par une musique digne des plus grands péplums ». D’après David, cette « bande originale superbe (…) ajoute une profondeur épique aux scènes de guerre civile superbement chorégraphiées ».

David va plus loin : « A quelques costumes près l’histoire est transposable aux scènes de batailles antiques, tant cette bande-son nous donne parfois l’impression de sortir de la banlieue pour nous retrouver en pleine guerre gréco-romaine. » « Un radeau de la Méduse télévisuel accompagné de chants grégoriens dans les moments les plus violents, il fallait oser ! », défend tout de même Brigitte. Mais pas de quoi atténuer les regrets de Cédric, pour qui la « bande originale un peu faible » de cette fiction sur la banlieue a le mérite de ne pas « tomber dans le cliché du rap ».

Un empilement de clichés

Mais des images stéréotypées, nos lecteurs comme Anissa en soulignent plus d’une. Pour elle, « c’est un film politique et raciste ». Elle résume ainsi le projet du réalisateur : « montrer que les hommes de cité sont violents et incapables de faire une phrase correcte en français. Le rôle des femmes, pourtant très important en réalité dans la lutte contre les violences policières, est complètement absent. Les femmes n’ont pas l’air d’exister dans leur banlieue fantasmée. »

Du même avis, Abdelmajid ne mâche pas ses mots : « Marre de ce genre de film. Ils perpétuent les clichés sur les banlieues. Il n’y a qu’en France que l’on voit ça. Les réalisateurs ne font pas honneur aux quatrièmes générations d’immigrés qui se battent encore chaque jour contre l’image consternante que véhiculent les lascars des banlieues. » « Il fallait des protagonistes, bon là on retombe un peu dans les clichés c’est vrai : un grand frère qui cherche sa place entre uniforme militaire et une famille à soutenir, un petit frère paumé qui veut se faire la sienne et qui trouve le respect de ses pairs en endossant le rôle de chef de guerre improvisé, le caïd de la cité, un trafiquant d’armes fou furieux et le Français converti fiché S. Le tout sur fond de population black ou beur. L’évidence de l’image d’Epinal saute aux yeux… », à ceux de David tout du moins.

Comme Willou, la plupart de nos lecteurs concèdent que le scénario n’est « pas le point fort de ce film ». La fin de l’histoire concentre d’ailleurs une bonne partie des critiques. Mais nos critiques amateurs ont apprécié le jeu des acteurs, essentiellement masculins (Dali Benssalah, Sami Slimane, Anthony Bajon, Ouassini Embarek, Alexis Manenti…). « Des acteurs tous aussi doués les uns que les autres », tranche Lylou et d’une « justesse remarquable » d’après Olivier.

Un message confus

Après avoir vu le film, Brigitte estiment que « les maux remplacent les mots ». Beaucoup regrettent la pauvreté des dialogues de ces bons acteurs. « Athena ne verbalise pas son propos, note Olivier. Si le scénario est simple, c’est parce que les images n’ont parfois pas besoin de mots. Les destins tragiques des "héros" n’ont pas toujours besoin d’être jugés verbalement par un personnage qui se ferait le porte-parole d’une idéologie quelconque. C’est au spectateur de comprendre ce qu’on lui donne à voir. » Sauf que le spectateur, parfois, il a quand même du mal à suivre. « Le scénario met à égalité flics et émeutiers et l’histoire les fait combattre côte à côte contre l’hydre fasciste, mais la mise en scène contredit ce propos en jouant le face-à-face », analyse Antoine, pour qui la « révélation finale (…) contredit tout le travail de mise en scène ».



Selon Lou, « le vrai sujet (qui est responsable de la mort du petit frère ?) est delaissé pour s’achever sur une résolution qui a tout du consensus mou », ce qui fait d’Athena un film « ni gauchiste ni droitard, mais creux ». Pour elle, « c’était pourtant le sujet idéal pour disséquer la mécanique de la détresse chez les plus démunis et celle de l’extrême droite pourrissant les forces de l’ordre ». David propose une lecture originale. Selon lui, en regardant Athena « les lucides y verront que notre monde se perd à ne plus vouloir écouter la seule voix raisonnable, celle de l’info vérifiée qui s’égosille vainement dans le brouhaha des préjugés et des réseaux qui les relaient. Plus qu’un film de banlieue, de gentils jeunes et de méchants flics (ou l’inverse d’ailleurs) c’est un film sur la valeur de l’information, du recul et de l’objectivité dont chacun devrait toujours faire preuve avant d’agir ou hurler avec les loups. »