JOKERUtiliser le 49.3 pour faire passer le budget 2023, oui, mais quand ?

Budget 2023 : Dégainer l’article 49.3, oui, mais quand ?

JOKERL’examen du budget 2023 a démarré ce lundi à l’Assemblée, et l’utilisation du vote bloqué pour son adoption ne fait déjà plus aucun doute. Reste à savoir quel sera le meilleur moment pour le dégainer
Le ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, le 26 septembre.
Le ministre délégué chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, le 26 septembre.  - STEPHANE DE SAKUTIN / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Le Parlement a commencé son marathon budgétaire pour 2023 lundi.
  • La question de l’utilisation du 49.3 pour l’adoption des budgets ne fait presque plus débat au sein la majorité, la seule question étant « quand » il sera utilisé.
  • Le fond, la perception auprès de l’opinion publique, l’aspect pratique… Les enjeux sont multiples.

En public, l’exécutif se garde encore une petite gêne. Lundi matin, Gabriel Attal, le ministre délégué chargé des Comptes public, n’a pas ouvertement dit que le gouvernement allait recourir à l’article 49.3 pour faire passer son budget 2023, dont l’examen dans l’Hémicycle a démarré cette semaine et s’annonce difficile dans une Assemblée sans majorité. En privé, pourtant, plus personne ne s’en cache : « On va l’utiliser, c’est sûr. La vraie question, c’est à quel moment », expliquait jeudi sans ambages à 20 Minutes une cadre de Renaissance (RE).

Pour rappel, l’article 49.3 de la Constitution de 1958 permet au gouvernement d’engager sa responsabilité pour faire voter un texte. Un outil particulièrement pratique quand votre majorité traîne des pieds, que l’examen est jugé trop lent par l’exécutif ou - et c’est le cas qui nous intéresse ici - quand il n’y a pas de majorité absolue. Le texte est adopté si le gouvernement ne tombe pas lors du vote d’une motion de censure, déposée par l’une ou l’autre des oppositions, en réaction. Le gouvernement peut utiliser cette arme une fois par session (en gros, une fois par an) ET à volonté sur les textes financiers comme le projet de loi de finance (le budget, ou PLF, pour les intimes) et le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS, pour les très intimes).

Pédagogie facile à faire

L’évidence de l’utilisation du 49.3 dans le cas présent tient en partie à cela : le gouvernement ne se grillerait pas de « joker ». C’est l’évidence aussi parce que la majorité juge qu’elle n’a « pas d’autre choix, vu que les oppositions ont très tôt annoncé que, quoi qu’il arrive, elles ne voteraient pas le budget. » Ce même budget étant un vote clef, qui, dans la plupart des démocraties occidentales, fixe si vous êtes dans la majorité ou l’opposition, il était de toute façon difficile de trouver un compromis majoritaire dans cette Assemblée éclatée. Et soumise aux alliances de circonstances, comme c’est le cas en commission depuis une semaine, où le gouvernement a été régulièrement battu. « Tous les points sont potentiellement à risque », dit-on, avec un brin de dépit, au sein de la majorité.

Dans ce contexte, la question du tempo a donc son importance. Vendredi dernier, un ministre résumait l’alternative : « Si vous pensez aux députés et aux équipes, plus ça s’arrête tôt, mieux c’est. Mais si votre priorité, c’est la perception par l’opinion publique, il vaut mieux attendre le plus tard possible pour montrer qu’on a bien fait tous les efforts du monde. »

Personne n’imagine réellement que le gouvernement dégaine son 49.3 dès les premiers jours de débats, car la teneur de ces discussions dans l’Hémicycle aura son importance. Mais la majorité estime que, sur un texte budgétaire, central pour le fonctionnement du pays, la pédagogie autour du 49.3 ne sera pas forcément difficile à faire sur le terrain. « Il n’est pas souhaitable d’aller jusqu’au bout de l’examen en séance. Et puis le débat aura déjà vécu une semaine en commission », rappelle la cadre de RE déjà citée.

Gestion de planning

Au-delà de la perception, il y a tout de même un enjeu de fond. Avec un 49.3, le gouvernement peut faire à peu près ce qu’il veut. Qu’il arrête les débats après une semaine ou un mois, il peut garder le texte en l’état, mais peut aussi, d’autorité, revenir à sa version d’origine. Il peut retirer des amendements déjà votés, en ajouter des rejetés et même en rajouter parmi ceux qui n’ont pas eu le temps d’être examinés : c’est open bar. On peut voir ça comme le fait du Prince ; chez RE, on veut voir ça positivement : « Le 49.3 n’écrase pas tout, ça n’empêche pas tout débat ou tout compromis. »



Enfin, il y a une question purement pratique qui s’impose au gouvernement sur la gestion du marathon parlementaire. Plus de 3.000 amendements ont été déposés pour le texte examiné depuis lundi. Et on ne parle que la première lecture à l’Assemblée de la partie recettes du PLF, qui ira ensuite au Sénat, puis reviendra au palais Bourbon pour une seconde lecture qui peut, elle aussi, faire l’objet d’un 49.3. Ce sera la même chose pour la partie dépense du PLF, idem encore pour les deux parties du PLFSS. Ajoutez à cela que chaque 49.3 peut faire l’objet non pas d’une motion de censure potentielle mais de trois différente à chaque fois, une par opposition. Soit huit 49.3 et (potentiellement) 32 motions de censure si la Nupes, le RN et LR se chauffent toutes d’ici à décembre.

Tous ces éléments plaident pour un 49.3 plus tôt que tard, croit-on dans la majorité. On n’y fait pas de pronostics, mais il semble que si le débat dépasse une semaine, ça serait déjà une surprise.