en vertu des pouvoirs…Le maire avait-il le droit d’annuler le mariage après les abus du cortège ?

Alsace : Le maire avait-il vraiment le droit d’annuler le mariage à cause des abus du cortège ?

en vertu des pouvoirs…Le maire d’une ville alsacienne a refusé que la cérémonie ait lieu samedi dans sa ville, après les nombreux troubles constatés dans le cortège. En avait-il le droit ?
Un maire pavant une cérémonie (illustration).
Un maire pavant une cérémonie (illustration). - iStock / City Presse
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Un cortège de mariage a commis de multiples infractions samedi à côté de Strasbourg. Face à cette situation, le maire d’Illkirch-Graffenstaden avait alors décidé d’annuler la cérémonie.
  • Mais avait-il le droit ? 20 Minutes a posé la question à un avocat spécialisé dans le droit administratif.
  • En France, plusieurs villes ont déjà mis en place des chartes afin d’éviter les débordements. S’ils venaient à quand même se produire, le mariage serait décalé.

Où se situe la limite du tolérable pour un cortège de mariage ? Le maire d’Illkirch-Graffenstaden, à côté de Strasbourg, a tranché, samedi. Face aux nombreuses infractions au Code de la route relevées et surtout aux tirs à blanc effectués ici et là, il avait décidé d’annuler la cérémonie. « Je ne pouvais pas laisser passer ça. J’estime que quand on ne respecte pas les règles de la République, on ne peut pas bénéficier de ses institutions », avait justifié Thibaud Philipps dimanche.

Mais l’élu était-il dans son droit en privant d’union le couple ? « C’est probablement un détournement de procédure. Il y avait certainement d’autres mesures à prendre sans s’attaquer au mariage, qui est une liberté fondamentale », répond à 20 Minutes Louis le Foyer de Costil, avocat spécialisé en droit administratif.

Dans les textes, un officier d’état civil ne peut pas refuser cette même cérémonie. Il est « tenu de célébrer un mariage dès lors que les conditions prévues par le Code civil, notamment en ce qui concerne l’âge et le libre consentement des époux, sont satisfaites », est-il mentionné à l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). C’était bien le cas samedi puisque le dossier du couple avait été validé et le tant attendu rendez-vous fixé.

« Le couple pourrait l’attaquer »

Des nuances doivent néanmoins être apportées et donnent des arguments à la décision prise. C’est là du côté de l’article 212-2 du même CGCT qu’il faut chercher. Soit : « Le maire peut prendre les mesures nécessaires pour préserver le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ainsi que la tranquillité publique au cours de la cérémonie du mariage. Le maire ne peut être amené à suspendre temporairement une cérémonie qu’en cas de risque avéré et imminent de trouble à l’ordre public. »

« En tant que garant de l’ordre public, peut considérer qu’il y a un risque de poursuite à l’ordre public de célébrer le mariage et donc prendre les mesures pour les éviter, précise le fondateur du cabinet installé à Paris (16e arrondissement). Mais attention, on prévient un trouble, on ne le répare pas. Si c’est pour sanctionner les débordements passés, son choix ne me semble donc pas justifié. […] Le couple pourrait l’attaquer devant le tribunal administratif pour contester la décision. Ou judiciairement, s’il juge qu’il y a voie de fait (action illégale de l’administration) de la part du maire. »



L’histoire n’en est pas là et la cérémonie devrait simplement être décalée. Comme cela se pratique déjà dans d’autres villes. A Nice par exemple, plusieurs mariages ont ainsi déjà été décalés à la suite d’incidents préalables. Raison invoquée : trouble à l’ordre public et… non-respect d’une charte mise en place depuis 2012. Dans celle-ci, la ville azuréenne engage les futurs mariés « à ne pas troubler la quiétude, la tranquillité et la solennité de l’instant ».

Ces mêmes chartes doivent aussi être ratifiées à Saint-Gratien (Val-d’Oise), Orléans (Loiret) ou Bron (Rhône). Dans cette dernière ville, le document avait été élaboré à la suite de graves incidents. En septembre 2020, le maire avait refusé plusieurs dizaines d’invités à la cérémonie, presque en quatre yeux. « On a aussi mis en place des réunions de préparations avec les futurs époux et depuis, c’est le jour et la nuit. Ils le savent : s’il y a débordements, ce sera repoussé », explique-t-on à la mairie brondillante. Une piste pour Illkirch-Graffenstaden ?