votre vie votre avisIls ne peuvent plus aller au boulot en raison de la pénurie de carburant

Pénurie de carburant : « Si rien ne bouge, je ne pourrai pas me rendre à l’hôpital pour assurer mon service »

votre vie votre avisNos lecteurs témoignent de leur organisation cette semaine pour assurer leur travail malgré la grève. Mais les plans B ne sont pas toujours possibles…
Bourgoin Jallieu le 10/10/2022 , une station-essence à sec.
Bourgoin Jallieu le 10/10/2022 , une station-essence à sec. - Mourad ALLILI/SIPA / SIPA
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Un tiers des stations sont encore affectées par des pénuries de carburant en France. Et la CGT a reconduit son mouvement de grève pour mardi.
  • Nos lecteurs qui ont besoin de se déplacer en voiture pour aller au boulot expliquent leurs solutions pour continuer à travailler malgré tout.
  • Vélo, covoiturage, télétravail… Chacun trouve son moyen de gérer la situation. Mais parfois, ce n’est pas possible et il faut se résoudre à poser un jour off.

Une bonne galère pour une partie des Français. De nombreuses stations-service connaissent toujours des ruptures d’approvisionnement ce mardi, en raison du mouvement de grève dans plusieurs raffineries et dépôts de carburant. Initié il y a une dizaine de jours, il a été reconduit pour mardi chez TotalEnergies et Esso-ExxonMobil.

Selon un dernier point de situation diffusé par le ministère de la Transition énergétique à 18 heures lundi, 29,4 % des stations-service étaient en difficulté au niveau national. La Première ministre,Elisabeth Borne, a annoncé mardi la réquisition des personnels pour le déblocage des dépôts de carburants du groupe Esso-Exxonmobil. Mais la situation ne devrait pas s'arranger immédiatement dans les stations-services. En attendant, le conflit social qui s'enlise pénalise de nombreux Français ne pouvant pas se rendre au bureau. Car comme le rappelle Audrey Richard, présidente de l’Association Nationale des DRH (ANDRH), « selon le Code du Travail, la pénurie d’essence n’est pas considérée comme un cas de force majeur empêchant un salarié de ne pas aller au travail. »

« Je suis venu à pied au bureau »

A défaut de trouver de l’or noir, certains salariés misent sur des plans B. A l’instar de Marianne, qui a répondu à notre appel à témoins et habite Meaux (Seine-et-Marne) : « Depuis samedi dernier, une seule pompe est ouverte, c’est la folie pour y accéder. Je suis venue à pied au bureau (30 minutes). C’est la première fois en trente-cinq ans que ça m’arrive. » Remy, podologue, utilise son vélo électrique : « Cette pénurie me force à passer au vélo 24h/24, ce qui est problématique lorsqu’il pleut. Et je suis obligé d’annuler certains déplacements. » L’emploi du temps matinal de Marine a été entièrement revu : « Mon mari emmène mon premier enfant à l’école à vélo. Je reste chez moi pour surveiller le deuxième. Ensuite, mon mari revient et l’emmène à son tour à vélo. Et quand il rentre, nous partons au travail en transports en commun », raconte-t-elle.

« Ce genre de grève nous pousse à aller vers l’accélération des mobilités douces dans les villes où cela est possible. Le covoiturage est notamment encouragé. Soit par le biais de plateforme interne où les salariés postent des annonces pour proposer des places dans leur véhicule à leurs collègues, soit au sein de chaque service, où le covoiturage est proposé en mode solidaire », explique Audrey Richard. Ce dont atteste Nicolas, qui habite près d’Aubenas (Ardèche) : « Je roule en véhicule électrique, donc je peux recharger le soir tranquillement comme d’habitude. Par contre, j’aide mes collègues qui eux roulent en thermique s’ils ont besoin d’être véhiculés », indique-t-il.

« Je resterai en télétravail jusqu’à ce que la situation redevienne correcte »

Autre solution pour les salariés bloqués chez eux : le télétravail. « Certaines entreprises acceptent que le salarié change ses jours de télétravail pour rester à la maison tant qu’il n’a pas trouvé de l’essence. D’autres acceptent de mettre en place exceptionnellement une semaine de télétravail », observe Audrey Richard. Julien a opté pour cette solution en commun accord avec son employeur : « Je me refuse à attendre 1 heure pour mettre 30 litres, donc j’ai prévenu mon employeur que je resterai en télétravail jusqu’à ce que la situation redevienne correcte (début novembre…) », ironise-t-il.

Amélie, qui travaille à Lyon et qui passait le week-end chez ses parents à Besançon, n’a pas trop eu le choix : « Au moment de repartir dimanche soir, j’ai fait 11 stations-service et aucune n’avait de l’essence. J’ai donc prévenu mon patron que je serai en télétravail et que je reviendrai en présentiel dès que je retrouve de l’essence ».

« J’ai dû poser une journée de congé »

Mais certains postes ne sont pas compatibles avec le télétravail. « Pour les salariés concernés, les entreprises gèrent ces situations au cas par cas, en adaptant l’organisation. Elles peuvent demander au salarié de poser un jour de RTT, de congé ou de récupération », explique Audrey Richard.

Tiffany, qui habite à Tauxigny (Indre-et-Loire) et travaille à Tours, n’a pas eu d’autre choix que de sacrifier un jour off : « Comme je travaille à 35 km de chez moi, pas possible d’y aller sans voiture. J’ai dû poser une journée de congé lundi et j’ai trouvé une solution de transport mardi…  ». Idem pour Charline, psychologue salariée dans le Pas-de-Calais : « Impossible de trouver du gasoil depuis samedi. N'ayant pas eu de moyen de transport ce lundi, j'ai dû poser des heures de récupération ». Pour Albert aussi, pas d’essence signifie pas de travail. « Mais pas question de perdre des journées de congés. J’ai posé une journée sans solde lundi », indique-t-il.


Laetitia, soignante à l’hôpital, devra aussi sacrifier un jour de repos si la situation ne se débloque pas. « Si rien ne bouge, je ne pourrai pas me rendre à l’hôpital mercredi pour assurer mon service. Inadmissible qu’il n’y ait rien de fait en Ile-de-France pour les professions indispensables », se désole-t-elle.