REPORTAGE« Là, on déclare la guerre »… A Fos, le conflit menace de s’étendre

Pénurie de carburant : « Là, on déclare la guerre »… A Fos, le conflit s’enlise et menace de s’étendre

REPORTAGEDans la région de Fos-sur-Mer, qui voit passer une importante partie de l’essence dont dispose l’Hexagone, la CGT laisse planer la possibilité d’une grève générale dans les Bouches-du-Rhône, en particulier au port et dans l’industrie pétrochimique
La raffinerie d'Esso à Fos-sur-Mer est en grève depuis le 21 septembre
La raffinerie d'Esso à Fos-sur-Mer est en grève depuis le 21 septembre  - PHILIPPE MAGONI/SIPA / SIPA
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Dans la région de Fos-sur-Mer, l’un des complexes pétrochimiques majeurs de France, une grève est en vigueur depuis plus de quinze jours dans deux raffineries Total et Esso du secteur.
  • Et l’annonce des premières réquisitions a eu pour conséquence d’échauffer les esprits des repésentants syndicaux, alors que le conflit s’enlise.

Edit du 13 octobre 2022 : La grève a finalement été levée à la raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer, selon la CGT et la direction.

Subitement, alors que les minutes s’écoulaient dans une certaine apathie, la tension monte d’un cran. La conférence de presse a démarré depuis déjà plusieurs longues minutes, quand le silence se fait. Olivier Mateu lâche l’information aux airs de bombe. « Nous venons d’apprendre que les réquisitions de la raffinerie à Port Jérôme sont tombées, s’agace le secrétaire général de la CGT des Bouches-du-Rhône. Donc ce que nous avions annoncé dans le communiqué, on va le mettre en œuvre. » Plus tôt, après une réunion, les responsables syndicaux CGT des différentes branches de la filière pétrochimique de la région de Fos-sur-Mer avaient brandi ce qui alors n’était qu’une menace. « Si des salariés en grève venaient à être réquisitionnés, nous appellerions les travailleurs et travailleuses de nos sites à rentrer dans l’action, y compris par la grève. »



L’annonce de la première réquisition a immédiatement mis le feu aux poudres dans l’esprit de ces représentants syndicaux, alors que le conflit touche pour l’heure uniquement deux raffineries à Fos-sur-Mer depuis au moins quinze jours. « Là, on déclare la guerre, peste Daniel Bretonès, secrétaire général CGT de la plateforme de Lavéra. Ils la voulaient, ils l’auront. » « On va faire des tournées nécessaires sur les sites, alerter les personnels et voir de quelle façon on va se mobiliser, abonde Olivier Mateu. Nous appelons tous les travailleurs à protester contre cette décision dictatoriale. »

« Le gouvernement va accentuer les problèmes de pénurie d’essence »

Dans les secondes qui suivent l’annonce des premières réquisitions par leur secrétaire général, les représentants CGT font chauffer leurs téléphones portables. « Nous, on peut arrêter les ports pétroliers par exemple, lance Benoît Facchetti, secrétaire général CGT du port et de Fluxel, l’entreprise qui gère au terminal pétrolier de Lavera l’interconnexion entre les navires chargés de carburant et leurs clients sur le port de Marseille-Fos ou ailleurs. Je vais voir avec les gars. » « Le gouvernement, par cette décision, va accentuer les problèmes de pénurie d’essence, estime Sébastien Varagnol, représentant CGT sur la raffinerie du groupe Petroineos. Si un de nos camarades est réquisitionné, on ne restera plus la seule raffinerie à fonctionner. »

Plus tôt dans la journée, devant la station Esso de Fos-sur-Mer, l’une des deux seules en France, la banderole annonçant la grève trônait toujours à l’entrée du site. Et même si les grévistes n’étaient pas forcément présents sur le site, la tension était palpable, après trois semaines de grève. « En réquisitionnant, l’État ne prend pas la bonne voie pour apaiser les choses, dénonce Fabien Fragier, secrétaire du CSE d’Esso à Fos-sur-Mer et délégué CGT. On s’enlise dans un conflit qu’on n’est pas près d’arrêter. » Un appel à la mobilisation qui dépasse même le secteur pétrochimique de Fos-sur-Mer, qui voit passer une part importante du stock d’essence en France. Une journée de grève et un rassemblement sont prévus mardi à Martigues.