FOOTBALLAvec joie et fierté, les ex-entraîneurs de Benzema attendent son sacre

Benzema futur Ballon d’or (1/4)  : « Il avait mangé Nasri, Ménez et Ben Arfa en une année »… Ses ex-coachs témoignent

FOOTBALLLes anciens entraîneurs de Karim Benzema ne le voyaient pas forcément Ballon d'or. Mais tous saluent le talent et le parcours du Madrilène, dont le sacre est attendu lundi
Karim Benzema a souvent fait des misères à ses adversaires au cours de sa carrière.
Karim Benzema a souvent fait des misères à ses adversaires au cours de sa carrière. - Pressinphoto / Sipa / Sipa
Nicolas Stival, avec Jérémy Laugier

Nicolas Stival, avec Jérémy Laugier

L'essentiel

  • Karim Benzema, sauf immense surprise, va remporter le Ballon d’or lundi soir. Le premier pour un joueur français depuis Zinédine Zidane en 1998.
  • 20 Minutes consacre une série d’articles à l’attaquant du Real Madrid, qui a porté son équipe vers un doublé Liga-Ligue des champions, avec 45 buts inscrits dont 10 en phase finale de C1 en 2021-2022.
  • Le premier épisode est consacré aux témoignages de ses anciens entraîneurs et formateurs. Armand Garrido, Philippe Bergeroo et Alain Perrin racontent le rapport de KB9 avec la récompense individuelle ultime pour un footballeur.

Il en avait rêvé l’an passé avant de finir au pied du podium, un peu déçu, et nous avec. Mais la saison éblouissante de Karim Benzema, meilleur buteur du championnat d’Espagne et de la Ligue des champions, ne laisse pas le choix aux jurés du Ballon d’or. L’attaquant désormais légendaire du Real Madrid va devenir le premier joueur français à recevoir la récompense suprême depuis son ancien entraîneur Zinédine Zidane. Vingt-quatre ans à patienter pour une explosion des sens vertigineuse sur le tard. Longtemps, KB9 a diffusé l’idée d’un talent à mi-temps, avant de s’élever dans une dimension insoupçonnable. « 20 Minutes » lui consacre une série d’articles avant le D-Day. Premier épisode ce vendredi : Benzema vu par les entraîneurs qui l’ont façonné ou accompagné.

Piochée en octobre 2021 dans un entretien accordé par Karim Benzema au quotidien sportif madrilène As, la phrase a tout du bon vieux cliché : « Je rêve depuis que je suis enfant de remporter le Ballon d’or. » Pourtant, elle est à moitié validée par Armand Garrido, qui a veillé sur le natif de Bron dans ses très jeunes années lyonnaises.

« On n’en parlait jamais, mais j’ai compris qu’en secret, ça faisait déjà partie de ses envies, souligne l’ancien formateur de l’OL. En revanche, il me parlait du Real Madrid, surtout car son idole Ronaldo [le Brésilien] y jouait. C’était déjà un rêve un peu fou à mes yeux. Et s’il m’avait parlé de Ballon d'or à cette époque, je lui aurais dit d’arrêter de rêver. En tant que formateur, on se devait de tenir des projets raisonnables, et notre objectif était de faire de Karim un joueur professionnel. Je crois que c’est un objectif réussi… »

La Vendée a tout changé

En avril 2004, Armand Garrido avait amené le petit prodige d’à peine 16 ans au prestigieux tournoi vendéen de Montaigu, en compagnie de Loïc Rémy, Anthony Mounier ou Sandy Paillot. Une compétition survolée plus tard, l’entraîneur heureux pouvait savourer : « Notre numéro 10 a montré son talent en finale [deux buts marqués contre Nantes]. Il rentre bien dans le moule et il est rare qu’on le prenne en flagrant délit d’excès d’individualisme. »

Si Alain Olio, alors directeur du centre de formation lyonnais, avait déjà signalé deux fois ce talent rare à la FFF, il semblait parti pour passer son tour et rater l’Euro U17 un mois après Montaigu, à la différence de ses coéquipiers de club Hatem Ben Arfa et Rémy Riou. « Un groupe s’était constitué sans Karim en équipe de France et il avait quasiment un an de moins que les autres [Benzema est né le 19 décembre 1987], replace Armand Garrido, alors entraîneur des U16 nationaux de l’OL. Son éclosion s’est faite autour de 16 ans. »


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Mais René Girard, présent en Vendée avec l’équipe de France U16, est passé par là. « Je ne le connaissais pas particulièrement et je l’avais trouvé phénoménal, époustouflant, se rappelle le champion de France 2012 avec Montpellier. Comme Philippe Bergeroo [sélectionneur des U17] m’avait dit qu’il lui manquait un attaquant pour que son groupe soit parfait, je lui ai conseillé Karim. De là à penser qu’il pourrait être Ballon d’or, je n’irai pas jusque-là. En revanche, s’il ne l’a pas cette année, je ne comprends rien au foot. »

La tonalité est la même du côté de Bergeroo, qui a accompagné pendant trois saisons, des U17 aux U19, l’explosion en Bleu du futur quintuple vainqueur de la Ligue des champions. « Je ne peux pas dire que je le voyais Ballon d’or à cette époque, explique l’ancien entraîneur du PSG et de l’équipe de France féminine. Mais c’est le joueur qui m’a le plus étonné, l’attaquant qui avait le plus de qualités, devant le but grâce à sa technique, mais aussi dans ses déplacements. Personne ne pouvait l’attraper ! »

Les Espagnols sous le charme dès 2005

Suite aux recommandations de René Girard, le technicien basque avait mis le Lyonnais à l’essai pendant une semaine, forcément plus que probante, et l’avait amené disputer le fameux Euro remporté par les Bleuets à la maison.

« Il n’avait pas beaucoup joué car on avait une équipe bien en place, détaille Bergeroo. Mais la saison suivante, lors de la Meridian Cup, il avait fait un tournoi exceptionnel. Il était passé au-dessus des Nasri, Ménez et Ben Arfa. Il les avait mangés en une année. Même les Espagnols, que nous avions dans la poule, m’avaient dit : « mais quel joueur ! Quel joueur !!! ». Je me suis dit qu’il avait une progression exceptionnelle et qu’il n’était pas encore arrivé au bout. » »

Loin de là même. Il suffit de se souvenir de la métaphore façon « 30 Millions d’Amis » de José Mourinho en décembre 2010, pour piquer un KB9 trop inefficace à son goût, un an et demi après son arrivée au Real Madrid : « Si tu n’as pas de chien pour aller chasser mais que tu as un chat, alors tu y vas avec le chat. Tu chasses moins, mais tu chasses quand même. » Griffé, le félin lyonnais avait été s’expliquer entre quatre yeux avec son entraîneur, alors au faîte de sa gloire. Du haut de son ego surdimensionné, le Special One de l’époque avait apprécié de voir le jeune Lyonnais oser lui tenir tête. A partir de cet épisode, le respect allait être réciproque.



Avec ou sans Mourinho, parti en 2013, Benzema a passé plusieurs saisons dans la peau du lieutenant d’un autre Portugais, collectionneur de Ballons d’or (2013, 2014, 2016, 2017 avec le Real, après celui de 2008 à Manchester United).

« Karim est en fin de carrière et il aurait pu être sacré plus tôt, observe Alain Perrin, qui a dirigé l’attaquant des Bleus à l’OL pendant la saison 2007-2008. S’il ne l’a pas été, c’est qu’il avait encore besoin de travailler des choses. Pendant quelques années, il a été dans l’ombre de Cristiano Ronaldo et il a fallu qu’il ait cette force de caractère pour continuer sa progression, alors qu’il était tout près de s’égarer. Le Real l’a soutenu et il recueille les fruits en fin de carrière. Je pense que c’est son année. »

Exclu des Bleus pendant cinq ans et demi pour une sombre affaire de sextape, lointain spectateur du duel CR7-Messi pour l’attribution du trophée individuel suprême, coéquipier du lauréat 2018, Luka Modric, finaliste d’un Mondial russe regardé depuis son canapé… Le Ballon d’or a longtemps ressemblé pour Benzema à une quête aussi vaine que le Bouclier de Brennus pour Clermont, titré pour la première fois en 2010 après 10 finales perdues.


Karim Benzema buteur en Ligue des champions à Ibrox Park face aux Glasgow Rangers avec un OL entraîné par Alain Perrin, le 12 décembre 2007.
Karim Benzema buteur en Ligue des champions à Ibrox Park face aux Glasgow Rangers avec un OL entraîné par Alain Perrin, le 12 décembre 2007. - Scott Heppell / AP / Sipa

Alors qu’aujourd’hui, cette récompense tient de l’évidence pour à peu près n’importe quel observateur du football. Elle aurait déjà été tout sauf scandaleuse l’an dernier, lorsque Zinédine Zidane, dernier lauréat français en 1998, avait plaidé sa cause. En vain, même si ce n’était que partie remise pour un attaquant que Zizou a soutenu même dans ses pires moments vécus au sein de la Maison blanche, alors que 99 % de ses collègues l’auraient envoyé en bout de banc.

« On parle d’un joueur qui mérite de gagner ce Ballon d’or, avait lâché l’ancienne icône bleue sur le plateau de Téléfoot, en octobre 2021. C’est un joueur incroyable, j’ai eu le grand honneur de l’entraîner. Il s’associe facilement avec les autres. Il sait tout faire sur le terrain. »

Le potentiel d’un Ballon d'or à 20 ans

Des caractéristiques qu’Alain Perrin avait déjà relevées plus d’une décennie plus tôt. « Quand on voit ce qu’il était capable de faire à 20 ans en Ligue des champions, qui est pour moi la référence… Quand on jouait contre Barcelone ou Manchester United, il n’avait rien à envier à des Ballons d’or comme Messi ou Cristiano Ronaldo, si ce n’est l’expérience. Comme joueur, il avait déjà le bagage complet. Très vite, il a rejoint le Real Madrid. Quand un club du Top 5 mondial s’intéresse à vous, c’est qu’il estime que vous avez le potentiel pour obtenir le Ballon d’or. » Reste à le concrétiser…

Les anciens entraîneurs de Karim Benzema se préparent à savourer, lundi « la consécration d’une carrière exceptionnelle, celle d’un joueur parti d’un petit club de quartier [le SC Bron Terraillon] pour devenir le capitaine du plus grand club du monde, et donc l’un des rares Ballons d’or français de l’histoire », comme le résume Armand Garrido. « Il le mérite cent fois », confirme Philippe Bergeroo. Avant de glisser dans un sourire : « Et puis, ça me permettrait de dire que j’ai entraîné un Ballon d’or, c’est quand même pas mal ! ».