URBANISMEComment les échecs des candidatures aux JO ont métamorphosé Paris

JO Paris 2024 : Comment les échecs à l’organisation des Jeux ont modifié le visage de la capitale

URBANISMEAvant d’obtenir l’organisation des Jeux olympiques 2024, Paris a été candidat en 1992, 2008 et 2012. Ces échecs ont durablement marqué sa physionomie
L'écoquartier des Batignolles, ex-futur village olympique, vu du sommet du Palais de justice.
L'écoquartier des Batignolles, ex-futur village olympique, vu du sommet du Palais de justice. - GILLES BASSIGNAC/JDD/SIPA / Sipa
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Avant d’obtenir l’organisation des Jeux olympiques de 2024, Paris s’est plusieurs fois cassé les dents, en 1992, 2008 et 2012.
  • Un chemin semé d’échecs qui a pourtant contribué a façonné la ville telle que nous la connaissons car, comme le dit Claire Peuvergne, qui dirige l’Institut régional de développement du sport (IRDS), « à partir du moment où on fait phosphorer avec des ambitions très fortes, il en reste toujours quelque chose ».
  • Et ce quelque chose sera la ZAC de Paris-Rive gauche, l’aménagement des boulevards extérieurs dans le nord-est de Paris et le fameux écoquartier des Batignolles, destiné à accueillir les athlètes olympiques dans la candidature de 2012.

Qui se souvient que Paris avait été candidate à l’organisation des JO de 1992 ? Et pourtant, si cette candidature avait abouti, il y aurait eu un village olympique en lieu et place de la bibliothèque François-Mitterrand. Mieux, si Londres ne l’avait pas emporté le 6 juillet 2005 par quatre voix d’avance sur Paris pour les Jeux de 2012, le Tribunal de grande instance (TGI), aujourd’hui situé porte de Clichy, aurait très probablement vu le jour dans la zone Tolbiac Sud. « Ce projet initié par l’Etat n’a été abandonné qu’en avril 2009 avec la décision de réaliser le nouveau TGI dans le quartier des Batignolles, après l’échec de la candidature de Paris », indique d’ailleurs la Chambre régionale des comptes dans son rapport sur la ZAC Paris-Rive gauche de février 2022.

Les candidatures parisiennes de 1992, 2008 et 2012 ont toutes échoué mais à chaque fois, c’est le visage de la capitale qui a été métamorphosé. « A partir du moment où on fait phosphorer avec des ambitions très fortes, il en reste toujours quelque chose », estime Claire Peuvergne qui dirige l’Institut régional de développement du sport (IRDS). « A chaque fois, Paris a tiré parti de ces candidatures », appuie Patricia Pelloux, directrice adjointe de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme) et qui a planché sur les dossiers de 2008, 2012 et 2024.

Profiter de la magie de France 98

Chaque candidature cherche à valoriser un territoire précis. Celle de 1992, qui s’inscrit dans la continuité de celle de l’exposition universelle de 1989, se porte sur Paris rive gauche, un secteur qui n’est alors pas urbanisé. « Cela a accéléré la réflexion sur cette zone et son évolution foncière », explique Patricia Pelloux. Les grands équipements sportifs non réalisés, deviendront culturels avec la BNF.



La candidature de 2008, elle, se fait dans la foulée de la victoire à la Coupe du monde de 1998. « On voulait profiter de la magie des lieux et en plus on avait le grand stade qui manquait en 1992 », rappelle Paul Lecroart, urbaniste à l’Institut Paris région. C’est pourquoi le site de la plaine Saint-Denis est retenu pour héberger le futur village olympique, au détriment de la friche des Batignolles. Mais le « projet n’avait pas beaucoup de consistance », selon les mots de l’urbaniste et Paris échoue une nouvelle fois. En revanche, « on avait imaginé l’installation d’équipements sportifs le long du boulevard MacDonald qui serait devenu un boulevard des sports », ajoute Paul Lecroart. Evidemment, ça ne s’est pas fait, mais « cela a accéléré le développement urbain dans le Nord-Est parisien », avec notamment l’aménagement du quartier Rosa-Parks, abonde Patricia Pelloux.

Des exigences plus fortes

Quelques années plus tard, c’est le site des Batignolles qui est retenu pour y implanter le village olympique en vue des JO de 2012, à mi-chemin entre les deux autres sites olympiques, la plaine Saint-Denis et le bois de Boulogne. Pour Patricia Pelloux et l’Apur qui portait le projet depuis la tentative de 2008, c’est « l’occasion de révéler un territoire et de porter une réflexion à grande échelle ». De fait, en raison des JO, « les exigences sont beaucoup plus fortes que pour une ZAC classique, notamment sur l’aspect environnemental avec par exemple le photovoltaïque sur les toits des bâtiments ou la collecte pneumatique des déchets ».

« On a conçu un quartier sans voitures autour d’un parc [Martin-Luther-King], c’est la première fois qu’on faisait cela dans cet ordre en Ile-de-France », salue Paul Lecroart. Surtout, la candidature olympique a permis d’accélérer le processus de cession des terrains par la SNCF pour construire ce village olympique qui deviendra donc par la force de l’échec, l’écoquartier des Batignolles, depuis régulièrement montré en exemple. D’ailleurs rappelle, la directrice adjointe de l’Apur, « on avait bâti ce dossier pour que le nouveau quartier se fasse quoi qu’il arrive ».



Dans le projet initial, la partie sud était donc destinée au village olympique et la partie nord à des installations temporaires notamment les infrastructures de transport pour les athlètes. En raison de l’échec, ce secteur se trouvait sans affectation précise. Pas pour longtemps. « Le projet de TGI n’avançait plus à Tolbiac or un espace s’ouvrait porte de Clichy et c’est là qu’il a été construit », raconte Claire Peuvergne.

Le retour de la Seine-Saint-Denis

Au-delà des Batignolles, la candidature de 2012 a permis la réalisation d’équipements sportifs qui manquaient en région parisienne. « A l’époque on s’était engagé à les construire même si on perdait, rappelle la directrice de l’IRDS. C’est ainsi qu’on a fait le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines et le stade nautique olympique de Vaires-sur-Marne. » En revanche, le troisième gros équipement, le centre aquatique olympique ne verra le jour qu’avec la candidature de 2024.

Avec, celle-ci, c’est d’ailleurs le retour au centre de l’attention de la plaine Saint-Denis. « C’est cohérent avec une candidature Grand Paris et ça établit une nouvelle géographie en lien avec le Grand Paris Express », estime Patricia Pelloux. « Le mot d’ordre était de désenclaver la Seine-Saint-Denis, que ce département à fort potentiel puisse profiter de l’effet JO », explique Armand de Rendinger, consultant international dans le domaine de l’olympisme et impliqué dans la candidature de 2012.

Et paradoxalement, la candidature de 2024 pourrait bien laisser moins de traces que ses prédécesseures. « L’agenda 2020 du CIO prévoit que le concept des Jeux doit s’aligner sur les grands schémas urbanistiques », précise Claire Peuvergne. Conséquence de quoi, il est recommandé de s’appuyer sur les sites existants et au final le centre aquatique est, avec le mur d’escalade du Bourget, le seul équipement sportif qui sera construit de façon pérenne. En revanche le village olympique situé sur l’Ile-Saint-Denis devrait permettre de redynamiser le secteur. Mais attention, « après les JO, c’est souvent la vallée du désespoir, prévient Armand de Rendinger, citant les mauvais exemples de Rio et d’Athènes. Après la fête, il faut savoir ce qu’on fait. »