EAU DE BOUDINEn super état, une piscine de l'Essonne condamnée à la destruction

Essonne : En super état, la piscine de Montlhéry condamnée à la destruction

EAU DE BOUDINLa flambée des coûts de l’énergie a conduit à la fermeture définitive de la piscine de Montlhéry (Essonne) pourtant construite il y a moins de vingt ans
La piscine de Montlhéry ne devrait plus rouvrir ses portes.
La piscine de Montlhéry ne devrait plus rouvrir ses portes. - Exocet Master Club / Exocet Master Club
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • La fermeture définitive de la piscine de Montlhéry (Essonne) a été annoncée au début du mois et interviendra d’ici à la fin de l’année.
  • L’équipement sportif a été victime à la fois de la politique de regroupement intercommunal et de la hausse des prix de l’énergie, rendant impossible son financement par les trois communes propriétaires : La Ville-du-Bois, Linas et Montlhéry.
  • Mais la mobilisation s’organise pour éviter cette fermeture qui paraît inéluctable avec lancement d’une pétition et intervention de la Fédération de natation.

«C’est une aberration de fermer un tel équipement ! » Bernard Proux, le président de l’Exocet Master Club, ne décolère pas. Et pour protester contre la fermeture d’ici à la fin de l’année de la piscine de Montlhéry (Essonne) où son club de natation pour vétérans - « trois médailles aux derniers championnats d’Europe » - a élu domicile, le nageur a décidé mouiller le maillot. Il a ainsi lancé une pétition en ligne pour protester contre cette décision rendue publique par communiqué le 3 octobre dernier.

Mais pourquoi fermer définitivement une piscine construite en 2006 et en « parfait état de fonctionnement », de l’aveu même de Claude Pons, le maire de Montlhéry ? Pour y répondre, il est nécessaire de revenir aux origines du Sirm. Le Sirm, c’est le syndicat intercommunal de la région de Montlhéry créé en 1995 et rassemblant huit communes autour de l’Orge (la rivière) à savoir, Ballainvilliers, Bretigny-sur-Orge, La Ville-du-Bois, Leuville-sur-Orge, Le-Plessis-Pate, Linas, Longpont-sur-Orge et Montlhéry. Les huit compères se mettent alors d’accord pour gérer en commun, entre autres, la collecte des ordures ménagères avec la taxe afférente (la fameuse TEOM), la création de ZAC et les équipements sportifs, dont la fameuse piscine qui verra le jour 20 ans plus tard.

La fin du mille-feuille et le début des galères

Sauf que dans les années 2010, la puissance publique décide de faire le ménage dans le tant décrié « mille-feuille territorial ». Fini le temps des multiples syndicats intercommunaux maigrelets, place aux grosses structures comme la communauté d’agglomération de Paris-Saclay (CPS), à laquelle appartient aujourd’hui Montlhéry. L’agglo récupère alors la compétence ordures ménagères avec la TEOM qui va avec. Mais c’est justement celle-ci qui permet au Sirm d’être en équilibre, voire « en excédent », selon Claude Pons, également président du syndicat. L’élu poursuit : « Or la CPS a décidé de prendre en compétence optionnelle le sport mais pas les équipements sportifs. En conséquence, la piscine est restée dans le giron du Sirm mais sans les moyens de la financer. »


La piscine de Montlhéry et ses trois bassins.
La piscine de Montlhéry et ses trois bassins. - Exocet Master Club

La situation financière s’est dégradée à mesure que les communes quittaient le Sirm pour rejoindre différentes agglos, jusqu’à ce qu’il ne reste plus en 2016 que trois communes dans le syndicat : La Ville-du-Bois, Linas et Montlhéry. « Il y a un déficit structurel de 900.000 euros, recompte Jean-Pierre Meur, le maire de La Ville-du-Bois. Jusqu’à présent, les trois communes versaient entre 750.000 et 780.000 euros et la CPS complétait pour arriver à l’équilibre. Mais cette dernière a commencé à se dire que ça faisait beaucoup et nous a prévenus qu’en 2023, elle ne donnerait plus rien. » Or au même moment « les prix du gaz et de l’électricité ont été multipliés par 5 ou 6 », précise Claude Pons.

Un effet ciseau terrible qui oblige désormais les trois communes à verser chacune près de 500.000 euros au Sirm pour maintenir l’ouverture de la piscine. Difficile pour des collectivités de moins de 10.000 habitants, qui ont donc préféré jeter l’éponge. Le pire étant que la piscine n’a pas été entièrement payé. « Il reste une dette de 1,3 million d’euros, confirme Claude Pons. Mais lissée dans le temps et répartie entre trois, ça coûtera moins cher que de garder la piscine ouverte. »

Quand la Fédé de natation s’en mêle

Mais Bernard Proux ne se résout pas à la mort de cette piscine de 25 mètres avec bassin d’apprentissage et pataugeoire, d’autant que les équipements de ce type se font rares dans ce territoire, notamment après la fermeture de la piscine de Longjumeau. Pour lui, « le prix de l’énergie n’est qu’un prétexte à la fermeture » et est bien utile à « M. Pons pour se débarrasser de la piscine ». Ce que réfute le maire qui assure avoir en vain chercher toutes les solutions, notamment en essayant d’intégrer les communes utilisatrices de la piscine dans le Sirm mais qui rechignent à passer à la caisse.

L’affaire a pris de l’ampleur puisque la ligue d’Ile-de-France de la Fédération française de natation, par la voix de son président Lazreg Benelhadj, s’est fendue d’une lettre à destination de Claude Pons l’appelant à « engager un dialogue pour trouver des alternatives » à la fermeture. Pour la ligue, « ce sont des milliers d’enfants désireux d’apprendre à nager par le biais de leur scolarité ou d’un club qui vont être sanctionnés ». Les scolaires seront en effet les premiers pénalisés et Claude Pons se demande si les compétences des agglos ne devraient pas être revues : « On devrait gérer les piscines au niveau des agglos et les médiathèques au niveau communal, et pas l’inverse comme aujourd’hui ».


Et si la fermeture est confirmée, que deviendra la piscine ? « On fera un autre équipement public à la place, s’engage le maire de Montlhéry. Une école ou un centre de loisir. De toute façon, le PLU n’autorise sur cette parcelle la construction que d’un équipement public. » Quant aux personnels, « ils seront repris par les communes », indique Jean-Pierre Meur qui a le sentiment d’un beau gâchis. « On enverra les scolaires à la piscine La Vague de Palaiseau mais tous les créneaux sont occupés. La CPS devra donc reconstruire une piscine d’intérêt communautaire dans l’est de l’agglo. » Précisément là où on aura fermé une piscine faute de financement.