« MIDTERMS MONDAY »Pourquoi Joe Biden n’a pas réussi à faire retomber la fièvre de l’Amérique

Midterms 2022 : Pourquoi Joe Biden n’a pas réussi à faire retomber la fièvre d’une Amérique fracturée

« MIDTERMS MONDAY »Retrouvez tous les lundis notre couverture des élections de la mi-mandat du 8 novembre
Joe Biden à Philadelphie, le 1er septembre 2022.
Joe Biden à Philadelphie, le 1er septembre 2022. - Evan Vucci/AP/SIPA / SIPA
Philippe Berry

Philippe Berry

L'essentiel

  • Chaque lundi, 20 Minutes explore l’actualité et les enjeux des élections américaines de la mi-mandat, le 8 novembre prochain.
  • Joe Biden avait promis de « restaurer l’âme » de l’Amérique, mais il s’est heurté à un pays profondément divisé.
  • Selon le chercheur James Campbell, ces divisions, anciennes, se sont creusées avec des leaders politiques qui cherchent avant tout à mobiliser leur base.

Edit du 8 novembre 2022 : Les Américains sont appelés aux urnes ce mardi 8 novembre. Ils doivent notamment renouveler une partie du Congrès dans le cadre des élections de mi-mandat de la présidence Biden. Un scrutin à très haut risque pour le pouvoir démocrate.

De notre correspondant aux Etats-Unis,

C’était peut-être la promesse la plus importante de sa campagne. Joe Biden avait fait de son duel face à Donald Trump un référendum existentiel et une bataille pour « l’âme » de l’Amérique. Mais s’il a juré dans son discours d’investiture, deux semaines après l’assaut du Capitole, de tout faire pour « unifier » une Nation meurtrie, Biden s’est heurté à la dure réalité d’un pays profondément fracturé. Et la situation pourrait empirer après les midterms du 8 novembre, avec la perspective d’un Congrès divisé : une vague de républicains « MAGA » risque de déferler sur la Chambre, mais les démocrates sont favoris pour rester majoritaires au Sénat.

Contrairement à une idée reçue, ces divisions « sont anciennes », rappelle James Campbell, professeur de sciences politiques à l’université de Buffalo. Dans son livre Polarized : Making Sense of a Divided America (Polarisé : Donner du sens à une Amérique divisé), le chercheur insiste : l’Amérique « n’est pas une Nation de modérés », avec un fort clivage idéologique entre les libéraux, à gauche, et les conservateurs, à droite, dans un bipartisme quasi-absolu. C’est d’abord le parti démocrate qui s’est éloigné du centre dans les années 1960-1970, en plein mouvement des droits civiques. Puis le parti républicain a suivi, avec l’émergence de la droite évangélique, le succès d’une opposition dure à Bill Clinton en 1994, le Tea party sous Obama et le trumpisme. Résultat, aujourd’hui, seul un Américain sur trois se considère comme « modéré ».

Bulles de filtre et chambre d’écho

Selon Campbell, c’est à travers l’électorat que cette polarisation a commencé avant de s’étendre aux responsables politiques, et pas l’inverse. Pendant longtemps, les élus « atténuaient les différences en courtisant les centristes ; aujourd’hui, ils ont davantage de succès électoraux en mobilisant leur base », détaille l’universitaire. C’est particulièrement vrai à la Chambre, avec un redécoupage électoral des districts qui avantage un parti ou l’autre. Au Sénat, il faut s’adresser à un électorat plus vaste, à l’échelle de tout un Etat, et souvent procéder à un recentrage après les primaires.

Libéraux ou conservateurs, pro-life ou pro-choice, gun rights ou gun control, Fox News contre MSNBC, élites contre working class… L’Amérique est coupée en deux par des choix binaires, et la situation empire. « C’est un cycle pernicieux de renforcement car nous sommes principalement exposés à des personnes du même bord », détaille l’expert. « Les entreprises mettent en avant leurs valeurs et attirent des salariés qui les partagent. Il y a de moins en moins de débats d’idées ». La polarisation des médias, avec l’avènement des « câbles news » a également joué, tout comme les réseaux sociaux et leur effet démultiplicateur des bulles de filtre et de chambre d’écho.

Le choix de Joe Biden

Arrivé au pouvoir après les violences des néonazis à Charlottesville puis l’assaut du Capitole, Joe Biden voulait « faire baisser la température ». C’est raté : deux Américains sur trois estiment aujourd’hui que la démocratie « risque de s’effondrer », et autant sont inquiets du risque de « violence politique ». Pour une fois, républicains et démocrates sont à l’unisson. Sauf qu’ils sont diamétralement opposés sur les raisons du mal. « Un camp tient Donald Trump et les républicains MAGA responsables, tandis que l’autre pointe du doigt Joe Biden et les démocrates socialistes », écrivent les éditorialistes du New York Times Peter Baker et Blake Houndshell.

Face à ces divisions profondes, Joe Biden semble s’être fait une raison et cherche à unifier les anti-Trump. Dans son discours sur « la bataille permanente pour l’âme de notre Nation » à Philadelphie, le 1er septembre dernier, il a violemment attaqué son prédécesseur, mais aussi ses supporteurs :

« Trump et les républicains MAGA extrémistes ont fait le choix d’un retour à la colère, à la violence, la haine et la division. Le parti républicain est aujourd’hui dominé et intimidé par Donald Trump et les républicains MAGA, et c’est une menace pour la démocratie. » »

Ce discours et sa mise en scène, avec des marines armés derrière lui et une lumière rouge sang, ont été critiqués par l’ensemble du parti républicain, y compris par des élus modérés. L’ancienne ambassadrice aux Nations unies Nikki Haley, qui a des ambitions présidentielles, a notamment dénoncé « un discours des enfers par le diviseur en chef. Joe Biden ne va pas nous unifier en disant grosso modo que la moitié des Américains sont des terroristes domestiques. »

Et pour Joe Biden, parler autant de Donald Trump est un pari risqué : traditionnellement les midterms restent un référendum sur le président en place, pas sur son prédécesseur.