Votre vie votre avisPour préserver leur santé, ils emploient le « quiet quitting » au travail

« Pour ne pas ruiner leur santé », ils emploient le « quiet quitting » au travail

Votre vie votre avisAlors qu’une grève interprofessionnelle est lancée ce mardi, nous avons demandé à nos lecteurs ce qu’ils pensaient du « quiet quitting ». Si la plupart le pratique, tous n’ont pas la même raison de moins en faire au travail
Certains des lecteurs de « 20 Minutes » ne veulent plus subir la pression des responsabilités.
Certains des lecteurs de « 20 Minutes » ne veulent plus subir la pression des responsabilités. - Tumisu / Pixabay / Pixabay
Guillaume Carlin

G.C.

L'essentiel

  • Certains des lecteurs de « 20 Minutes » ne font pas de zèle au boulot depuis longtemps, parfois après une déception professionnelle : une mise au placard, une promotion non obtenue.
  • D’autres ont arrêté les heures sup après un problème de santé ou, justement, pour préserver leur corps et leur esprit du stress lié aux responsabilités.
  • Pour d’autres encore, le concept est caduc. Selon eux, le « quiet quitting », c’est la définition même du travail.

«Travailler plus pour gagner plus. » Le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 semble aujourd’hui anachronique. Après deux années de crise sanitaire liée au Covid-19, le contexte a bien changé. Au point de voir émerger une nouvelle philosophie autour du travail, le « quiet quitting » ou « démission silencieuse », apparue sur TikTok, et qui consiste à ne faire que le strict minimum dans son emploi. Cela passe par ne plus faire d’heure supplémentaire, ne plus répondre aux mails en dehors des heures de travail, ne plus accepter de responsabilités, de tâches supplémentaires ou encore ne plus « dépanner » un collègue.

Selon Adrien Scemama, responsable de Talent.com, une plateforme qui diffuse près de 4 millions d’offres d’emploi chaque mois, « la génération Z est, aujourd’hui, bien plus attentive aux conditions de travail et à son bien-être. Ils n’acceptent plus de travailler n’importe comment et à n’importe quel prix. » Nous avons demandé aux lecteurs de 20 Minutes s’ils pratiquaient cette « démission silencieuse ».

La première réaction pour beaucoup est de dire que la tendance est loin d’être nouvelle. Jean, par exemple, en applique les préceptes depuis longtemps, « bien avant que cette pratique se découvre un nom sur TikTok ». « Je dois être en avance sur mon temps, vu que je fais ça depuis seize ans », confirme Romain pour qui « faire le boulot pour lequel on est payé semble normal ». A 55 ans, Olivier aussi a toujours eu comme philosophie « de me dire "le travail n’est pas ton ami" ».

Le management pointé du doigt

Mais d’autres lecteurs, eux, ne sont passés au « quiet quitting » qu’après un moment. Parfois après une déception professionnelle. C’est le cas de ce lecteur qui, travaillant toujours dans la même entreprise, préfère rester anonyme. « J’ai été un agent exemplaire, passionné par mon travail », raconte-t-il. Puis il est entré en conflit avec sa nouvelle direction, qui l’a changé de service. « Depuis, j’ai décidé de ne plus prendre d’initiatives. J’arrive à l’heure, mais si je peux m’échapper plus tôt, je le fais. »

Certains de nos lecteurs ont été déçus face à des promesses d’augmentation ou de progression non-tenue. Figo est fonctionnaire de police : « Je suis passé chef de section en 2017. A l’époque on me dit de prendre le job et que j’aurais un changement de grade. On est en 2022 et j’ai toujours le même grade, donc je comprends les gens qui font le strict minimum et n’acceptent plus de responsabilités. »

La cause qu’invoquent le plus souvent les lecteurs pour justifier leur manque de zèle, c’est « le manque de reconnaissance » de leur direction. « Pourquoi me donner à 100 % pour une entreprise qui ne pense qu’aux chiffres et ne manage même pas ses équipes ? », se demande Naël à propos de son patron.

Plus largement, c’est la gestion des employés qui est souvent pointée du doigt. Julien, informaticien, est le plus critique : « J’en suis venu à comprendre que la seule chose motivante du travail, c’est ma progression personnelle. La culture d’entreprise n’existe plus, le management humain non plus. Le salariat m’a dégoûté d’un travail que j’adore. » C’est pourquoi il va désormais « [se] trouver un poste qui ne [lui] mettra pas la pression ».


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Préserver sa santé

Pour d’autres, il a fallu aller « au bord du burn-out. J’ai pris énormément de stress à mesure que je prenais de plus en plus de responsabilités », témoigne Rémi, ingénieur en informatique. En 2019, il prépare une reconversion. « A partir de ce jour-là, j’ai décidé de respecter scrupuleusement les horaires et de ne plus faire plus que de besoin. Bizarrement, j’ai tout de suite réussi à dormir la nuit. » Après un AVC, Pascal, contractuel dans la fonction publique territoriale, a « décidé de pratiquer assidûment le "quiet quitting". Je ne fais plus aucun cadeau à mon employeur qui, par son attitude, ne le mérite pas. Aucun job, dans le public comme dans le privé, ne mérite de se ruiner la santé. »

« Arrêtons de nous tuer à la tâche, de cautionner la hustle culture [la culture du burn-out] », c’est aussi ce qui est dit dans la vidéo TikTok qui a popularisé le « quiet quitting » en France. Marcelle, 72 ans, a connu cette façon de voir le travail : « En faire un peu plus pour rendre service, ne pas regarder sa montre, finir à tout prix ce qui a été promis à un client, ça a mis sur les genoux bien des personnes de ma génération. »

Le travail comme « moyen d’émancipation »

Cependant, la pratique ne fait pas l’unanimité. « La nature humaine veut que nous nous surpassions pour nous épanouir, pense Mickaël. Il se peut que les deux dernières années aient changé les mentalités à court terme, mais le travail est et restera un moyen d’émancipation, de développement personnel et social. » Selon Frédéric, « le "quiet quitting" n’est pas une solution à long terme. Plutôt que de moins en faire dans un boulot qui ne nous plaît pas, parce qu’il ne nous est pas adapté, il vaut mieux trouver un boulot dans lequel on se sent vraiment à sa place et qui nous comblera. »

Jules, lui, rejette carrément le concept : « L’appellation "quiet quitting" me révolte. Appeler démission le fait de respecter strictement un contrat n’est qu’une façon de culpabiliser l’employé pour le pousser à en faire plus gratuitement. Si mon employeur passe une commande, il ne s’attend pas à avoir 10 % de plus. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent pour la charge de travail de ses employés. »