FRITUREY’a pas le feu dans la majorité mais ça chauffe sur le budget avant le 49.3

Budget 2023 : Y’a pas le feu dans la majorité, mais ça chauffe avant le passage en force par le 49.3

FRITUREDepuis le début des débats sur le budget, ça tire un peu à hue et à dia dans la majorité, et le gouvernement n’est pas forcément épargné
De gauche à droite : François Patriat, président du groupe macroniste au Sénat, Jean-Paul Mattei, président du groupe MoDem, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, et Laurent Marcangeli, président du groupe Horizon.
De gauche à droite : François Patriat, président du groupe macroniste au Sénat, Jean-Paul Mattei, président du groupe MoDem, Aurore Bergé, présidente du groupe Renaissance, et Laurent Marcangeli, président du groupe Horizon. - THOMAS SAMSON / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Les débats sur le budget 2023 à l’Assemblée nationale sont difficiles pour le gouvernement, régulièrement battu, parfois même pas des amendements venus de la majorité.
  • L’ambiance s’est notamment épicée sur la question de l’amendement du MoDem sur les super dividendes, adopté par une large majorité.
  • Si des désaccords sont exprimés publiquement, la majorité n’est néanmoins pas sur le point d’éclater.

Que les électeurs et électrices de gauche, de droite ou d’extrême droite, soient prévenues: non, la majorité macroniste n’est pas en train de se défaire. Personne n’a l’intention de voter de motion de censure, ni aujourd’hui, ni demain. Personne, non plus, ne remet réellement en cause la direction politique de l’exécutif. Ce qui est déjà beaucoup en ces temps troublés. Mais pour le reste, à l’occasion du début de la discussion budgétaire dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, ça couine un peu dans tous les sens.

Il y a, bien sûr, les députés Renaissance (RE) qui se trouvent déjà essorés par une semaine de débats où ils ont perdu bien des votes. « Il y a eu pas mal de remontées assez véhémentes de députés pour dire que si c’est pour être fatigué et passer des heures et des heures en séance sans que ça serve à grand-chose, il valait mieux envoyer le 49.3 plus tôt ! », relate un député macroniste francilien après la réunion de groupe de mardi matin. A tel point que, pour se protéger, le gouvernement pourrait envoyer un deuxième (déjà !) 49.3 dès cette fin de semaine sur la première lecture du projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Rappelons qu’il devrait, a priori, y avoir sept 49.3 d’ici la fin de la séquence budgétaire.

Une démission dans la balance

Mais le principal sujet de conversation depuis une semaine est la défaite du gouvernement sur un amendement du président du groupe MoDem, membre de la majorité, Jean-Paul Mattei, pour majorer temporairement la taxation des « super dividendes ». Vu comme une proposition de compromis, il a été largement voté par la gauche, le RN, le MoDem et même une vingtaine de voix des macronistes de Renaissance (RE, ex-LREM), avec l’abstention d’Horizon, dernier groupe de la majorité. Sauf que pour le gouvernement, il n’est pas question que cet amendement survive au passage du 49.3. Bruno Le Maire a même mis sa démission dans la balance, lors d’une réunion de cadres de la majorité, lundi.

Mardi midi, le président du groupe démocrate ne lâchait pas l’affaire. L’amendement va contre la ligne « pas de nouvelle taxe » du gouvernement ? « La France de 2022 n’est pas celle de 2017, on a le droit de poser des questions », répond Jean-Paul Mattei. L’amendement est « mal écrit, plein de défauts », comme le décrit un député RE ? « Mon amendement est amendable, il n’est pas parfait, assure le Béarnais. J’y suis tout à fait ouvert sur la forme, mais pas dans l’esprit. »

Zoro Mattei

De quoi un brin agacer chez ses collègues : « Mais il le sait très bien qu’il ne va pas y être son amendement ! On lui a dit, affirme un cadre de la majorité. Il connaît même déjà son lot de consolation », à savoir la survie de quelques amendements MoDem, moins symboliques. « Mattei je l’adore, mais il porte un amendement facile. Il joue à Zoro, et tout le monde aime les héros ! » Tout le monde, sauf peut-être Elisabeth Borne, qui, mardi matin, devant les députés RE, a mis le holà : « Oui, on peut dialoguer, mais il n’y aura pas de prime à l’échappée solitaire ».

Le président du groupe démocrate ne se sent pas concerné par l’avertissement de la Première ministre, mais prévient quand même, si jamais : « On ne nous empêchera pas de légiférer. On soutient le gouvernement sans souci, mais on apportera notre pierre à l’édifice, notre parole originale. On ne nous empêchera pas d’être créatifs. » Oui, mais pas comme ça, répond un député RE opposé à l’amendement car « ça crée une petite forme de trouble ou de manque de clarté sur notre ligne. Qu’il y ait débat, je comprends, mais je pense que ce n’est pas la bonne méthode. »

Entre gens urbains

L’attitude trouve pourtant un certain écho dans la majorité. Sur le fond, d’abord, la ligne gouvernementale qui ne veut absolument pas d’augmentations d’impôts – même minimes comme ici – a du mal à passer dans le contexte social : « Moi je le trouve bon l’amendement, assure le cadre cité plus haut. J’ai du mal à être totalement convaincu du bien fondé du « on touche pas du tout aux entreprises même si elles font n’importe quoi ». Les super profits nous posent un souci d’affichage. » Et puis sur la forme, d’un point de vue stratégique, l’aile gauche de Renaissance trouve que le gouvernement a mal joué le coup. « Nous n’avons qu’une majorité relative, rappelle le député RE de l’Hérault, Patrick Vignal. Il sera obligatoire de faire des concessions pour montrer qu’il y a des oppositions qui ne veulent que cliver. »



Tout le monde cherche à relativiser les évènements des derniers jours dans la majorité : « Franchement y’a pas de drame, même chez RE », affirme le député cité plus haut. On veut bien les croire, vu qu’il n’y aura pas de conséquences directes de cet évènement. « On est des gens urbains », disait lundi soir Erwan Balanant, député MoDem pour rappeler, sans surprise, que son parti ne voterait évidemment aucune censure. Se pose quand même la question d’un certain mépris de Renaissance pour ses « partenaires juniors » de la majorité. « Je ne me sens pas méprisé, commente l'un d'eux. Mais il faut bien comprendre dans la configuration du pays et de l’Assemblée qu’il n’y a pas de petits et pas de grands. Je ne sais pas s’ils en ont conscience chez Renaissance. » C'est une évidence pour la majorité, évidemment solidaire. Mais il faudrait voir à ne pas totalement prendre tout pour acquis. Le gouvernement ne sera pas toujours sauvé par le 49.3.