REPORTAGECes voyageurs délaissent l'avion pour le voilier pour faire Corse-continent

Pour faire Corse-continent, ces voyageurs optent pour le voilier pour une traversée plus durable et « apaisante"

REPORTAGELa société Sailcoop a ouvert cet été un service de transport de passagers à la voile entre la Corse et le continent. En novembre, leur voilier met le cap sur les Antilles
On a navigué avec Sailcoop qui transporte des passagers à la voile
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Sailcoop a lancé en mai un service de transport des passagers à la voile entre le continent et la Corse.
  • Après leur première saison estivale, ils se lancent dans une transatlantique où depuis la Martinique leur voilier ouvrira une ligne vers la Guadeloupe.
  • 20 Minutes a embarqué avec eux début octobre pour faire Calvi-Toulon.

«Un bilan très positif », estime Marianne une des deux skippers du Belle aventure, le voilier de 15 mètres à bord duquel Sailcoop transporte des passagers entre la Corse et le continent. « Nous sommes plutôt pleins. Sur ces bases, le projet est viable », poursuit-elle. Lancé en mai dernier, ce service a visiblement rencontré son public pour des traversées facturées 180 euros par personne, repas inclus.

« J’ai décidé d’arrêter de prendre l’avion et je me suis renseigné sur l’émission carbone des ferries », raconte Charlie, un des sept passagers du voyage Calvi-Toulon du 7-8 octobre dernier, qui s’est rendu en Corse pour participer à un séminaire de mathématiques sur les risques inondations. « Mon laboratoire a accepté sans difficulté cette option de voyage », précise le jeune thésard.

Ce 7 octobre, le monocoque de 50 pieds a quitté le port de Calvi à 15h30. Une faible brise d’environ 6-7 noeuds (environ 10 km/h) souffle sud-sud-ouest, est-il noté sur le livre de bord, document que tout marin a obligation de tenir à jour lors des sorties en mer. Une fois sortis du port, les deux skippers, Marianne et Rémy hissent la grande voile et déroulent le génois (voile située à l’avant). Le Belle aventure file à 4,5 noeuds (environ 7 km/h) tandis que s’éloigne lentement dans son sillon, et à mesure que le soleil s’efface derrière elle, la citadelle de Calvi.

Une pointe à 13 km/h

A son bord, les passagers sont plutôt jeunes. Deux amies médecins de tout juste 30 ans ont embarqué pour leur retour de vacances, de même qu’un couple venu du Var et un Belge, le plus âgé de l’équipage ce jour-là. Aucun n’ont de réelle expérience de navigation et tous semblent surpris de voir « à quel point la côte reste visible longtemps », remarque Emilie. Les sommets des montagnes Corse et les lumières, de plus en plus faiblardes, de la ville de Calvi restèrent en effet visible jusque tard dans la soirée.

Peu après le départ, le vent décide de ne plus souffler et les skippers décident donc de démarrer le moteur. Une houle résiduelle d’un coup de vent survenu la veille dans le golfe de Gênes rencontre le bateau par le travers et le fait rouler désagréablement. Deux passagers expérimentent un très léger mal de mer, alors que sortent sur le pont des assiettes de lentilles et de riz après un pot de tapenade en entrée.

Des dauphins pour le café

Les skippers prennent alors leurs quarts de trois heures chacun, et tous veillent quelque temps et profitent d’une lune presque pleine illuminant la mer redevenue progressivement calme. Au petit matin, après une nuit au moteur, le jour se lève et une légère brise dissipe progressivement le brouillard. « Je pensais que la sensation de ne plus voir la terre serait assez flippante, mais en fait non, pas du tout, ça apaise », commente Leïla, une des jeunes médecins à bord.

Quelques dauphins passent au loin et laissent les passagers sans voix le café le chauffe, le bateau remarche à la voile alors que commencent à se dessiner à l’horizon les îles de Port-Cros et du Levant au-devant desquels se forment des nuages annonciateurs de pluie. « C'est notre pire traversée », conclut Marianne. « On a eu peu de vent, et maintenant la pluie... » Une conclusion qui n'a pas l'air de décevoir les passagers, plutôt heureux de connaître, en 24 heures seulement un bon échantillon de ce que peut réserver la navigation. « J'aurai quand même aimé connaître une bonne brise », regrette Patrice, le Belge embarqué avec nous.

Salopettes et cirés sont mis à disposition tandis qu'une pluie battante commence à tomber en milieu de matinée. Elle vient avec un vent qui nous permet d’atteindre notre pointe de vitesse de la traversée, 7,05 noeuds ! (soit 13km/h) alors que le port de Toulon est encore à cinquante kilomètres environ. Le Belle aventure rentre au port avec un soleil revenu peu après 16 heures. Les passagers débarquent, reste alors à gagner la gare pour prendre un train et parcourir les 60 kilomètres qui séparent Toulon de Marseille, en un peu moins d’une heure. « Et toi ton train, il est à quelle heure ? », se demande-t-on entre passagers. Ca pianotte sur les portables pour consulter les horaires. Charlie en a un qui part à Paris dans 15 minutes. « Je vais me dépêcher et tenter le coup. » Un rapide au revoir, le temps de souhaiter « bon vent » aux deux skipper, marque le retour à la vie à la terrestre.