COPIER/COLLERL’accumulation des 49.3 et des motions de censure, risqué pour qui ?

Budget 2023 : L’accumulation des 49.3 et des motions de censure, un risque pour qui ?

COPIER/COLLERLe déclenchement du 49.3 - et des motions de censure qui vont avec - sur la partie recettes du budget ne sont que les premiers d’une longue série
Pendant qu'Elisabeth Borne annonce le recours au 49.3, les députés de la Nupes quitte l'hémicycle, mercredi après-midi.
Pendant qu'Elisabeth Borne annonce le recours au 49.3, les députés de la Nupes quitte l'hémicycle, mercredi après-midi.  - EMMANUEL DUNAND / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Le premier 49.3 enclenché mercredi, et les premières motions de censure qui le suivent, ne sont que les premiers d’une longue série dans le marathon du budget au Parlement.
  • Le gouvernement prend-il plus de risque avec ce premier 49.3, ou avec les autres à venir ?
  • En négatif, les motions de censure à répétition des oppositions ne vont-elles pas finir par passer pour de l’obstruction ?

Si vous êtes des fans de la Ve République et de son parlementarisme « rationalisé », cette année, Noël tombe en avance. Mercredi, sans surprise, la Première ministre, Elisabeth Borne, a déclenché l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de 1958 pour faire adopter sans vote – sauf si une motion de censure est adoptée –, en première lecture, la partie recettes du projet de loi de finance (PLF) 2023. En conséquence, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) a déposé dans la foulée une motion de censure, et le Rassemblement national (RN) a annoncé vouloir faire de même ce jeudi. Mais ce n’est que le début.

Car le débat budgétaire au Parlement français, c’est un marathon. L’Assemblée va devoir encore étudier les dépenses du PLF et le projet de loi de finance de la Sécurité sociale (PLFSS)… en première mais aussi en deuxième lecture, après le passage par le Sénat. Et, last but not least, en lecture définitive. A chaque fois, le gouvernement peut utiliser le 49.3 et, à cette heure en tout cas, on voit mal comment il pourrait s’en passer. Il n’a pas de majorité sur le texte, et n’en aura pas plus dans un mois. Le deuxième 49.3 pourrait d’ailleurs arriver dès ce jeudi. Au total, cela fait donc environ sept 49.3 (mais les spécialistes ne sont pas exactement d’accord, certains vont jusqu’à neuf !) pouvant être déclenchés dans les prochaines semaines. Avec à la clef à chaque fois peut-être une, deux ou trois motions de censure des oppositions, si la Nupes, le RN et Les Républicains (LR) se chauffent en même temps.

Un air affecté

Côté pouvoir, quel sera le plus dur à assumer ? Ce premier 49.3, les suivants n’étant qu’une répétition logique ? Ou l’accumulation des 49.3, qui appuiera à chaque fois le fait qu’il est incapable de trouver une majorité ? Dans la majorité, justement, on se montre assez serein : on y répète à l’envi que « les oppositions nous ont facilité le travail en annonçant très tôt qu’elles ne voteraient pas le budget ». Une cadre de la majorité estimait, avant le début de l’examen du PLF en séance, que « sur les textes budgétaires, la pédagogie du 49.3 ne sera pas difficile à faire. Chacun comprend bien qu’il faut un budget à la France ». Et pour le MoDem Bruno Milliène, l’accumulation des 49.3 est tout simplement « un non-sujet » : « Les autres 49.3, ça sera avant tout des questions d’agenda. Il y a un délai pour rendre le budget, et les motions de censure vont nous ralentir. »

Mais au gouvernement, certaines sources donnent l’impression d’être moins sereines. Pour l’une d’elles, « le premier 49.3 est dangereux, car il est plus marquant, plus dur médiatiquement », mais l’accumulation l’est aussi, car ce sera « plus dur politiquement ». C’est pour mieux se mettre dans une position qui paraît affectée : « Le 49.3 n’est pas pour nous le choix de la facilité, on se met en danger, poursuit cette source gouvernementale. On multiplie les risques qu’une motion de censure finisse par être votée, sur une majorité de circonstance. » Eric Coquerel, le président insoumis de la Commission des finances, veut croire à ce scénario. Mais à ce stade, on est encore dans le domaine de la science-fiction.

Ne pas galvauder les outils

Côté oppositions, alors, la question est de savoir si l’accumulation des motions de censure ne va pas finir par passer pour de l’obstruction aux yeux de l’opinion publique. Avec sept débats de motions au minimum (si plusieurs motions de censure sont déposées en même temps, les débats peuvent être éventuellement mutualisés, mais pas les votes), en un peu moins d’un mois, il va falloir faire chauffer le dictionnaire des synonymes dans les cabinets pour trouver de nouvelles choses à dire. La Nupes tente une parade à ce ronron : le principal orateur de la motion, la personne qui entame le débat, va tourner. Cet été, c’est Mathilde Panot qui avait défendu la première, en tant que présidente du groupe LFI, le premier groupe de la Nupes. Cette fois, ce sera Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe écologiste.

Cela peut-il suffire à renouveler le genre ? L’écolo Benjamin Lucas croit de toute façon qu’il y a quelque chose d’automatique : « La motion de censure, c’est la seule manière de pouvoir voter sur les textes quand il y a 49.3. Si on veut être fidèle à notre engagement, à ce pour quoi on a été élu, on n’a pas le choix, on doit se prononcer. » L’élu des Yvelines, s’il « ne pense pas que les gens nous en voudrons d’aller au bout de nos convictions », concède toutefois qu’il faudra « patiemment expliquer » la chose sur le terrain. Thomas Ménagé, député RN du Loiret, est optimiste de ce point de vue : « Je ne vois pas le danger pour les oppositions. Ce que les Français voient, c’est qu’Emmanuel Macron et le gouvernement passent en force. »



Le débat ne fait que commencer, au moins dans les rangs de la Nupes, où une position commune n’a pas été arrêtée. Un député socialiste – catégorie Nupes enthousiaste –, qui avoue ne pas avoir encore vraiment réfléchi à l’hypothèse, se demande « si cela a beaucoup de sens de déposer plusieurs motions de censure sur un même texte » quand, par exemple, le PLF reviendra en seconde lecture. « Il ne faut pas démonétiser l’outil. Si on multiplie les motions à l’infinie, ça risque de perdre de sa force. Or, c’est la seule dont nous disposons face au gouvernement. »