portraitJair Bolsonaro, le « Mythe » qui veut « rétablir l’ordre » au Brésil

Présidentielle au Brésil : Jair Bolsonaro, le « Mythe » qui veut « rétablir l’ordre »

portraitDevancé par l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva dans les intentions de vote, Jair Bolsonaro, président sortant, a misé sur un coûteux programme d’aides sociales pour renverser la vapeur
Jair Bolsonaro, le portrait
Marion Pignot

M.P. avec AFP

L'essentiel

  • Après une campagne à couteaux tirés et un premier tour plus serré que prévu, le Brésil élit dimanche son prochain président : l’ex-chef d’Etat de gauche Lula ou le président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro.
  • A deux jours du vote, les analystes n’excluent pas que la sixième campagne présidentielle de l’inoxydable fondateur du Parti des travailleurs (PT) échoue au poteau. Selon le dernier sondage jeudi de l’institut de référence Datafolha, l’ancien syndicaliste est crédité de 53 % des votes exprimés, contre 47 % pour Bolsonaro.
  • Aujourd’hui, le style provocateur et machiste de Bolsonaro plaît à son noyau dur de partisans, mais les nombreux dérapages du « Mythe » (son surnom) lui valent le pire taux de rejet (50 %) d’un président briguant un second mandat au Brésil… Portrait

Le président brésilien sortant Jair Bolsonaro, devancé dans les sondages par son ennemi juré Lula, se montre plus combatif que jamais dans sa quête de réélection, après quatre années d’un mandat pourtant marqué par les crises. Cet ancien capitaine de l’armée nostalgique de la dictature militaire (1964-1985), âgé de 67 ans, a multiplié les attaques contre les institutions, s’en prenant avec virulence à la Cour suprême, et n’a cessé de critiquer la crédibilité d’un système électoral qui a pourtant fait ses preuves.

Méprisant les médias traditionnels et fuyant les conférences de presse, le président d’extrême droite a préféré s’adresser directement à ses dizaines de millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. Cet admirateur de l’ex-président américain Donald Trump a été régulièrement accusé de disséminer lui aussi de fausses informations, notamment sur le Covid-19 ou sur le système d’urnes électroniques. Et son style provocateur et machiste plaît à son noyau dur de partisans, mais les nombreux dérapages du « Mythe » (son surnom) lui valent le pire taux de rejet (50 %) d’un président briguant un second mandat au Brésil.

« Corona-sceptique »

Devancé par l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva dans les intentions de vote, il a misé sur un coûteux programme d’aides sociales pour renverser la vapeur. Le manque d’empathie dénoncé par de nombreux commentateurs chez Jair Bolsonaro durant la dramatique crise du Covid-19, qui a fait au moins 687.000 morts au Brésil, a choqué une grande partie de la population.

Ce « corona-sceptique » a refusé de se faire vacciner et a poussé la provocation jusqu’à plaisanter sur les possibles effets secondaires des vaccins, susceptibles de transformer les gens en « crocodile » ou en « femme à barbe ». Jair Bolsonaro a assuré devant l’Assemblée générale de l’ONU que son gouvernement « avait tout fait pour sauver des vies ». Pourtant une commission d’enquête parlementaire a réclamé son inculpation pour « crime contre l’humanité ». C’est avec la même défiance qu’il a fait face aux quelque 150 demandes de destitution déposées au Parlement et à l’ouverture de plusieurs enquêtes contre lui à la demande de la Cour suprême, notamment pour désinformation.

Bolsonaro vs Macron

Elu pour « rétablir l’ordre », Jair Bolsonaro a gouverné en multipliant les crises, à la tête d’un gouvernement secoué par de nombreux limogeages ou démissions. Haranguant la foule lors de manifestations en son soutien, ce catholique avait lancé que « seul Dieu » pourrait le chasser du pouvoir. Il pourrait contester le résultat des élections dimanche.



Rare occasion où il a mis de l’eau dans son vin, Bolsonaro s’est allié au « Centrao » (nébuleuse de partis qui monnaient leur soutien contre des avantages) afin de consolider sa base parlementaire et éloigner le risque d’une destitution.

Fervent patriote et défenseur de la souveraineté de son pays, il a vertement critiqué plusieurs chefs d’Etat ou de gouvernement étrangers, quitte à isoler le Brésil sur la scène internationale. La plus violente polémique l’opposa au président français Emmanuel Macron en 2019, alors qu’était en feu l’Amazonie, où la déforestation a battu des records sous son mandat.

Des dérapages racistes, misogynes, homophobes

Piètre orateur, ce populiste à la syntaxe approximative et au regard bleu avait réussi à faire mouche avec des phrases simples. Surtout, il s’est assuré le soutien des puissants lobbys de l’agronégoce et des évangéliques, confession de son épouse Michelle, âgée de 40 ans seulement. Ce fervent défenseur de la famille a néanmoins été épinglé par certains pour avoir eu cinq enfants de trois femmes différentes.

Jair Bolsonaro est très proche de ses trois fils aînés, tous des élus, et qui collectionnent eux aussi les polémiques. Né en 1955 à Campinas, près de Sao Paulo, dans une famille d’origine italienne, Jair Bolsonaro a eu une carrière militaire émaillée d’épisodes d’insubordination. Il a été élu député pour la première fois en 1991. Seules deux de ses propositions de loi ont été adoptées en vingt-sept ans de mandat.


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Ayant frôlé la mort en 2018 après un attentat au couteau en pleine campagne électorale, Bolsonaro souffre de problèmes intestinaux qui l’ont plusieurs fois conduit à l’hôpital, et en souffrira probablement pour le restant de ses jours. La même année, il avait été choisi par 55 % des Brésiliens, malgré ses dérapages racistes, misogynes, homophobes ou contre les populations autochtones. Son désir affirmé d’en finir avec la corruption, la violence, la crise économique et la gauche « pourrie » avait séduit. Attendons de voir si, dimanche, le « Mythe » pourra renouveler l’exploit et de nouveau gouverner 215 millions de Brésiliens frappés de plein fouet par la relative faiblesse de l’économie, l’inflation et la faim pour 33 millions d’entre eux.