CybersexismeLe milieu du stream est-il en train de vivre son #MeToo ?

Le milieu du stream est-il en train de vivre son #MeToo ?

CybersexismeLa streameuse Maghla, régulièrement victime de cyberharcèlement à caractère sexiste et sexuel, s’est exprimée dans un long message sur son épuisement. De nombreuses autres streameuses et vidéastes ont suivi
#MeToo du stream : sur Twitch, les streameuses témoignent des cyberviolences sexistes
Pauline Ferrari

Pauline Ferrari

L'essentiel

  • Photomontages pornographiques, scénarios sexuels, commentaires et messages insultants… Sur Twitter, la streameuse Maghla a dénoncé les cyberviolences qu’elle subit depuis plusieurs années.
  • À sa suite, plusieurs autres streameuses et vidéastes ont dénoncé les cyberviolences sexistes et sexuelles qu’elles vivaient.
  • Loin d’être une simple « libération de la parole », les femmes présentes dans le milieu de stream dénoncent ces actes depuis longtemps : mais qui les écoute ?

«Je suis fatiguée » : c’est par ces mots que la streameuse Maghla commence son thread sur Twitter. Présente sur Twitch depuis plusieurs années et cumulant presque 700.000 abonnés sur la plateforme de streaming, Maghla est l’une des streameuses les plus importantes en France. Confrontée au cyberharcèlement depuis de nombreuses années, la streameuse et vidéaste s’est exprimée sur les réseaux sociaux à travers plusieurs longs messages, dénonçant la sexualisation dont elle fait l’objet. Photomontages pornographiques, discord dédiés à des scénarios sexuels autour d’elle, commentaires et messages insultants, vidéos où des hommes se masturbent sur des photos d’elle… La streameuse détaille toutes les cyberviolences dont elle fait l’objet depuis de nombreuses années dès qu’elle montre un bout de peau pendant ses streams.


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Un thread repris des milliers de fois, et notamment par certaines de ses consœurs streameuses, qui elles aussi se sont dites « fatiguées » de la sexualisation massive qu’elles pouvaient vivre en ligne, et des menaces et insultes dont elles faisaient régulièrement l’objet. « Je choisis le silence depuis +10 ans pour ne pas m’attirer plus de problèmes mais voici la réalité du quotidien », expliquait ainsi DamDam, une autre streameuse spécialisée dans le jeu vidéo. Idem du côté de Baghera Jones, une autre streameuse : « On est toutes épuisées de tout ça, on passe notre temps à entendre parler des progrès qui sont faits et non des choses immondes mais normalisées qui nous arrivent au quotidien. Être une femme c’est "devoir" se préparer à être sexualisées et menacées durant notre vie. » Au fil de la journée, de plus en plus de streameuses se sont exprimées sur la question.


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Stalkers, doxxing et anxiété sociale

Le problème n’est pas nouveau : cela fait des années que les femmes présentes sur Internet s’expriment sur les différentes violences qu’elles vivent, et plus particulièrement quand leur image est publique. Dans ces différents témoignages de vidéastes et streameuses, beaucoup racontent avoir eu affaire à des « stalkers », ces personnes obsessionnelles qui les traquent, avoir vu leurs informations personnelles (comme leur adresse ou leur numéro de téléphone) révélées en ligne, ou encore avoir été forcées de déménager pour retrouver un semblant de tranquilité. Comme l’explique la streameuse Baghera Jones, « là, vous ne voyez que la pointe de l’iceberg, personnellement j’ai dû déménager à cause de harcèlement et de "visites" à mon appartement, j’ai développé des angoisses énormes et mes insomnies en sont devenues redoutables. » Dans un tweet depuis supprimé, la vidéaste et vulgarisatrice scientifique Charlie Danger expliquait les ravages de plusieurs mois de cyberharcèlement sur sa santé mentale.


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Quelques heures avant le tweet de Maghla et d’autres streameuses, la streameuse Shironamie partageait quant à elle une scène surréaliste sur son propre compte : pendant son live, un homme se fait passer pour un livreur et affirme détenir son adresse, avant de menacer de la violer. Si la streameuse ne s’est pas laissée démonter et l’a enregistré pour ajouter des preuves à son dossier de plainte, la séquence est glaçante. « S’il m’arrive quelque chose, il y a cette preuve orale », déclare-t-elle, face caméra. Là encore, cette séquence n’est que la pointe de l’iceberg pour beaucoup de femmes sur Internet. Et même pour celles qui semblent jouer avec les codes sexistes de la plateforme, les réactions ne sont pas tendres, comme on a pu le voir avec la streameuse Amouranth : qu’elles se couvrent ou qu’elles s’exposent, qu’elles parlent ou qu’elles se taisent, les femmes visibles sur Internet sont toujours en faute.

Les cyberviolences sexistes et sexuelles, angle mort de la lutte contre les violences faites aux femmes

Les femmes sur Twitch et YouTube parlent depuis longtemps. Il serait faux de parler d’une soudaine « libération de la parole », comme le veut la formule consacrée, quand on parle des violences sexistes et sexuelles, en ligne et hors-ligne, que des femmes dénoncent depuis des années. Beaucoup ont porté plainte, se sont exprimées, ont dénoncé leurs agresseurs. Mais sur Twitch comme sur le reste d’Internet, elles sont bien souvent décrédibilisées, accusées de faire ça « pour le buzz » ou pour la notoriété, sont ramenées à leurs corps. Pendant des années, le streaming sur Twitch, et particulièrement dans le domaine du jeu vidéo, se voulait excluant pour celles qui ne ramèneraient des vues qu’avec leur corps… Alors même qu’elles se faisaient insulter au moindre décolleté ou si elles ne semblaient pas assez « apprêtées ».


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En cet anniversaire de 5 ans de mouvement #MeToo, ces messages laissent un goût amer. Les femmes parlent, alertent, dénoncent. Mais qui les écoute ? La seule différence par rapport aux autres prises de parole, c’est qu’elles semblent parler ensemble, au même moment, en lien avec une affaire commune. Mais les cyberviolences et le cybersexisme à l’encontre des streameuses et vidéastes présentes en ligne semblent être un angle mort, et notamment du côté de la justice. Si la loi française punit ces faits, les dépôts de plainte n’aboutissent que rarement pour sanctionner ces violences en ligne. Comme l’explique une internaute : « J’ai l’impression d’avoir lu ce genre de thread encore et encore. » Car il semblerait que depuis l’affaire du GamerGate de 2014, rien n’ait changé.

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