VIRUSFaudra-t-il remettre le masque pour éviter une triple épidémie cet hiver ?

Covid-19, grippe, bronchiolite… Va-t-on devoir remettre le masque pour éviter une triple épidémie cet hiver ?

VIRUSAvec une plus forte circulation des personnes et des virus, sans mesures sanitaires supplémentaires, cet hiver pourrait être particulièrement compliqué
Face au risque de triple épidémie virale cet hiver, les autorités sanitaires recommandent le port du masque dans les lieux publics clos.
Face au risque de triple épidémie virale cet hiver, les autorités sanitaires recommandent le port du masque dans les lieux publics clos. - AFP / MARTIN BUREAU / AFP
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Alors que la huitième vague de Covid-19 se poursuit, la bronchiolite est en phase épidémique sur l’ensemble du territoire, et quelques cas sporadiques de grippe ont été détectés.
  • De quoi faire planer le spectre d’une triple épidémie virale cet hiver, sur fond de gestes barrières moins suivis.
  • Les autorités sanitaires recommandent le port du masque pour éviter la contagion et la submersion des hôpitaux.

Trois épidémies pour le prix d’une ? Après bientôt trois ans de Covid-19 et une flopée de variants et sous-variants sortis du chapeau, le coronavirus occupe toujours le terrain, au cœur d’une longue huitième vague démarrée à la rentrée.

Mais si le Covid-19 reste en embuscade, prêt à contaminer et recontaminer les foules, cet hiver pourrait également s’accompagner d’un festival d’autres maladies virales avec, en ligne de mire, une triple épidémie simultanée de Covid-19, de grippe et de bronchiolite. Pour l’éviter, va-t-on tous devoir remettre le masque dans les lieux publics clos ?

Triples épidémies à l’étranger

Quand la saison des virus de l’hiver n’a pas encore démarré, il est possible de tabler sur les scénarios les plus probables en observant en amont comment les épidémies circulent – ou pas – chez nos voisins, proches et lointains. Fin 2020, en plein reconfinement, le Covid-19 circule à plein, mais les gestes barrières mettent les traditionnelles épidémies hivernales - grippe, bronchiolite et gastro - en sourdine. Un scénario inédit mais observé quelques mois plus tôt, à l’été 2020, à l’autre bout du globe, durant l’hiver austral. « Il aurait dû y avoir des épidémies de virus grippaux dans l’hémisphère sud, sauf qu’il n’y en a eu aucune, indiquait alors à 20 Minutes Vincent Enouf, virologue et directeur adjoint du Centre National de référence (CNR) des virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur. Idem pour les autres maladies comme le virus respiratoire syncytial (VRS), responsable de la bronchiolite chez les tout-petits. Il n’y en a pas eu non plus » cet été-là.

Mais en 2022, la donne a changé, et plusieurs pays font face à une triple épidémie. D’abord l’Australie qui, toujours sur fond de circulation du Covid-19, a connu une sévère épidémie de grippe saisonnière, à l’occasion de laquelle « on a observé un nombre élevé d’enfants hospitalisés » pour VRS, indique au Telegraph le Dr Conall Watson, épidémiologiste à l’agence de sécurité sanitaire britannique. C’est désormais le cas aux Etats-Unis. Le pays, qui enregistre toujours plus de 270.000 nouveaux cas de coronavirus par semaine, est confronté au trio Covid-19, grippe, bronchiolite. Et voit ses services hospitaliers saturés par ce phénomène. « Nous voyons le plus haut taux d’hospitalisations liées à la grippe depuis une décennie », a expliqué outre-Atlantique José Romero, du Centre national pour l’immunisation et les maladies respiratoires.

Et la menace sanitaire se rapproche. Ainsi, au Royaume-Uni, les cas de bronchiolite ont fortement progressé ces deux dernières semaines, et « nous constatons que la grippe se propage dans toutes les classes d’âge », a ajouté le Dr Watson.

Les prémices d’une triple épidémie en France

Un scénario qui se profile déjà en France. Si la vague actuelle de Covid -19 montre des signes d’accalmie depuis fin octobre, avec un recul des contaminations et des hospitalisations, sa circulation est « toujours très active », rappelle Santé publique France, encourageant les personnes à risque - les plus de 60 ans notamment – à faire leur rappel vaccinal.

« Le taux d’incidence des cas d’infection respiratoire aiguë (IRA) vus en consultation de médecine générale a été estimé à 225 cas pour 100.000 habitants, observe le réseau Sentinelles dans son dernier bulletin de surveillance des virus respiratoires. Un taux en augmentation par rapport à la semaine précédente », de l’ordre de 10 %.

Pour l’heure, seule « la détection de cas sporadiques de grippe a été confirmée », rassure Santé publique France, mais « l’épidémie de bronchiolite est désormais étendue à toutes les régions métropolitaines ». L’agence sanitaire relève des « passages aux urgences et des hospitalisations pour bronchiolite très élevés, à des niveaux supérieurs à ceux observés aux pics épidémiques des trois saisons précédentes, et déjà équivalents à ceux du pic de la saison 2018-2019 ».



Le port du masque « recommandé »

Pour l’Académie de médecine, entre « la perspective d’une épidémie de grippe saisonnière précoce [qui] se précise en métropole », « la bronchiolite chez les enfants de moins de 2 ans passée en phase épidémique sur l’ensemble du territoire », et le risque de « co-infection, exposant les personnes vulnérables aux formes les plus sévères et les services hospitaliers au risque de saturation », il y a urgence à reprendre les bonnes habitudes. « Quand on voit la facilité avec laquelle les gestes barrières ont été abandonnés, le risque de co-circulation de ces virus respiratoires est très sérieux », a abondé le Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste et président du syndicat Les Généralistes-CSMF. La situation sanitaire « justifie une réhabilitation des mesures barrières, délaissées depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire le 31 juillet, ajoute l’Académie de médecine. Bien que la situation sanitaire n’exige pas actuellement de revenir aux mesures obligatoires, elle recommande le port du masque » dans les lieux publics clos.

Dans le détail, elle prescrit « le port d’un masque de type FFP2 dans les espaces publics clos pour les personnes âgées ou porteuses de comorbidités, leur entourage et les professionnels de santé qui sont en contact avec des personnes vulnérables. Mais aussi pour les femmes enceintes, même quand elles sont à jour dans leurs vaccinations ». Et elle conseille « le port d’un masque de type chirurgical dans les hôpitaux, les dispensaires, les centres de soins et les pharmacies, ainsi que dans les espaces fermés accueillant du public, tels que les transports en commun ».

Il s’agit pour l’heure d’une simple recommandation, puisque depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire, le 1er août dernier, le gouvernement ne peut plus rendre à nouveau le port du masque obligatoire. Sauf à soumettre la mesure au vote du Parlement.