AUDIENCEAccusé d’avoir drogué une collaboratrice, un proche de Macron jugé ce jeudi

Accusé d’avoir drogué une collaboratrice, un proche d’Emmanuel Macron jugé ce jeudi

AUDIENCEL’ancien directeur de l’Institut Montaigne, Laurent Bigorgne, est accusé d’avoir glissé de la MDMA dans le verre de la responsable du pôle « politique publique » de ce think tank
Laurent Bigorgne, ex-directeur de l'Institut Montaigne, est jugé pour avoir versé de la MDMA dans le verre d'une collaboratrice
Laurent Bigorgne, ex-directeur de l'Institut Montaigne, est jugé pour avoir versé de la MDMA dans le verre d'une collaboratrice - Insitut Montaigne / Institut Montaigne
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Laurent Bigorgne a reconnu avoir versé de la MDMA dans le verre de son ancienne collaboratrice.
  • L’enquête n’a pas retenu d’intentions sexuelles au grand dam de la partie civile, qui a porté plainte avec constitution de partie civile pour « tentative de viol ».
  • Le procès, qui devait se tenir en mars, avait été renvoyé afin que de nouvelles expertises soient jointes à l’affaire.

Un homme jugé pour avoir drogué une femme à son insu. D’ordinaire, ce genre d’affaires draine peu de public, et encore moins de journalistes. Pourtant, ce jeudi matin, l’audience se tiendra dans l’une des plus grandes salles du tribunal correctionnel de Paris, et les bancs de la presse seront assurément pleins. Car dans ce dossier, c’est le profil des protagonistes qui retient l’attention : Laurent Bigorgne, ancien directeur de l’Institut Montaigne – un think tank libéral – et proche d’Emmanuel Macron, est soupçonné d’avoir glissé de la MDMA dans le verre de Sophie Conrad, la responsable du pôle « politique publique » de l’organisation… qui n’est autre que son ancienne belle-sœur.

L’affaire se noue la nuit du 22 au 23 février dernier. Ce soir-là, Laurent Bigorgne convie sa collaboratrice à un dîner de travail chez lui. A peine arrivée, Sophie Conrad se voit offrir une coupe de champagne, mais dès les premières gorgées, elle commence à se sentir mal : palpitations, tête qui tourne, esprit embrumé. La femme de 40 ans a alors le réflexe d’envoyer un SMS à une amie, qui tente de la joindre en retour puis appelle sur le téléphone de Laurent Bigorgne. Selon le récit de la plaignante, c’est cet appel qui la sort de sa torpeur et la pousse à quitter le domicile du directeur de l’institut Montaigne pour se rendre à l’hôpital.

Des aveux en garde à vue

Les analyses sanguines sont sans appel : dans son sang est décelée la présence d’amphétamine et de MDMA. Placé en garde à vue deux jours plus tard, Laurent Bigorgne reconnaît avoir administré une substance dans le verre de Sophie Conrad. Il confie même avoir déjà drogué sa femme à son insu. Ce jeudi matin, ce ne sera donc pas tant la matérialité des faits qui fera l’objet d’un débat, mais le mobile. Pourquoi Laurent Bigorgne, qui fut l’un des conseillers d’Emmanuel Macron lors de la campagne de 2017, a-t-il administré ces substances à sa collaboratrice ?

A l’issue de sa garde à vue, l’ex-président de l’Institut Montaigne – il a été limogé à la suite de cette affaire – a été convoqué pour « administration de substance nuisible suivie d’incapacité n’excédant par 8 jours par une personne agissant sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants », ayant lui-même pris de la MDMA. L’enquête n’a donc pas retenu d’éventuelles intentions sexuelles dans l’attitude du suspect, au grand dam de la partie civile. « Ce sont deux personnes qui se connaissent depuis trente ans, il n’y avait absolument aucune arrière-pensée », assure le conseil de Laurent Bigorgne, Me Sébastien Schapira. Et d’insister sur l’état dépressif de son client au moment des faits, au bord du burn-out et accro à la cocaïne.

Une explication qui ne convainc guère Sophie Conrad. Avec son avocat, Me Arié Alimi, elle a notamment déposé une plainte avec constitution de partie civile – ce qui entraîne automatiquement la désignation d’un juge d’instruction – pour tentative de viol. Une requête jugée irrecevable mais pour laquelle ils ont fait appel. Depuis la médiatisation de l’affaire, elle n’a eu de cesse de dénoncer une enquête « bâclée » et sous influence, portant plainte contre le directeur de la PJ parisienne et la procureure de Paris pour « faux en écriture publique » et « obstruction à la manifestation de la vérité ». « L’un des enjeux de ce procès, précise son avocat, est de savoir si dans cette affaire, le parquet a pris une posture et un positionnement en raison de la stature du mis en cause. Plus généralement, cela montre pourquoi beaucoup de victimes de viol se détournent de la justice. »

Deux nouvelles expertises

Initialement prévu en mars, le procès avait été renvoyé, la procureure reconnaissant qu’il manquait certains éléments indispensables à sa tenue, notamment un examen psychiatrique du prévenu et une expertise psychologique établissant le nombre de jours d’incapacité totale de travail de la partie civile. Une réponse insuffisante selon Sophie Conrad et son avocat qui ont décidé de saisir François Molins, procureur général près la Cour de cassation, pour obtenir le dépaysement de l’ensemble de la procédure. La décision est attendue en fin de journée.

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