INNOVATIONLe nez d’une patiente reconstruit sur son avant-bras grâce à un biomatériau

Le nez d’une patiente reconstruit sur son avant-bras grâce à un biomatériau imprimé en 3D

INNOVATIONDans le cadre d’une reconstruction nasale complète après un cancer des fosses nasales, une patiente a pu bénéficier d’une innovation chirurgicale réalisée à l’Oncopole de Toulouse
Pour réaliser une reconstruction nasale complète, les équipes de chirurgie ORL du CHU de Toulouse et l'institut Claudius Régaud ont d'abord implanté un greffon synthétique dans son avant bras.
Pour réaliser une reconstruction nasale complète, les équipes de chirurgie ORL du CHU de Toulouse et l'institut Claudius Régaud ont d'abord implanté un greffon synthétique dans son avant bras. - CHU Toulouse - IUCT / CHU Toulouse
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • Des chirurgiens du CHU et de l’Institut Claudius-Régaud de Toulouse ont réussi la première reconstruction nasale complète par biomatériau imprimé en 3D.
  • Pour permettre à une patiente traitée pour un cancer d’avoir de nouveau un nez, durant deux mois, ils ont mis en nourrice sur son avant-bras ce biomatériau, avant d’implanter en septembre dernier le greffon synthétique sur son visage.
  • Une réussite pour Carine, la patiente, qui grâce à ce nouveau nez respire mieux, retrouve aussi les odeurs, « je revis », assure-t-elle.

Il y a quelques années, à la suite d’un traitement de chimio et radiothérapie contre un cancer des fosses nasales, Carine a perdu la partie antérieure de son palais, mais aussi une large partie de son nez. « Ça m’a soigné, mais ça m’a aussi abîmée », explique cette mère de famille. A plusieurs reprises, les chirurgiens du service ORL et cervico-faciale du CHU de Toulouse et de l’IUCT Oncpôle ont tenté de reconstruire son appendice grâce à des greffes de lambeaux de peau. Sans succès. Impossible pour autant de se tourner vers la greffe d’un donneur, la prise d’immunodépresseurs étant un facteur de récidive du cancer. « Je suis restée cloîtrée chez moi ces huit dernières années. Quand on est malade, on s’isole et le visage est ce que l’on voit en priorité », raconte cette Tarnaise de 50 ans.

En attendant de trouver une solution, elle a adopté une prothèse nasale extérieure en silicone. Mais elle avait aussi beaucoup de mal à la supporter, elle ne tenait pas. Ses médecins ont donc tenté une intervention « de dernier recours » totalement innovante : une reconstruction nasale complète grâce à un biomatériau imprimé en 3D. Ce dispositif sur-mesure a été conçu par la société belge Cerhum à partir des scanners réalisés avant le traitement anticancéreux de la patiente.

Le futur nez « mis en nourrice » sur son avant-bras

Une fois fabriqué en hydroxyapatite, un matériau poreux de synthèse, en juillet dernier il a été implanté sur l’avant-bras de la patiente, là où la peau est très fine, quasiment identique à celle du visage où la radiothérapie avait abîmé la peau.

« C’est comme un support qui donne la forme. La peau vit autour, les tissus rentrent à l’intérieur du biomatériau qui est comblé par les cellules du corps du patient. Le biomatériau imprimé sur mesure en 3D a été mis sous la peau de l’avant-bras pour qu’il soit colonisé et elle l’a gardé durant deux mois à ce niveau-là », explique le professeur Agnès Dupret-Bories, chirurgien ORL à l’IUCT-Oncopole.


Le biomatériau imprimé en 3 D avant sa mise en nourrice dans l'avant-bras de la patiente.
Le biomatériau imprimé en 3 D avant sa mise en nourrice dans l'avant-bras de la patiente. - IUCT - CHU Toulouse

Durant cette période, la patiente se rendait régulièrement à l’Oncopole pour vérifier la progression de cette « mise en nourrice », voir s’il n’y avait pas de problème d’infection, si la vascularisation se passait bien. En septembre dernier, une fois la colonisation du support complète, la seconde opération a pu avoir lieu.

« Je retrouve les odeurs, je ressors, je revis »

Avec le Dr Benjamin Vairel, la chirurgienne a pu prélever le greffon pour l’implanter sous microscope sur le visage de la patiente en utilisant les vaisseaux sanguins de la tempe de la quinquagénaire pour l’irriguer. Pour réparer la partie de son avant-bras où avait été implanté le biomatériau, une greffe de peau prélevée sur sa cuisse a été réalisée.



Une réussite. Dix jours après cette opération, une première de ce type, Carine a pu sortir de l’hôpital. Aujourd’hui, elle respire « un peu mieux », son nez est gonflé mais elle n’a pas de rougeurs. « Je retrouve aussi les odeurs de mon jardin, je peux ressortir, je revis. C’est miraculeux, ce biomatériau était mon dernier recours et je salue la recherche et le travail des médecins qui m’ont aidée à tenir », insiste cette patiente enthousiaste.

Elle va encore devoir subir une nouvelle opération pour réaliser des retouches sur son nez, ainsi qu’une reconstruction dentaire. Mais grâce au soutien de son mari et de son fils, à son « moral d’acier », elle pense déjà à l’avenir. Et aussi à tout ce que cette nouvelle technologie pourrait apporter à ceux qui traversent les mêmes épreuves qu’elle, « à l’espoir qu’elle peut susciter, car il faut toujours en avoir quand on a un cancer », conclut Carine avec enthousiasme.