MYTHEL'arrivée de l'hiver peut-il avantager les Russes en Ukraine ?

Guerre en Ukraine : L’hiver peut-il (encore une fois) sauver la peau de la Russie ?

MYTHEUne croyance bien ancrée voudrait que les Russes profitent de l’arrivée de l’hiver pour s’imposer en temps de guerre
Un char ukrainien roule le long d'une route principale le 8 mars 2022.
Un char ukrainien roule le long d'une route principale le 8 mars 2022. - Aris Messinis / AFP / AFP
Octave Odola

Octave Odola

L'essentiel

  • Alors que les Russes se sont retirés de Kherson, l’arrivée de l’hiver sur le front ukrainien va nécessiter des ajustements pour les deux camps.
  • Changement de stratégie militaire, envoi de matériel adapté, moral des troupes, etc. Après plusieurs mois de conflit, certains aspects du conflit vont être cruciaux pour tirer avantage de cette période.
  • Jean de Gliniasty et Jean-Claude Allard, deux chercheurs à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), estiment que l’arrivée de l’hiver ne va pas bousculer les rapports de force.

Pour la Russie, il est une sorte de totem. Un porte-bonheur quand les temps sont rudes. Un stratège pouvant extirper le pays du bourbier en période de guerre. On peut l’imaginer avec une longue barbe blanche, comme l’ancien quotidien Le Petit Journal. Mais il incarne surtout une saison. Le général Hiver rejoint les rangs russes. Dans le sillage de ce personnage fictif, une croyance, bien ancrée : celle que l’hiver permet aux Russes de s’imposer militairement.

Deux exemples historiques sont censés avaliser cette théorie : la déroute de la grande armée de Napoléon en 1812 et l’échec de l’invasion nazi durant la Seconde Guerre mondiale. « Ce qui a tué la grande armée, ce n’est pas l’hiver, c’est le fait de revenir sur ses traces. Elle était obligée de reprendre le chemin de l’aller pour revenir et il n’y avait plus rien à manger, éclaire Jean de Gliniasty, chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) et auteur du livre La Russie : un nouvel échiquier. Durant l’hiver 1941, les Russes ont autant souffert du froid que les Allemands. Ce qui a fait la différence à l’époque, c’est leur conviction patriotique. »

Le froid, un ennemi connu par les deux camps

Et si Vladimir Poutine a loué le « patriotisme » de ses troupes, les 300.000 soldats mobilisés n’ont pas rejoint le front ukrainien avec entrain. « La Russie a complété ses unités avec des mobilisés pas forcément très motivés, qui n’ont pas eu d’entraînement poussé. Même s’ils sont habitués au climat rude de la Russie, ils pourraient être déstabilisés après avoir échangé avec les soldats déjà sur place qui vont leur raconter les galères. De l’autre côté, les Ukrainiens sont habitués à ce climat et ont du matériel adapté aux conditions », analyse Jean-Claude Allard, chercheur associé à l’Iris spécialiste des questions militaires.

Première mauvaise nouvelle pour les Russes. Le Kremlin ordonne ce mercredi à ses forces militaires de quitter Kherson, victime d’une contre-offensive ukrainienne. La ville constituait l’une des principales prises russes au début du conflit. « Une avancée rapide en début de conflit puis une succession de revers, ça rejaillit forcément sur le moral des troupes », précise l’ancien général. Et donc sur les futurs combats.

Des circulations de blindés plus fluides en hiver

Sur le terrain, les deux camps devront s’adapter à la baisse des températures. « Prime à ceux qui manœuvreront. Les blindés pourront mieux circuler avec la solidité des sols, et il sera plus compliqué de s’enterrer », commente l’ancien diplomate Jean de Gliniasty. Le nerf de l’hiver pourrait aussi être la logistique.


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Et les Russes prennent la problématique au sérieux, alors qu’ils rencontrent des difficultés en la matière depuis le début de l’invasion ukrainienne. Un conseil de coordination a été lancé le 21 octobre dernier pour pallier le « chaos » dénoncé par les troupes mobilisées.


notre dossier sur la guerre en ukraine

Au 259e jour du conflit, l’arrivée du général Hiver ne semblera pas suffire à bouger les lignes en faveur de la Russie. Seul motif « d’espoir » pour les Russes : l’attitude des soutiens de l’Ukraine. Paris, Londres, Washington et les autres pourraient-ils finir par être lassés du conflit, d’autant que les conséquences de la guerre (prix du gaz, etc.) commencent à se faire sentir ? « C’est difficile à dire, concluent les chercheurs. Si les populations civiles ont froid, elles vont réagir. Mais la France ne se fournissait pas beaucoup en gaz russe. Peut-être l’Allemagne, qui est plus dépendante… »

Si le conflit s’enlise, les deux camps devront ensuite faire face, au printemps, à un obstacle, à même de redistribuer les cartes : la boue, comme au tout début du conflit.