20 MINUTES AVECGolshifteh Farahani croit que « oui, les choses vont s’arranger en Iran »

Iran : « Le gouvernement islamique est un monstre qui saigne » souligne Golshifteh Farahani

20 MINUTES AVECL’actrice iranienne, à l’affiche du film « Une comédie romantique » en salle le 16 novembre, revient sur son engagement en faveur du mouvement de contestation en Iran
Golshifteh Farahani lors de l'avant-première du film «Une comédie romantique»  au cinéma Pathé Wepler à Paris, le 11 octobre 2022.
Golshifteh Farahani lors de l'avant-première du film «Une comédie romantique» au cinéma Pathé Wepler à Paris, le 11 octobre 2022. - SADAKA EDMOND/SIPA / 20 Minutes
Caroline Vié

Caroline Vié

L'essentiel

  • Tous les vendredis, « 20 Minutes » propose à une personnalité de se livrer sur son actualité dans son rendez-vous 20 Minutes avec…
  • L’actrice Golshifteh Farahani est en salle le 16 novembre avec le film « Une comédie romantique », mais cette « globe-trotteuse » infatigable se trouve en ce moment en tournage à Prague.
  • C’est de là, par téléphone, qu’elle a évoqué pour « 20 Minutes » sa lutte pour la liberté en Iran, un engagement qu’elle mène en même temps que sa carrière.

L’actrice iranienne Golshifteh Farahani est infatigable dès lors qu’il s’agit de défendre la liberté dans son pays natal, via son compte Instagram. A peine sortie de la promo du réjouissant Une comédie romantique de Thibault Segouin, dont elle partage la vedette avec Alex Lutz, la voilà en Afrique du Sud pour tourner la suite de la série Invasion, puis à Prague d’où elle a parlé à 20 Minutes entre deux prises de vues du film Tyler Rake 2 pour Netflix avec Chris Hemsworth pour partenaire. Elle a même fait un saut de puce à Buenos Aires le temps d’une chanson en farsi avec le groupe Coldplay pour célébrer les femmes iraniennes, dont elle a repris l’hymne, Barave, devant un public bouleversé.


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Comment appréhendez-vous la sortie du film « Une comédie romantique » à l’aune des événements dramatiques dont vous vous faites l’écho ?

Le fait qu’on puisse me voir dans un film comique pendant qu’il y a la révolution en Iran correspond à l’absurdité de ma vie d’exilée. Je le prends comme une bénédiction. Cela veut dire qu’aucun régime ne peut tuer la joie ou le rire d’un peuple. C’est pour cela que je défends ce film encore plus maintenant. Quand je l’ai vu, j’étais au milieu de ce deuil et de cette tristesse et j’ai passé un grand moment de bonheur. J’ai ri aux éclats. J’encourage à fond les spectateurs à aller découvrir Une comédie romantique pour vivre cette expérience de gaieté et s’aérer la tête.

D’où vient votre engagement de tous les instants ?

Je suis née dans la lutte. Je suis une survivante. Je n’accepte pas qu’on me dise « non », ni qu’on me dicte comment je dois vivre. J’ai accompli tout ce que j’avais envie de faire. J’ai choisi ma vie en exil mais ça aussi, c’était un cadeau. Je crois que toutes les choses tragiques de notre vie peuvent être utilisées de manière positive, comme les arbres qui prennent du gaz carbonique pour générer de l’oxygène. Les malheurs de notre vie, soit on les laisse nous détruire, soit on en tire parti pour s’élever. On peut créer un monde plus beau quand on ne se complaît pas dans un rôle de victime et qu’on décide de lutter. On peut tous devenir des champions.

Pourquoi êtes-vous si présente sur Instagram ?

J’utilise Instagram comme un pont. Il y a plusieurs choses que j’aimerais accomplir par l’intermédiaire de mon compte. La première est de donner de l’espoir, de remonter le moral des gens. La deuxième est de montrer ce qui se passe. Même si c’est triste, il est important de voir la catastrophe qui se déroule en Iran. Il est impératif de faire voir ces images. La troisième chose est que je veux souligner à quel point tout le monde se ressemble malgré les différences culturelles. Je souhaite créer de l’empathie en Occident pour le peuple iranien. Je veux balayer l’idée reçue que le Moyen-Orient représente la peur, le terrorisme, le mal… Je poste pour que les gens puissent se dire : « Tiens, cela pourrait être ma fille ou mon fils ».

Est-ce la raison de votre participation au concert de Coldplay à Buenos Aires ?

C’est ce que j’appelle un clin d’œil de Dieu. Je ne sais même pas comment je me suis retrouvée là-bas ! Coldplay m’a fait un beau cadeau en prenant le risque de faire chanter une actrice en live et en farsi, pendant leur concert qui est retransmis dans 1.400 cinémas dans le monde entier. Pour moi, Chris Martin est un être humain rare qui restera à jamais un héros en Iran. Le jour où il y donnera des concerts, il remplira des stades entiers. Sa musique est celle de l’adolescence. Chris Hemsworth, avec lequel je tourne en ce moment, est aussi un acteur merveilleux par son soutien. J’estime avoir une chance inouïe de pouvoir croiser le chemin d’artistes et de personnes d’une telle qualité.

Jusqu’où pensez-vous que ce combat vous mènera ?

Je ne suis pas une politicienne, mais je vais utiliser toute mon existence pour que ça s’arrête et que les Iraniennes et les Iraniens retrouvent la liberté ! Rien n’est pire que les mollahs qui ont tout détruit sur leur passage. Ils sont comme un cancer qu’il faut couper. Si on ne fait pas attention et qu’on ignore leurs actions, ça veut dire qu’on tourne le dos à des centaines d’années de combat pour les femmes. Cela dépasse l’Iran, on voit ce qui se passe aux Etats-Unis, c’est universel. Si on sort vainqueurs de ce combat, c’est l’humanité entière qui gagne, pas seulement l’Iran. Alors, je pourrais retrouver mon pays adoré, un Iran que je ne connais pas et dans lequel il y a tout à reconstruire. C’est mon rêve et celui de tous les Iraniens exilés.

Pensez-vous que la situation va s’arranger en Iran ?

Cette fois je crois que oui. Jusqu’à maintenant j’avais toujours répondu « non ». Pendant trente-neuf ans, toute ma vie, je disais « on ne sait pas » mais cette fois, je dis « oui », un grand « OUI », les choses vont s’arranger en Iran. J’ai l’impression que le gouvernement islamique est devenu une fourmi ridicule et blessée, qui a perdu toute crédibilité, un monstre qui saigne. Et même si c’est une question de temps, même s’il saigne longtemps, il va finalement mourir parce que cette génération de la jeunesse a arraché sa colonne vertébrale. Il ne peut plus marcher. Il va ramper un moment puis s’écrouler. Les Iraniens ne le laisseront pas se relever.

En attendant, vous arrive-t-il de vous sentir menacée ?

Je reste vigilante mais sans paranoïa. Pour les événements publics et annoncés à l’avance, je demande une protection très discrète, pas seulement contre le gouvernement islamique mais parce qu’il y a des gens fous un peu partout dans le monde. Je suis la cible groupes islamiques et aussi de certains exilés, mais ce n’est pas grave. Quand je reçois des mails de menaces, dont certains sont vraiment horribles, je prends ça comme une blague. J’éclate de rire et je les bloque. Mon compagnon, qui m’aide à trier mes mails, s’inquiète plus que moi. Je lui dis que, en comparaison des risques que prennent les jeunes qui se battent dans la rue en Iran, ce que je fais est insignifiant. Ce sont eux qui mènent le vrai combat et se mettent en danger.

Comment faites-vous pour tenir le coup physiquement ?

Dans la vie courante, je mène une existence très discrète. Je sors peu. Des inconnus me disent parfois « vous ressemblez à Golshifteh », ce qui je trouve assez marrant. Les gens me voient comme un symbole mais je suis une femme ordinaire. Je n’ai vraiment rien d’exceptionnel. Mon combat l’est plus que moi et j’essaie de faire le maximum pour être entendue. C’est une force qui me dépasse, qui m’aide à gérer tout ça. Aller à la salle de sport me maintient en forme. J’essaie de ne pas arrêter même quand je suis épuisée, au bord de l’évanouissement. Cela me fait tenir debout. Quand mon compagnon est près de moi, il fait attention à ma santé alors que je n’ai pas le temps de penser à ce genre de choses. Avoir la bonne personne à vos côtés peut aider aussi. C’est plus dur quand nous sommes séparés, mais je tiens bon.

Et votre métier d’actrice, comment lui conserver une place dans tout ça ?

Là, je suis en tournage et juste avant qu’on dise « action », je suis sur mon compte Instagram et je n’ai aucune concentration sur le film. Je n’ai pas d’espace pour penser à mes rôles, mais en même temps, quand je suis dedans, c’est comme un interrupteur. On dirait que je prends un ascenseur au lieu d’un escalier. Mes émotions et mes sensations deviennent immédiatement accessibles. Le cinéma est toujours mon refuge. Je me sens libre, voire même je me repose, quand je suis devant la caméra, parce que c’est un moment de présent où je ne peux rien faire d’autre que de me laisser emporter par la vérité du personnage. C’est presque de l’ordre du voyage spirituel, de la méditation.

Comment choissez-vous vos rôles aujourd’hui ?

Je m’étais engagée il y a trois ou quatre ans sur la plupart des projets que je tourne en ce moment. Je veux solder toutes les promesses que j’ai données, ce qui va me mener jusqu’au mois de mai, et on verra après. Pour moi, chaque film est comme un mariage avec les acteurs et l’équipe dont l’enfant est le film. C’est pour cela que je choisis avec soin mes partenariats artistiques. Je ne me suis que rarement trompée. Je suis même très chanceuse quand le joue dans des premiers films comme Un divan à Tunis ou Une comédie romantique qui se révèlent formidables.