SEXUALITÉLe tabou perdure mais les seniors s'éclatent dans leur révolution sexuelle

« Penser que ses parents ont une sexualité, c’est tabou »… Comment les seniors vivent leur révolution sexuelle

SEXUALITÉLa génération de seniors ayant connu mai 1968 est beaucoup plus libérée sur la question de sa vie sexuelle et chahute notre société, trop fermée pour accepter la libido de ses anciens
Plus d'un couple de seniors sur deux mène toujours une vie sexuelle active. Un sujet tabou dans notre société gênée par cette réalité de plus en plus fréquente.
Plus d'un couple de seniors sur deux mène toujours une vie sexuelle active. Un sujet tabou dans notre société gênée par cette réalité de plus en plus fréquente.  - Patrick Kovaric/AFP / AFP
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • De plus en plus de couples de seniors continuent à avoir une activité sexuelle régulière, notamment dans les « nouveaux couples de vieux ».
  • La génération bercée par Mai 1968 a vécu la libération sexuelle et vient chambouler notre société.
  • En Bretagne, une série vidéo portant sur ce sujet tabou a été créée afin de lever le voile sur cette tendance. Une conférence se tient à Rennes mercredi.

Le titre de cet article résume en quelques mots forts ce que toute notre société pense tout bas. Le sexe ne serait pas éternel et il ne peut pas être pratiqué passé un certain âge. Mais quel âge ? Là est la question. Posez-la à n’importe quel enfant, qu’il ait 18 ou 58 ans. Aime-t-il à penser que ses parents puissent faire l’amour ? Moment gênant. Cette réalité, il va pourtant falloir s’y habituer. Car contrairement à leurs aînés, bon nombre de « nouveaux vieux » aspirent à garder une sexualité active. Jusqu’à quand ? Jusqu’à la mort s’il le faut, tant qu’il y a du désir. Déshabillons les préjugés.

Ce thème délicat de la sexualité des seniors est abordé dans une série astucieusement intitulée « On ne finit jamais de fricoter ». Imaginées par l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) de Bretagne, ces courtes vidéos diffusées sur YouTube abordent tous les tabous entourant la sexualité des anciens. Et cette semaine, elle a atteint son sixième épisode qui va presque dans le vif du sujet : le désir. On y aborde l’évolution des envies, le corps qui change. On y rappelle aussi que l’absence de sexualité « n’est pas une fatalité ». Un sujet qui n’existait pas il y a vingt ans. Mais qui s’impose doucement dans notre société, qui s’en trouve toute gênée. La raison ? L’allongement de l’espérance de vie mais aussi l’arrivée à la retraite des jeunes ayant grandi en mai 1968. « Cette génération a connu la révolution sexuelle et il en reste quelque chose. Aujourd’hui, on estime que plus de la moitié des seniors ont une sexualité active. Alors qu’on était à 10 % il y a à peine vingt ans », explique Hervé Strilka.

« On a plein de jeunes couples de vieux »

Pour mener à bien son projet de vidéos, le chargé de projet de l’IREPS s’est tourné vers Gérard Ribes. Ce psychiatre s’est fait connaître pour ses consultations en sexologie tournées vers les seniors. « Quand je parlais de ça il y a vingt ans, on me disait que ça n’existait pas. On disait que j’étais gérontophile. Mais tout a changé. La question de la sexualité va être une révolution sociétale sur la représentation de la vieillesse », assure le médecin. Depuis des années, il reçoit dans son cabinet des seniors qui s’interrogent. Certains sont en couple depuis trente ans mais sont en panne. D’autres, de plus en plus nombreux, sont séparés et redémarrent une histoire. « On fait face au taux exponentiel de divorce des plus de 60 ans. On a plein de jeunes couples de vieux et la question du sexe se pose. Les gens se demandent s’ils savent encore faire. Ce que l’autre va penser de leur corps. Les hommes se demandent s’ils peuvent encore bander et les femmes si elles peuvent mouiller. On les rassure, on leur dit comment faire pour tout mettre en marche ». « La parole est la première des caresses », glisse l’IREPS dans l’une de ses vidéos, comme pour rappeler l’importance de la communication dans le couple.


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Le psychiatre use de mots plus crus, mais il assume. Car les patients à qui ils s’adressent sont grands, ils ont tous bien vécu et ne sont plus des adolescents, même si certains points les rassemblent. « Le corps qui change, les relations qui se transforment, les interrogations. On a les mêmes questionnements que chez les ados ». Aude Théaudin-Bourhis est médecin. Référente du centre de prévention Agirc-Arrco, elle a vu la question sexuelle arriver au galop. Selon elle, le virage s’est amorcé il y a dix ans. « Aujourd’hui, les gens osent en parler. Il y a une réappropriation du désir, de la sexualité dans le couple. Chez les hommes, on avait l’impression que l’impuissance sonnait la fin. Souvent, dans un couple, c’est comme ça que ça s’arrête. La femme n’ose pas en parler, de peur de rabaisser son homme, de le froisser. Mais il n’y a pas de péremption ! »

« J’ai vu des femmes de 70 ans découvrir l’orgasme »

Ce mercredi, la médecin animera une conférence à Rennes sur le thème de « L’amour à tout âge ». Selon elle, les questionnements sont les mêmes à 40 ans qu’à 70 ans. Est-ce que mon corps va lui plaire ? Suis-je désirable avec mon petit bidon et mes vergetures ? « On ne doit pas arrêter sa sexualité, mais l’adapter à son corps, à ses envies. J’ai vu des femmes de 70 ans découvrir enfin leur sexualité et trouver l’orgasme ». Avec la psychologue Kiara-Aurore Harel, elle tentera ce mercredi d’expliquer comment la sexualité peut perdurer. « C’est une génération qui prend de l’âge mais qui reste très en forme par rapport à ses aînées. Sa sexualité est plus vaste, plus variée. Elle ne se concentre pas que sur la pénétration. La société donne une vision jeune de la sexualité. Elle doit être dynamique, rapide. Les anciens ne s’identifient pas à cette image. Ils ont de l’expérience, ils savent ce qu’ils veulent, ce qu’ils aiment ». Sa consœur s’empresse de rappeler le rôle du Web dans cette révolution. « Internet offre la possibilité aux seniors de s’informer, ils échangent entre eux, ils discutent ». Et ils ne parlent pas que de tricot.


Notre série tout s'explique

Le problème du thème du sexe chez les seniors, c’est qu’il chamboule bien plus que les seuls premiers concernés. S’ils se questionnent sur ce qu’ils ont « le droit » de faire ou non, les plus de 60 ans doivent en plus affronter le regard rarement réjoui de leurs enfants. « Le fait de penser que ses parents baisent, c’est tabou. Il y a une forme d’interdit qui reste présent », explique Gérard Ribes. Le Dr Théaudin-Bourhis édulcore le propos. « La rencontre d’un nouveau partenaire peut être problématique pour la famille. Les enfants veulent souvent protéger, c’est bienveillant, ça part d’un bon sentiment. Mais on ne doit pas priver quelqu’un de sa liberté en pensant le protéger ».

Si la question se pose dans les familles, elle est peut-être encore plus délicate dans les institutions. Alors que les Ehpad sont déjà la cible de critiques et peinent à recruter, ils doivent en plus faire face à cette révolution imposée par pépé et mémé. « Parce que vous êtes en perte d’autonomie, vous n’êtes plus autorisé à vous masturber ? », interroge le Dr Ribes. « La sexualité est un besoin à prendre en compte. Chacun doit garder sa liberté de choix. Les soignants commencent à être formés mais c’est très récent », estime Aude Théaudin-Bourhis.

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Si l’IREPS a décidé de se pencher sur ce thème délicat, ce n’est pas pour rien. Dans sa volonté d’accompagner les anciens dans un « bien vieillir », l’instance régionale espère aussi préserver leur santé. A toutes celles et ceux qui nous lisent encore, nous allons délivrer un scoop, que chacun de nos interlocuteurs a accepté de partager. L’amour et la sexualité, c’est bon pour la santé. Et il n’y a pas d’âge pour en profiter.