PORTRAITLe fondateur de FTX, Sam Bankman-Fried, de héros crypto à zéro

Faillite de FTX : Sam Bankman-Fried, de héros crypto à zéro

PORTRAITLa faillite de la plateforme d’échange de cryptomonnaies provoque une onde de choc sur tout le secteur, et son jeune fondateur se retrouve dans le collimateur de la justice
Le fondateur du marché d'échange crypto FTX, Sam Bankman-Fried, le 23 juin 2022.
Le fondateur du marché d'échange crypto FTX, Sam Bankman-Fried, le 23 juin 2022. - Getty Images via AFP / AFP
Philippe Berry

Philippe Berry

C’est un séisme aux répliques qui n’en finissent plus. La chute de l’empire crypto FTX, qui a fait faillite vendredi dernier après s’être trouvé à court de liquidités, font craindre un hiver nucléaire de longue durée pour un secteur déjà ébranlé par le crash estival de Luna/Terra. Au cœur de ce scandale comparé à la faillite d’Enron et de Lehman Brothers, un homme : Sam Bankman-Fried. Soupçonné d’avoir utilisé les fonds de ses clients pour couvrir les pertes de sa société de trading Alameda Research, le trentenaire, qui a vu en une semaine sa fortune fondre de 16 milliards de dollars à presque 0, est visé par des enquêtes judiciaires aux Etats-Unis et aux Bahamas.

Les people sous le charme

Fils de deux professeurs de droit de l’université de Stanford, Sam Bankman-Fried («SBF ») démarre à Wall Street après être passé par le prestigieux MIT de Boston. En 2017, il fonde la firme de trading Alameda Research. Il gagne près de 20 millions de dollars en quelques semaines en achetant des bitcoins aux Etats-Unis qu’il revend plus cher au Japon.

Bankman-Fried lance FTX en 2019 en Californie puis s’installe à Hong Kong, où les régulations sont plus souples. L’ascension est fulgurante. En trois ans, FTX, qui déménage aux Bahamas pour des raisons fiscales, devient le 2nd plus gros marché d’échange crypto du monde derrière le chinois Binance. Tout le monde veut sa part, y compris les célébrités. Tom Brady et Gisele Bündchen, mais aussi Steph Curry, deviennent des ambassadeurs de la marque et prennent une participation au capital. La salle de basket du Miami Heat devient la FTX Arena, avec des droits rachetés pour 130 millions de dollars. Larry David joue les sceptiques dans une pub diffusée à l’occasion du Super Bowl. Bill Clinton et Tony Blair participent à une crypto-conférence aux Bahamas. Sam Bankman-Fried, qui dirige son empire avec une dizaine de « roommates » qui habitent tous ensemble dans une résidence paradisiaque, est le roi du monde.


L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies


Un chevalier blanc « altruiste »

Alors que le Far-West décentralisé et dérégulé des cryptomonnaies attire le plus souvent des libertariens de droite, Bankman-Fried détonne. Le nerd habillé en tee-shirt est un végétarien de gauche qui prône « l’altruisme efficace ». Il devient le second plus gros donateur du parti démocrate des élections de 2021-2022 derrière George Soros, avec près de 40 millions de dollars consacrés à des candidats progressistes.

Quand le secteur crypto connaît de graves turbulences, l’été dernier, SBF se transforme en chevalier blanc. Il vole notamment au secours des créanciers Voyager Digital et BlockFi. Le jeune entrepreneur assure avoir « quelques milliards » à sa disposition pour aider à stabiliser une industrie en difficulté.

La chute

En réalité, c’est FTX qui avait besoin d’aide. Le 2 novembre, le site spécialisé Coindesk, qui s’est procuré un bilan comptable d’Alameda Research, révèle les liens incestueux entre les deux entités. La société de trading est dirigée par Caroline Ellison, qui serait une ex-compagne de Sam Bankman-Fried. Et plus de la moitié des actifs d’Alameda Research sont en fait des jetons de la cryptomonnaie émise par FTX, baptisée FTT. Un manque de diversité particulièrement inquiétant au vu de l’hyper-volatilité du secteur.

La réaction en chaîne est brutale. Changpeng Zhao, le patron milliardaire de l’échange chinois Binance, annonce le 6 novembre qu’il va liquider pour plus de 500 millions de dollars de FTT qu’il détient. Le prix du FTT s’effondre de 80 % en trois jours. Les clients de FTX s’affolent et retirent près de 6 milliards de dollars de l’échange, comme lors d’une « bank run » (ruée bancaire). Binance annonce qu’il va racheter FTX puis y renonce après avoir mené un audit.

Selon le New York Times, FTX aurait prêté jusqu’à 10 milliards de dollars à Alameda Research, qui n’aurait pas été en mesure de les rembourser. L’échange crypto se place sous la protection de la loi sur les faillites le 11 novembre. Sam Bankman-Fried est remplacé au poste de directeur général par John Ray, un avocat qui avait supervisé la banqueroute d’Enron. Le patron déchu, lui, s’est excusé sur Twitter pour avoir « merdé ». Un euphémisme.