précaritéPourquoi de nombreux chômeurs de longue durée basculent dans la pauvreté

Pourquoi de plus en plus de chômeurs de longue durée basculent-ils dans la pauvreté ?

précaritéDans son rapport annuel publié ce jeudi, le Secours catholique souligne les conditions de vie de plus en plus précaires des personnes privées d’emploi depuis longtemps
Le poids des dépenses contraintes (loyer, énergie, assurances, téléphone…) est de plus en plus lourd dans le budget des Français les plus précaires, dont les chômeurs de longue durée.
Le poids des dépenses contraintes (loyer, énergie, assurances, téléphone…) est de plus en plus lourd dans le budget des Français les plus précaires, dont les chômeurs de longue durée. - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Dans son rapport annuel qui paraît ce jeudi, le Secours catholique dessine un état des lieux de la pauvreté en France, à travers le prisme des personnes qu’il accueille (près d’un million en 2021).
  • L’association constate une augmentation de la part de chômeurs indemnisés de longue durée parmi ses bénéficiaires en 2021 par rapport à 2020 (+ 5.000).
  • Pour ceux qui ne touchent plus d’allocation chômage, le quotidien ressemble encore plus à un parcours du combattant.

Ils sont sans emploi et leur situation financière est de plus en plus difficile. Dans son rapport annuel sur l’état de la pauvreté en France, qui paraît ce jeudi, le Secours catholique souligne la situation inquiétante des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire celles et ceux qui cherchent un emploi depuis plus d’un an. En France, près de 2,5 millions de personnes inscrites à Pôle emploi étaient dans ce cas au troisième trimestre 2022, selon les données publiées fin octobre par le ministère du Travail. Un chiffre sous-estimé d’après Jean-Christophe Sarrot, responsable du département emploi-formation d’ATD Quart Monde : « On peut le multiplier par deux, car beaucoup de chômeurs de longue durée ne sont plus inscrits à Pôle emploi et disparaissent des radars. »

Le Secours catholique note une augmentation de la part de chômeurs indemnisés de longue durée parmi ses bénéficiaires en 2021 par rapport à 2020 (+ 5.000). Ils représentent désormais 60 % des chômeurs que l’association accompagne. Une hausse qui s’explique notamment par les effets de la crise du Covid-19 : « Lors de la crise sanitaire et juste après, les entreprises les plus en difficultés ont d’abord essayé de maintenir leurs emplois en CDI. A contrario, beaucoup de salariés en CDD et en intérim ont perdu leur poste », explique Jean Merckaert, directeur action et plaidoyer du Secours catholique.

Des indemnités chômage moins élevées

L’association souligne aussi qu’en dix ans, la durée d’ancienneté́ dans le chômage des personnes reçues par le Secours catholique est passée de 1,6 an à 2,6 ans. Or, plus le chômage dure, plus le risque d’une perte d’employabilité est important. « Et plus la durée de chômage s’allonge, plus la précarité de la personne et celle de sa famille s’accroît », souligne Jean Merckaert. Même lorsqu’ils touchent une allocation chômage, beaucoup de chômeurs de longue durée se sont appauvris ces dernières années.

Jean-Christophe Sarrot livre une explication : « Les différentes réformes de l’assurance chômage ces dernières années sont toutes allées dans le même sens : le détricotage des droits pour les chômeurs et le durcissement des conditions pour être indemnisés ». Un effet qu’a aussi pu constater Jean Merckaert : « Le changement du mode de calcul des indemnités chômage a eu pour effet de baisser le montant des allocations et de réduire la durée d’indemnisation. »

Les dépenses contraintes pèsent plus lourd

Autre cause : le poids de plus en plus lourd des dépenses contraintes (loyer, énergie, assurances, téléphone…). Selon le Secours catholique, ces dépenses absorbent en moyenne près de 60 % du revenu des ménages en situation de précarité, contre 30 % pour l’ensemble de la population vivant en France. « La moitié des ménages que nous aidons disposent d’un reste pour vivre de moins de 5 euros par jour et par personne. Or, nous considérons qu’il faut un minimum de 7 euros par jour pour se nourrir », souligne Jean Merckaert. L’inquiétude de l’association est d’autant plus grande que le choc de l’inflation n’a pas encore produit tous ses effets.

La situation est encore pire pour les chômeurs de longue durée qui ne reçoivent plus d’allocation chômage. La durée d’indemnisation par l’assurance chômage ne peut pas dépasser deux ans pour ceux qui ont moins de 53 ans, deux ans et demi pour ceux qui ont 53 ou 54 ans, et trois ans pour les 55 ans ou plus. Si bien qu'« en France, seulement 40 % des chômeurs touchent une allocation. Une grande partie des chômeurs de longue durée ont épuisé leurs droits », indique Jean-Christophe Sarrot. La plupart de ces personnes touchent le RSA (soit 598,54 euros pour une personne seule) ou l’allocation de solidarité spécifique (536,95 euros par mois versés pendant 6 mois). Des revenus qui permettent juste de survivre.

Des pistes pour mieux les accompagner

Par ailleurs, certains ne perçoivent même pas les minima sociaux. En 2021, entre 29 % et 40 % des ménages accueillis au Secours catholique ne touchaient pas le RSA, alors qu’ils y avaient droit. « Ce non-recours s’explique par la lourdeur des démarches administratives qui décourage certaines personnes », explique Jean Merckaert.



Pour sortir ces demandeurs d’emploi de longue durée du marasme, il existe pourtant des solutions. « Il est nécessaire de développer des territoires zéro chômeur de longue durée. Car ils permettent à ces personnes de se réinsérer via un emploi de qualité, même si leur rémunération ne dépasse pas le smic. Il y en aura 60 en 2023 », explique Jean-Christophe Sarrot. Jean Merckaert estime aussi qu’il faut « améliorer l’accompagnement de ces personnes, notamment en leur proposant des formations ». Une démarche déjà engagée par Pole emploi : il a formé 200.000 demandeurs d’emploi de longue durée en 2021, et continue en 2022.

Le Secours catholique estime aussi que le gouvernement doit engager une politique déterminée contre le non-recours aux minima sociaux. Le gouvernement envisage de lancer « début 2023 des expérimentations » pour tester le versement automatique de prestations sociales. Un premier pas.