ALLO DOCTEUR ?La pénurie d’amoxicilline met-elle en danger la santé de nos enfants?

Médicaments : La pénurie d’amoxicilline met-elle en danger la santé de nos enfants ?

ALLO DOCTEUR ?Les pharmaciens veulent d’abord mieux tester pour éviter de prescrire inutilement l’antibiotique contre le virus
Plusieurs médicaments manquent régulièrement dans les pharmacies. (illustration)
Plusieurs médicaments manquent régulièrement dans les pharmacies. (illustration) - Konstantin Mihalchevskiy//SIPA / SIPA
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • L’agence publique du médicament (ANSM) a récemment évoqué les « fortes tensions d’approvisionnement » sur l’amoxicilline, un antibiotique très utilisé pour soigner les enfants, affirmant qu’une pénurie pourrait se prolonger jusqu’au mois de mars.
  • 20 Minutes fait le point avec Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine sur les causes de la pénurie et ses conséquences pour la santé des enfants.
  • Entre la hausse de la demande mondiale et la flambée du prix du verre, la France n’est pas la seule à avoir des problèmes d’approvisionnement. Mais notre consommation est aussi trop élevée par rapport aux besoins réels.

Depuis quelques semaines, les pharmaciens peinent à remplir leurs armoires. Entre hausse de la demande et livraisons perturbées, certains antibiotiques manquent désormais à l’appel. Au point de pousser les autorités sanitaires à prendre des mesures. L’agence publique du médicament (ANSM) a ainsi évoqué les « fortes tensions d’approvisionnement » sur l’amoxicilline, un antibiotique très utilisé pour soigner les enfants.

La pénurie pourrait se prolonger jusqu’en mars, laissant les parents craindre un hiver difficile. Mais pourquoi ce médicament est-il en rupture de stocks ? Comment va-t-on pouvoir soigner les enfants ? 20 Minutes fait le point avec Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine.

C’est quoi l’amoxicilline ?

Son nom ne vous dit peut-être rien, pourtant il est l’antibiotique le plus répandu. « C’est un antibiotique historique, issu de la pénicilline, qu’on utilise en première intention pour traiter beaucoup de choses », explique Pierre-Olivier Variot. On l’administre notamment contre « des otites, des douleurs de dents » ou certaines pneumonies. « Combiné à l’acide clavulanique, il est aussi utilisé de manière plus spécifique pour des infections plus résistantes », éclaire le pharmacien. Mais l’amoxicilline est surtout donné seule aux enfants, « surtout en sirop », contre la plupart des infections bactériennes.

Pourquoi risque-t-on une pénurie sur ce médicament ?

C’est précisément sur le sirop que les officines françaises sont « déjà en tension d’approvisionnement », pointe le pharmacien. Plusieurs causes se combinent. « D’abord, il y a une tension sur la production de la molécule car la demande explose » au niveau mondial, explique Pierre-Olivier Variot. Après plusieurs années marquées par le Covid, la propagation des autres maladies avait été freinée, et les stocks n’ont pas toujours suivi. Ensuite, le secteur est indirectement touché par la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie et de certaines matières premières. « Le flacon en verre utilisé pour le sirop subit aussi une grosse tension », précise le président de l’Union des Syndicats de Pharmaciens d’Officine, de même que l’aluminium, rendant « les sachets plus difficiles à fabriquer ».

Mais ce n’est pas tout. « La tension d’approvisionnement est mondiale, mais elle plus marquée en France », selon lui. En cause, le prix du médicament. « La chaîne de fabrication est complexe à mettre en place car il faut tout nettoyer, on ne veut pas se retrouver avec une autre molécule dans le flacon », détaille-t-il. Or, après des années de production intense de vaccins par exemple, « transformer une ligne de production pour vendre de l’amoxicilline en France, ce n’est pas rentable ». « On paye le fait d’avoir les médicaments les moins chers d’Europe : en France, la boîte d’amoxicilline est vendue deux ou trois euros, contre douze ou treize en Grande-Bretagne, pour le même coût de production », relève Pierre-Olivier Variot.

Va-t-on pouvoir soigner nos enfants cet hiver ?

Comme dans toute pénurie, « il faut rationaliser l’usage de cet antibiotique », estime Pierre-Olivier Variot, alors qu’on « en dispense énormément et pas toujours à bon escient ». Le pharmacien compte ainsi sur les médecins pour « éduquer la population » : « si on ne fait que le test Covid et qu’on donne un antibio "au cas où", le patient ne va pas prendre de risques et choisir le médicament », appuie-t-il. A défaut d’amoxicilline, « on peut transférer le patient sur d’autres antibiotiques moins utilisés, mais qui seront donc aussi en tension », prévient-il.



Il est donc crucial de poser des diagnostics plus précis. « Il y a des tests qui permettent de vérifier trois virus : le Covid, la grippe et le VRS », à l’origine de la bronchiolite, dont la France subit une épidémie. Autre type de test, « aux Pays-Bas il existe un dosage du CRP, dont le niveau varie selon que l’infection est virale ou bactérienne, et ce pour tous types d’infections », s’enthousiasme Pierre-Olivier Variot. Quand le test relève la présence d’un virus, le médicament est inutile. « Si on arrivait à faire prendre en charge ces tests à l’Assurance maladie, on ferait chuter la consommation d’antibiotiques » sans altérer les soins apportés, affirme-t-il. Aux Pays-Bas, le recours à l’amoxicilline a ainsi reculé de 45 % avec les nouveaux tests. Ce qui permettrait aux pharmacies françaises d’avoir un stock suffisant tout l’hiver pour les enfants qui en auront besoin.