FOOTBALLRebaptisée « team Mollah », l’Iran accusée de ne pas soutenir la révolte

Coupe du monde 2022 : De la team Melli à la team « Mollah », l’Iran accusée de ne pas soutenir la révolte

FOOTBALLA l’exception de Sardar Azmoun, la Team Melli apporte un soutien très relatif à la révolte féministe en Iran. La pression imposée par le régime y est pour beaucoup
Sardar Azmoun est le seul joueur iranien à avoir prolongé son soutien à la cause féministe en Iran sur la durée
Sardar Azmoun est le seul joueur iranien à avoir prolongé son soutien à la cause féministe en Iran sur la durée - SOPA Images/SIPA / Mohammad Javad Abjoushak
William Pereira

William Pereira

De notre envoyé spécial à Doha,

En reprenant la tête de la sélection iranienne au tout début du mois de septembre, Carlos Queiroz ne s’attendait pas forcément à avoir la vie facile au Qatar. Il faudrait être fou pour verser dans l’excès de confiance en s’embarquant dans une mission Coupe du monde 2022 à deux mois de l’échéance. Comble du malheur pour le Portugais, sa signature a précédé d’une semaine la mort de Mahsa Amini, dont l’arrestation pour « port de vêtements inappropriés » par la police des mœurs aura marqué le point de départ de la révolte iranienne contre le régime.

Au moins 378 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations engagées depuis deux mois, selon un dernier bilan diffusé samedi par l’ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo. Des peines de mort ont par ailleurs été prononcées contre des manifestants interpellés. C’est donc un peuple endeuillé que la Team Melli s’apprête à représenter au Qatar. « Je souhaiterais présenter mes condoléances à mon peuple, a déclaré l’attaquant Mehdi Taremi, quelques jours avant le match contre l’Angleterre. L’Iran traverse des moments difficiles et je veux adresser des condoléances à celles et ceux qui perdent des êtres chers. »

Sardar Azmoun seul dans la lutte

Les messages de soutien des internationaux iraniens ont le mérite d’exister. Ceux pour dénoncer le régime, un peu moins. Seule la star du Bayer Leverkusen, Sardar Azmoun, a osé défier le pouvoir sur les réseaux peu de temps après le décès de Mahsa Amini. « Cela ne pourra pas être effacé de notre conscience. Honte à vous. Ils ont laissé une douleur dans le cœur de la nation que l’histoire n’oubliera jamais », a-t-il ainsi écrit. Une prise de position osée qui lui a valu la fermeture temporaire de son compte Instagram en forme d’avertissement. Peu intimidé, Azmoun continue de soutenir le peuple iranien. « C’est bien le seul », regrette Reza Mohaddes, journaliste pour Iran International.


Dans la République islamique d’Iran, il n’est pas aisé de faire valoir ses opinions politiques. Mohaddes en sait quelque chose : l’équipe de journalistes accrédités par la FIFA dont il faisait partie a vu ses visas pour le Qatar annulés à une semaine du début du Mondial 2022. « Cette décision intervient alors que le gouvernement iranien a travaillé avec Doha pour "éviter d’éventuels problèmes" pendant le tournoi », regrette le média.

« « Il y a de la censure en Iran, poursuit Mohaddes. C’est très dur d’y être journaliste et d’y exprimer ses sentiments et ses idées. A l’heure où l’on parle, plusieurs journalistes sont en prison pour avoir dit la vérité. Quant aux sportifs, on a des raisons de croire que le gouvernement a mis la pression sur l’équipe nationale d’Iran, en menaçant les joueurs d’être exclus de la liste des 25 pour la Coupe du monde. » »

La fédération iranienne a mis la pression sur Queiroz

Sardar Azmoun sera du voyage, mais la rumeur veut que la fédération iranienne ait poussé Carlos Queiroz à renoncer à convoquer le joueur de Leverkusen. Le Portugais avait snobé la conférence de presse d’annonce de sa liste pour la CDM 2022 et fini par embarquer Azmoun dans ses valises. Mais le climat est résolument tendu autour du sélectionneur, et la pression pas forcément évidente à gérer.

Si l’ancien coach du Real Madrid n’a pas hésité à défendre la liberté d’expression de ses hommes lors d’une conférence de presse à J-5 d’Iran-Angleterre (« tout le monde a le droit de s’exprimer, tant que vous respectez les principes et les valeurs du football), il a fini par péter une durite quelques minutes plus tard. La goutte d’eau en trop ? Une question d’un confrère anglais sur « son rôle de sélectionneur d’un pays qui ne respecte pas les droits des femmes ». « Combien me payez-vous pour cette question ? Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Réfléchissez de votre côté à ce qui s’est passé dans votre pays avec l’immigration. »

L’avénement de la « team Mollah »

La réponse vient s’ajouter à une compilation de séquences peu flatteuses pour la Team Melli. Celle-ci ne cesse de baisser dans l’estime de son peuple, lequel l’affuble du surnom de « Team Mollah » depuis une rencontre aux côtés du président Ebrahim Raisi juste avant le grand départ pour le Qatar. Le coach du Persepolis FC Yahya Golmohammadi (plus tard convoqué par la justice iranienne) avait en réaction vivement critiqué les joueurs de l’équipe nationale pour ne pas « porter la voix du peuple opprimé aux oreilles des autorités ». Le photoshoot officiel un poil trop guilleret qui a suivi au Qatar n’a pas vraiment aidé à améliorer l’image de l’équipe.


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« Beaucoup de gens ont été déçus de les voir rire alors que des gens sont en train de mourir, dit le journaliste. Les gens sont déçus de l’équipe nationale iranienne mais ils espèrent encore une action de leur part, lundi, pour prouver qu’ils se tiennent au côté du peuple. »

Avant le match amical du 27 septembre qui les opposait au Sénégal, les Iraniens avaient enfilé une parka noire pour cacher leur maillot au moment des hymnes. Le 10 octobre, seuls Vahid Amiri et Mehdi Torabi avaient entonné l’hymne national avant la rencontre face au Nicaragua. La question de la célébration des buts et de l’hymne national n’est pas encore résolue dans un vestiaire fissuré par les divergences politiques.

Mercredi, le capitaine Alireza Jahanbakhsh assurait que des « discussions » étaient en cours en interne et que la décision de chanter ou non serait prise « collectivement ». A l’aube de son entrée en matière contre les Anglais, la team Melli se retrouve face à un dilemme : se contenter sagement de sa condition d’instrument de propagande ou soutenir l’insurrection populaire.