OPERATION« Soulagés de s’en débarrasser », les Français rendent leurs armes

« Soulagés de se débarrasser » des pétoires et revolvers dont ils ont hérité, des Français ont déjà rendu leurs armes

OPERATIONA compter de ce vendredi et jusqu’au 2 décembre, les Français qui ont des armes chez eux non déclarées peuvent les abandonner facilement ou régulariser leur détention sans risque de poursuites judiciaires
Lors de l'opération simplifié d'abandon d'armes mis en place par la ministère de l'Intérieur, ici au commissariat de Carcassonne.
Lors de l'opération simplifié d'abandon d'armes mis en place par la ministère de l'Intérieur, ici au commissariat de Carcassonne.  - B. Colin / 20 Minutes / 20 Minutes
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • A compter de ce vendredi et jusqu’au 2 décembre, une « opération d’abandon simplifié d’armes » est organisée en France à l’attention des particuliers qui détiennent des pistolets ou fusils, souvent hérités et pas toujours dans la légalité.
  • Ils ont la possibilité de l’abandonner ou de régulariser la situation sans risque de poursuites judiciaires dans un des 300 « armodromes » déployés dans le territoire.
  • En banlieue toulousaine ou encore à Carcassonne, au premier jour de cette opération d’ampleur inédite, les abandons sont déjà très nombreux, les propriétaires profitant « de l’occasion ».

De vieux fusils de chasse, des pistolets espagnols « Guernica » du début du siècle dernier et même un harpon. Dans un garage du commissariat de police de Blagnac, au nord de Toulouse, un véritable arsenal jonche le sol ce vendredi, en début d’après-midi. Alors que l’opération « d’abandon simplifié d’armes » mise en place par le ministère de l’Intérieur a débuté le matin même, des dizaines de carabines et revolvers s’entassent déjà dans cet « armodrome », l’un des 300 déployés sur le territoire national dans le cadre de cette campagne inédite.

A compter de ce vendredi et jusqu’au 25 décembre, les particuliers ont en effet la possibilité de venir déposer le vieux fusil hérité de pépé dont ils veulent se débarrasser. Ou s’ils préfèrent le conserver à la maison en souvenir de leurs aïeux, ils ont aussi la possibilité de régulariser leur situation « sans risque de poursuites judiciaires ».

« Je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais »

Quand la mère de Jean-Pierre a entendu parler de ce dispositif éphémère par la presse, il y a quinze jours, elle a appelé son fils pour lui demander de se défaire « de l’arme de mon grand-père qui se trouvait dans le grenier ». « Ce fusil de chasse n’avait pas servi depuis soixante ans, elle ne savait pas quoi en faire. De mon côté, je l’aurais bien conservé, je me suis même posé la question de son enregistrement. Mais j’ai fait le choix de venir l’abandonner, ce sera une chose de moins à régler pour mes enfants », avance cet habitant de Balma, une commune de l’est toulousain.


Lors de l'opération simplifié d'abandon d'armes mis en place par la ministère de l'Intérieur, ici au commissariat de Blagnac.
Lors de l'opération simplifié d'abandon d'armes mis en place par la ministère de l'Intérieur, ici au commissariat de Blagnac.  - B. Colin / 20 Minutes

Toutes les 10 minutes, un nouveau venu vient se délester de ses vieilles pétoires et autres calibres en tous genres, qui, pour la plupart, n’ont pas tiré une cartouche depuis des décennies. Alors qu’un retraité arrive à pied avec un sac de sport bien chargé, Michel gare tranquillement sa voiture devant « l’armodrome ». « Je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais », raconte cet habitant de Beauzelle, à quelques kilomètres de là. Comme beaucoup, dans le package des choses dont il a hérité il y a quelques années, il y avait plusieurs carabines.

Pendant qu’un « responsable armes et munitions » de la police nationale vérifie qu’elles sont bien déchargées et relèvent les numéros de série en les faisant apparaître grâce à une craie, il explique qu’il « préfère que ce soit l’Etat plutôt qu’un armurier qui s’occupe de ça ». « Si je les ai amenées c’est aussi parce que je ne veux pas avoir de souci si quelqu’un me les vole, et en vieillissant, on ne sait jamais, si je perds la tête je ne veux pas l’utiliser sans savoir ce que je fais », plaisante-t-il.

Derrière l’humour se cache pourtant une réalité. Dans les drames intrafamiliaux, ce sont souvent des armes détenues illégalement qui sont utilisées. Si 5 millions de personnes sont dans les clous, les services spécialisés du ministère de l’Intérieur estiment qu’il y a au moins autant de pistolets et autres fusils en circulation qui ne sont pas enregistrés au sein du Système d’information sur les armes (SIA).

Enlever de la circulation, éviter les vols

« En tout cas, tous ceux qui seront apportés au cours de cette semaine, ce sera autant de moins en circulation dans le pays », plaide le commandant divisionnaire Lilian Clément, qui supervise l’opération pour la police nationale à Toulouse. Pour lui, au vu des dizaines d’armes déjà récupérées, cette campagne est en voie d’être un succès. Car en règle générale, sur une année dans la circonscription toulousaine, il y a environ « 70 à 90 armes récupérés dans le cadre d’abandons », relève-t-il.


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A 100 km de là, au commissariat de Carcassonne, le sentiment est partagé. En une matinée, les policiers ont récupéré une vingtaine d’armes, dont une de guerre. « C’est un vieux fusil allemand qui a été utilisé par la Résistance française. Il avait été conservé par la famille. Mais lorsqu’un de ses membres nous l’a amené ce matin, il était soulagé de pouvoir s’en défaire, il avait peur qu’elle soit volée lors d’un cambriolage. On a aussi remis un fusil à broches, le monsieur voulait le conserver car c’était à son père, mais sa femme l’a obligé à venir », raconte le gardien de la paix Laurent Cazabant qui a vu défiler des gens, souvent d’un certain âge.


Lors de l'opération simplifié d'abandon d'armes mis en place par la ministère de l'Intérieur, ici au commissariat de Blagnac.
Lors de l'opération simplifié d'abandon d'armes mis en place par la ministère de l'Intérieur, ici au commissariat de Blagnac.  - B. Colin

Derrière chacune de ces armes, il y a une histoire familiale et il est donc difficile pour certains de bazarder ce passé qui s’étale parfois sur plusieurs générations. Plusieurs préfèrent donc recouvrer la voie de la légalité en enregistrant l’arme qu’ils avaient oubliée derrière une pile de linge. « Ils peuvent le faire en ligne ou venir se faire aider pour enregistrer leurs armes sur le site dédié en créant leur compte. Ils peuvent apporter une photo et quelques indications sur l’arme. Leur dossier sera ensuite instruit », indique une membre des services de l’Etat qui enregistre ces déclarations au sein du commissariat.

Et pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer mais qui veulent abandonner leurs armes, ainsi que tous les engins explosifs, nous allons jusqu’à leur domicile. Nous avons mis en place un numéro dédié », rappelle Thierry Bonnier, le préfet de l’Aude venu constater du succès de l’opération qui en milieu de journée avait permis de récupérer 38 armes longues, 20 de poing et près de 1.700 cartouches sur tout le département.

Hormis s’il s’agit d’une arme ayant une valeur patrimoniale, qui pourrait finir dans la vitrine d’un musée, tous ces « dons » réalisés en Occitanie termineront au même endroit, à Toulouse, dans un centre spécialisé dans leur destruction.