« Cancel culture »#BoycottFnac, extrême droite… Retour sur le retrait du jeu « Antifa »

#BoycottFnac, pression de l’extrême droite… Retour sur la controverse autour du jeu « Antifa »

« Cancel culture »Sous la pression de députés RN et d’un syndicat de police, la Fnac a cédé et décidé de retirer de la vente un jeu de société antifasciste
Lille, le 11 octobre 2011. Le magasin Fnac du centre ville de Lille.
Lille, le 11 octobre 2011. Le magasin Fnac du centre ville de Lille. - M.LIBERT / 20 MINUTES / 20 MINUTES
Cécile De Sèze

C.d.S

L'essentiel

  • Plusieurs députés du Rassemblement national et un syndicat de police se sont indignés ce week-end de la mise en vente par la Fnac du jeu de société « Antifa ».
  • Le jeu des éditions Libertaria, lancé en collaboration avec le collectif La Horde, qui se résume dans les termes « contre l’extrême droite, à vous de jouer », a été retiré de la vente par la chaîne de magasin dimanche. De quoi soulever un appel au boycott sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes rappellent que les « antifas » sont des militants luttant contre le fascisme.
  • 20 Minutes revient sur l’origine de la controverse et cet appel au boycott qui est en « trending topic » ce lundi matin sur Twitter.

EDIT du 30 novembre 2022 : La Fnac a annoncé mardi reprendre la vente du jeu de société « Antifa », retiré la veille des rayons après des critiques sur Twitter venues notamment de l’extrême droite, estimant qu’il ne comportait « rien de nature à justifier un refus de le commercialiser ». « Ne connaissant pas le contenu exact de ce jeu et dans l’attente d’une vérification approfondie, nos équipes ont décidé à titre de précaution d’en suspendre la vente », a expliqué le distributeur dans un communiqué. « Depuis hier, nous avons pris le temps d’analyser en profondeur le contenu du jeu (…) et nous avons pu constater qu’il ne comportait rien de nature à justifier un refus de le commercialiser », a indiqué la Fnac. La chaîne a donc « décidé de lever la suspension et de reprendre la vente du jeu », « conformément à sa mission de diffuseur culturel qui commercialise tout ce qui est autorisé par la loi, dans l’esprit qui a toujours été le sien de liberté et de diversité ».


Le jeu « Antifa » ne pouvait pas rêver d’une publicité plus efficace à l’approche de Noël. Un appel au boycott de la Fnac trône sur Twitter ce lundi après que le grand magasin a décidé de retirer de ses étals le jeu de société des éditions Libertalia, lancé en collaboration avec le collectif La Horde, sous la pression de l’extrême droite et d’un syndicat de police. 20 Minutes revient sur l’origine de la controverse.

C’est quoi le jeu « Antifa » ?

« Propos racistes, manifs homophobes, violences fascistes, ça suffit : contre l’extrême droite, à vous de jouer ! », résume la notice du jeu « Antifa » sur le site de l’éditeur. Sur la couverture, des militants de tous bords : un tee-shirt aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT+, un personnage aux attributs du hacker, un autre avec l’œil crevé ou encore ce qui ressemble à un musicien punk.

Une première édition du jeu avait déjà été mise en vente l’an dernier puis il a été réédité pour 2022 dans une version « simplifiée » pour des « parties plus rapides (de quatre-vingt-dix minutes dans la première édition, on est passé à environ trente minutes pour une partie), plus fluides et plus intuitives », explique l’éditeur. Ce dernier décrit « Antifa » comme « un jeu de simulation et de gestion dans lequel vous faites vivre un groupe antifasciste local, dans lequel chaque joueur ou joueuse interprète un·e militant·e, avec des compétences particulières. »

Pourquoi la Fnac l’a-t-elle retiré de ses rayons ?

Des images, un titre de jeu et un slogan qui n’ont pas plu à certaines personnalités politiques de l’extrême droite ou encore au Syndicat des commissaires de la Police nationale (SCPN) qui a vécu ce relais de la Fnac comme un outrage. « Ce "jeu" est en vente à la Fnac. Un commentaire pour ainsi mettre en avant les antifas, qui cassent, incendient et agressent dans les manifestations ? », écrit ainsi le compte Twitter du syndicat en interpellant la chaîne de magasins spécialisée dans la distribution de produits culturels et électroniques.

« Mettre à l’honneur les antifa, ces groupuscules haineux qui ne connaissent que la violence pour s’attaquer à notre démocratie et à ce que nous avons de plus cher dans notre pays… Absolument scandaleux ! », s’est indigné le député Rassemblement national (RN) Victor Catteau. Un collaborateur du groupe RN à l’Assemblée nationale, Nicolas Cresson, a pour sa part rappelé qu’il s’était déjà indigné de cette mise en avant du jeu de société l’an dernier. « Pas l’impression de plébisciter la violence. Honte à vous ! », écrit un autre internaute.


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Face à ces invectives de la droite de la droite, la Fnac a cédé. « Nous comprenons que la commercialisation de ce "jeu" ait pu heurter certains de nos publics. Nous faisons le nécessaire pour qu’il ne soit plus disponible dans les prochaines heures », a publié la communication du magasin en fin d’après-midi dimanche. De quoi soulever l’indignation de nouveaux internautes qui désormais, appellent au boycott avec le mot-dièse « #BoycottFnac ».

Pourquoi certains pointent-ils le « deux poids deux mesures » de la Fnac ?

Libertalia a dénoncé des « allégations mensongères émanant de l’extrême droite puis des forces de répression » qui ont entraîné le retrait d’un « outil de formation conçu par La Horde et Libertalia ». « Vous ne nous ferez pas taire ! », a ajouté l’éditeur sur Twitter. Plusieurs utilisateurs du réseau social rappellent de quel terme l’expression « antifa » est l’abréviation : antifasciste, « qui est opposé au fascisme », selon la définition du Larousse. Un usager qui se décrit comme historien commente à son tour en s’adressant au syndicat des commissaires : « Je m’étonne, comme historien, que vous assimiliez l’antifascisme aux violences de groupes variés dans les manifestations. L’antifascisme est aux fondements de la République que vous représentez, et il a de multiples nuances. »



D’autres critiquent la Fnac pour avoir cédé à « l’extrême droite » et pointent un « deux poids deux mesures » face à ce retrait du jeu de société alors que des livres antisémites et racistes continuent d’être mis en vente. On tombe ainsi assez facilement sur le site de vente en ligne de la chaîne de magasins sur Le Grand remplacement, de Renaud Camus, qui avait notamment inspiré l’auteur de l’attentat d’extrême droite de Christchurch, en Nouvelle-Zélande en 2019. Pire, on peut également facilement trouver sur le site, avec la possibilité de le retirer en magasin, le livre Mein kampf d’Adolf Hitler, traduit en français.


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Le jeu va-t-il souffrir de ce retrait de la Fnac ?

Cette controverse a mis en lumière l’existence même du jeu de société « Antifa ». Un bel exemple de l’effet Streisand, qui veut que lorsqu’en voulant cacher une information (ici, la mise en vente d’un jeu) on déclenche le résultat inverse (on fait la pub du jeu). De nombreux internautes ont ainsi remercié le syndicat de commissaires et les élus RN d’avoir mis en avant « Antifa », promettant de l’acheter : « Je vais acheter ce jeu pour Noël », « Merci pour la pub, j’étais totalement passé à côté. Ho ! dans le panier », « Je l’ai acheté à mon épouse ce week-end dans une librairie indépendante, vraiment hâte d’être le 25 matin. »

S’il n’est effectivement plus en vente à la Fnac, ni en magasin, ni sur le site, « Antifa » reste disponible sur le site des éditions Libertaria, sur Librairie.com ou dans des librairies indépendantes et magasins de jeux de société.