Gendarme du WebTikTok est la mauvaise élève des plateformes selon l’Arcom

Réseaux sociaux : L’Arcom, optimiste mais prudente devant l’action des plateformes en ligne

Gendarme du WebCe lundi, l’Arcom a publié son bilan annuel des moyens et mesures mis en œuvre par les opérateurs de plateforme en ligne pour l’année 2021
Envoyer des «nudes» est une pratique très courante chez les 13-25 ans (illustration).
Envoyer des «nudes» est une pratique très courante chez les 13-25 ans (illustration). - M.Libert / 20 Minutes / 20 Minutes
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Ce lundi, l’Arcom a publié son troisième bilan « Plateformes en ligne et lutte contre la manipulation de l’information ».
  • Depuis la loi de 2018 relative à ce sujet, le gendarme de l’audiovisuel note une amélioration des plateformes en matière de transparence, encouragées par le nouveau cadre européen du DSA (Digital Services Act).
  • Toutefois, des plateformes sont encore à la traîne, notamment l’application chinoise TikTok.

Il y a du mieux, mais ce n’est pas encore parfait. Voici le bilan du troisième rapport de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), publié ce lundi. « En trois ans, nous avons fait des progrès assez incroyables et une dynamique se crée véritablement », se réjouit Benoît Loutrel, membre de l’Arcom et président du groupe de travail « Supervision des plateformes en ligne ».

Depuis la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information, les plateformes en ligne doivent en effet coopérer avec l’Arcom en mettant à disposition les moyens disponibles pour les utilisateurs en matière de transparence. Le but ? Créer la confiance dans l’espace public et lutter contre les comportements abusifs liés au numérique, par exemple l’ingérence étrangère ou les comportements menant au cyberharcèlement.

Encore un petit effort à faire

Ce nouveau rapport intervient dans une année charnière alors que le DSA (Digital Services Act) vient d’être voté à l’échelle européenne. « Avec ses obligations « en dur » et leur corollaire, un pouvoir de sanction, ce texte ambitieux et novateur est destiné à mieux répondre encore aux risques soulevés par les plateformes en ligne », note l’Arcom. Pour Benoît Loutrel, il y a un véritable changement d’échelle : il n’y a plus un seul régulateur dans chaque pays, mais une multitude de gendarmes qui travaillent ensemble au niveau européen. « Le DSA s’est construit sur l’expérience française et allemande, rappelle Benoît Loutrel. Il y a une véritable ambition dans ce texte européen. Nous avons développé les outils pour aller plus loin, mais nous voyons aussi des limites ».

En effet, cette ambition se joue désormais à plusieurs vitesses. « Nous devons encore exiger des plateformes de donner des informations que, visiblement, elles ne sont pas prêtes à donner aujourd’hui », regrette Benoît Loutrel. Des « lacunes répétées », selon le rapport du régulateur, qui amènent à s'interroger sur « la volonté et la capacité » des plateformes à évaluer leurs politiques en matière de lutte contre la manipulation de l’information.

TikTok, petit nouveau et bonnet d’âne

C’est par exemple le cas de TikTok qui pour la première fois a dû rendre des comptes auprès de l’Arcom. Questionnée sur l’articulation faite entre lutte contre la manipulation et respect de la liberté d’expression, l’application chinoise reste vague. « TikTok apporte très peu d’informations en indiquant uniquement chercher "un juste équilibre permettant de limiter la diffusion d’informations trompeuses" », note le rapport de l’Arcom.

Plusieurs éléments attirent l'attention du régulateur : « un dispositif de signalement accessible mais peu visible », « une absence d’informations quant aux processus d’évaluation des algorithmes ». Benoît Loutrel en est conscient, TikTok a encore du travail à faire pour se remettre aux niveaux des autres plateformes. « Une plateforme ne peut pas avoir un succès aussi fulgurant et ne pas être aussi fulgurant dans les moyens mis en place dans la modération ».

Une économie trouble

Ce rapport intervient également à une période plus que difficile économiquement pour les plateformes en ligne. « L’actualité récente est également marquée par l’annonce du rachat de Twitter fin octobre 2022, suivie d’une très forte réduction (près de la moitié du nombre d’employés. […] Début novembre, Meta annonçait également une rééducation de près de 13 % du nombre d’employés et un gel des recrutements jusque fin mars 2023 », souligne le rapport.

Des conséquences sont-elles à venir sur l’engagement des plateformes en matière de manipulation de l’information ? Il faut attendre, répond l’Arcom. « Il y a un retournement économique, mais la bonne nouvelle, c’est que l’instrument européen [le DSA] arrive au même moment. Nous ne sommes pas pris de court », soutient Benoît Loutrel.

« Nous sommes mieux armés »

Sauf que depuis quelques années, les plateformes en ligne, notamment Meta, avaient mis en place de meilleurs moyens pour lutter contre la désinformation, avec des outils de collaboration avec les organes de fact checking. Mais la situation économique fait craindre l’arrêt net de ces activités. « Une entreprise a le droit de fermer un service. Il y a un principe de liberté entrepreneuriale qui existe. Par contre, au titre du DSA, les plateformes en ligne ont pris des engagements volontaires en juin 2022, qui peuvent devenir obligatoires », précise Benoît Loutrel.

Face aux incertitudes qu’il reste, peut-on être si optimiste ? Certes, les moyens de lutte doivent encore être pérennisés dans le temps et les plateformes sont bien loin de la période de croissance d’autrefois. Mais le droit européen existe désormais et protège, d’après Benoît Loutrel. « Nous sommes lucides, nous ne sommes pas satisfaits. Mais nous avons désormais une politique ambitieuse qu’il faut construire par étapes. Nous sentons que nous avançons dans la bonne direction et que nous sommes mieux armés », conclut le membre de l’Arcom.