Palais-BourbonPartisans d’une opposition constructive, les socialistes sur un fil

Assemblée : En optant pour l’opposition constructive, les socialistes marchent sur un fil

Palais-BourbonSe distinguer sans s’éloigner trop de la Nupes, ni donner l’impression de donner des gages au gouvernement, le tout dans le contexte d’un congrès interne : voilà l’équation à laquelle sont confrontés les socialistes
Les députés socialistes Jérôme Guedj, Arthur Delaporte et le président Boris Vallaud dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 31 octobre.
Les députés socialistes Jérôme Guedj, Arthur Delaporte et le président Boris Vallaud dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, le 31 octobre. - Jacques Witt/SIPA / SIPA
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Les socialistes se sont montrés ouverts à voter le texte sur les énergies renouvelables présenté par le gouvernement, au prix de certaines conditions.
  • Entre le désir d’être constructif et l’alliance d’opposition de la Nupes, la ligne n’est pas toujours simple à tenir.
  • Le tout dans le contexte d’un congrès socialiste à venir qui veut changer totalement la stratégie du parti.

Pas évident de trouver sa place dans un Parlement éclaté et sans majorité. Tous tâtonnent plus ou moins, et pour des raisons différentes. Chez les socialistes, il faut tout d’abord gérer sa mue : passer de parti de gouvernement leader de son camp à partenaire junior dans l’opposition. Malgré parfois de légères frictions, la collaboration avec les autres groupes de la Nupes, et en premier lieu les insoumis, n’est pas vraiment remise en cause jusque-là.

Mais chez ces mêmes socialistes, on explique aussi qu’on n’a pas toujours la même vision du parlementarisme que leurs (parfois) turbulents voisins. « Il faut qu’ils comprennent qu’on doit pouvoir aussi ramener des victoires à la maison », soufflait, en paraphrasant Vegedream, un cadre socialiste plus tôt cet automne. Comprendre : ne pas se contenter de jouer l’obstruction et se battre pour obtenir des gains dans des projets de loi du gouvernement. Boris Vallaud, le président du groupe socialiste, rappelle souvent que ce groupe existe depuis bientôt 130 ans à la Chambre basse. Comme pour justifier de cette culture parlementaire ancrée dans les bancs de velours rouge de l’Hémicycle. Une longue histoire… qui a eu sa dose d’obstruction, pour eux aussi.

Porte ouverte

Le débat sur le projet de loi sur les énergies renouvelables, actuellement discuté à l’Assemblée, a permis aux socialistes de donner un peu de contenance à ce leitmotiv. Dans une interview au Huffington Post début décembre, Boris Vallaud s’est dit ouvert à voter ce projet de loi, au prix de certaines conditions. Sur « deux points durs » notamment : limiter les installations de centrales photovoltaïques sur les terres agricoles ; mieux partager les compensations financières en cas d’installation, par exemple, d’éoliennes.

Le débat a commencé la semaine dernière : « On est sur la route, je ne sais pas si c’est la bonne, mais on y est. Il nous reste quelques jours pour convaincre », analyse, prudent, le député Dominique Potier, principal orateur socialiste sur le sujet. La question de la régulation des centrales photovoltaïques au sol et sur les terres agricoles reste encore à trancher. « On a quand même énormément pesé dans la réécriture globale du texte », affirme le porte-parole des députés PS, Arthur Delaporte. Sans être dupe : « Le gouvernement savait qu’il ne pourrait pas compter sur LR sur ce sujet, donc c’est certain qu’il allait aller chercher des alliés ailleurs. »

Exigences

Même si l’on n’imagine pas le PS entrer au gouvernement, ni demain, ni après-demain, jouer le jeu d’une opposition constructive comporte le risque de brouiller la perception. Interrogé la semaine dernière sur cette « ouverture » des socialistes sur les énergies renouvelables, Boris Vallaud a d’ailleurs tout de suite corrigé : « Notre groupe n’est pas ouvert, il est exigeant. » S’agirait-il de ne pas trop agacer les partenaires de la Nupes ? Le député des Landes s’en agace toujours un peu et défend l’autonomie de ses députés. « Je me fixe comme discipline de d’abord savoir ce que nous pensons nous [sur les textes à l’ordre du jour] avec un travail exigeant pour pouvoir avancer. Ce qui ne nous empêche pas de faire jonction avec d’autres sur un certain nombre de sujets. »

Sauf que sur pas mal de points, le « programme partagé » de la Nupes des législatives de juin peut faire office de référence. Notamment sur le sujet qui va largement occuper l’espace début 2023 : la réforme des retraites. Le gouvernement veut, notamment, retarder l’âge légal de départ à 65 ans. La gauche tout entière y est opposée. Le programme partagé de la Nupes, lui, prévoit la retraite à 60 ans à taux plein après 40 années de cotisations.



Congrès en vue

La presse s’est déjà fait l’écho de couinements au Parti socialiste sur la défense de cette promesse, désormais jugée irréaliste dans la nouvelle conjoncture économique. « Ce n’est pas le projet sur lequel on aura à se prononcer », élude Boris Vallaud, pour qui la priorité est l’opposition unitaire au projet du gouvernement et la situation des carrières longues. D’accord. Mais il n’est pas totalement impossible que des amendements insoumis forcent les socialistes à se positionner. « Pas sûr : si l’amendement alourdi les charges, il peut être déclaré irrecevable », croit un député socialiste, espérant passer entre les gouttes.

Le fait que le PS soit en pleine campagne interne pour son congrès de janvier n’est peut-être pas étranger à ces hésitations. Car les opposants à la ligne pro-Nupes du premier secrétaire sortant, Olivier Faure, ne manquent jamais l’occasion de publier un communiqué à chaque fois qu’un insoumis lève une oreille, pour réclamer que les socialistes s’en distinguent. Le porte-parole du groupe PS l’assure fermement : « Non, il n’y a pas de pression du congrès. » A mots couverts, un autre élu, pro-Faure, ne voit là qu’une « tentative d’instrumentalisation qui ne dépasse pas la microsphère de ceux qui émettent ces messages. » Peut-être, mais si c’est l’opposition interne qui gagne le congrès, c’est toute la stratégie du parti qui sera renversée.