DECISIONPour les victimes de l’attentat de Nice, c’est « la fin d’un chapitre »

Procès de l’attentat de Nice : Le verdict signe « la fin d’un chapitre » mais pas de la douleur pour les victimes

DECISIONLa cour d’assises spéciale à Paris a condamné de deux à dix-huit ans de prison les huit accusés de l’attentat du 14-Juillet. A la retransmission du verdict à Nice mardi soir, l’ambiance était entre soulagements et sanglots
Alain Dariste, coprésident de l’association Promenade des Anges, qui a perdu sa fille le soir du 14-Juillet livre son témoignage après le verdict retransmis en direct à Nice
Alain Dariste, coprésident de l’association Promenade des Anges, qui a perdu sa fille le soir du 14-Juillet livre son témoignage après le verdict retransmis en direct à Nice - AFP / AFP
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Après plus de trois mois de procès, la cour d’assises spéciale à Paris a condamné de deux à dix-huit ans de prison les huit accusés de l’attentat du 14-Juillet.
  • Le chauffeur du camion-bélier qui avait foncé sur la foule, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, avait été tué par la police au terme de sa course meurtrière sur la Promenade des Anglais.
  • Plus d’une centaine de parties civiles étaient présentes à Nice pour assister au verdict en retransmission en direct. Habituellement, seule une quinzaine faisait le déplacement pour suivre l’audience.

De deux à dix-huit ans de prison. La cour d’assises spéciale de Paris est allée au-delà des réquisitions du Parquet national antiterroriste pour les huit accusés du procès de l’attentat de Nice qui a fait 86 morts et plus de 450 blessés sur la promenade des Anglais le 14 juillet 2016. Le chauffeur du camion-bélier qui avait foncé sur la foule, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, avait lui été tué par la police au terme de sa course meurtrière sur la Promenade des Anglais.

Quand les premières peines ont été prononcées mardi soir, des applaudissements ont retenti, à Paris comme à Nice, dans la grande salle de l’Acropolis où le verdict était retransmis en direct comme tout le procès depuis le 5 septembre. S’ils se sont arrêtés dix secondes après avoir commencé, quand le président de la cour Laurent Raviot a recadré la salle, ils ont continué à chaque énumération des condamnations à Nice, où l’ambiance était entre soulagements et éclats en sanglots.

« La première fois que je vois autant de monde »

Pour ce jour spécial qui clôturait trois mois de procès, 125 parties civiles, sur les 2.500 constituées au procès, étaient présentes dans la salle de Nice. Une grande partie des victimes vivant dans les Alpes-Maritimes avaient décidé de se déplacer à Paris pour vivre physiquement ce moment.



« C’est la première fois que je vois autant de monde », constate Mickaël Mourjan, vendeur de confiseries sur la promenade des Anglais au moment de l’attaque du camion-bélier, qui est venu « souvent » après avoir été entendu à Paris. Habituellement, une quinzaine de personnes assistaient à la retransmission du procès. Mais ce soir, « c’était particulièrement important d’être là », appuie-t-il en sortant de la salle. Selon lui, « la justice a pris les bonnes décisions » et « les coupables ont pris ce qu’ils devaient à leur hauteur. » Il ressent un « soulagement après 64 jours d’audience » qu’il pense « nécessaires » pour prendre le temps « d’écouter tout le monde et d’appliquer la loi ».

Alain Dariste, qui a perdu sa petite-fille Léana le 14 juillet 2016, souffle, les yeux remplis de larmes et la voix tremblante, que les victimes ont « échappé aux petites peines ». Le coprésident de l’association Promenade des Anges ajoute : « Ce procès était épuisant, j’ai l’impression de sortir d’un ring de boxe mais je suis satisfait car c’était plus que ce qui était demandé. »

La fin d’un chapitre

Ce sentiment, Yacine Bourouais le partage. Les mots lui manquent pour décrire son ressenti après « tant de tension depuis plus de six ans ». « Je me sens vraiment mal », lâche-t-il seulement avant de partir de l’Acropolis. Il espère simplement qu’il n’y aura pas d’appel, les accusés et le parquet disposent de dix jours pour l’interjeter, car il ne « serai [t] pas capable de surmonter une nouvelle fois ces conditions ».

Il s’était spécialement déplacé de l’étranger, où il vit depuis qu’il a quitté Nice en 2019, pour être là pour « être avec [ses] amis et être solidaires entre victimes ». Pour lui, ce verdict signe « la fin d’un chapitre » comme « les commémorations chaque année », mais il continuera de « faire vivre la mémoire des victimes » de l’attentat à travers « les associations, l’art et les écrits ». Ce qu’il « implore » désormais, c’est le parquet de Nice. Cet homme de 38 ans développe : « J’aimerais qu’il fasse avancer l’enquête sur les dispositifs de sécurité qu’il y avait ce soir-là. J’attends beaucoup de cette information judiciaire ouverte depuis 2017. J’aimerais que, là aussi, les bonnes décisions soient prises pour permettre la reconstruction de toutes et tous. »

« Je vais continuer de souffrir toute ma vie »

Âgée de 23 ans, Kimberly Torres, porte également beaucoup d’espoir dans cette deuxième réponse de la justice. Pour elle, « on n’en serait pas là s’il y avait eu un vrai dispositif de sécurité » le 14 juillet 2016, elle cite, « quelque chose de comparable à ce qui a été mis en place pour un match de football ». En colère, elle se rappelle « le camion devant [ses] yeux » et cette personne « qui [l'] a poussée » qui n’est « peut-être plus là ».

Ce soir-là, elle a eu, entre autres, les poumons écrasés, des côtés fêlés et le bassin déplacé. La jeune femme n’a aucun de ses proches qui est décédé ce soir-là, mais elle a failli « [se] perdre [elle]-même », souffle-t-elle chevrotante. Venir écouter le verdict à Nice ce mardi était alors une « vraie épreuve » pour elle, qui vient de commencer un suivi psychologique et ne se sent pas de reprendre le travail. En larmes, soutenue par ses proches, elle lâche avec beaucoup d’émotions : « C’est beaucoup mais ce n’est pas assez pour moi. Ils mériteraient de mourir. Eux, ils vont passer dix-huit ans en prison mais moi je vais continuer de souffrir toute ma vie. »