RévolutionLe journalisme mène à tout… et surtout à la chanson

Dernier « 12.45 » de Kareen Guiock Thuram : Le journalisme mène à tout… et surtout à la chanson

RévolutionComme Kareen Guiock Thuram, qui quitte le « 12.45 » de M6 ce vendredi, de plus en plus de stars du petit écran ne refoulent plus leurs envies musicales
Photomontage montrant Sandrine Quétier (à g.), Kareen Guiock Thuram et Bintily Diallo (à d.), trois artistes françaises d'abord découvertes dans des émissions d'information à la télévision.
Photomontage montrant Sandrine Quétier (à g.), Kareen Guiock Thuram et Bintily Diallo (à d.), trois artistes françaises d'abord découvertes dans des émissions d'information à la télévision. - Simon Larvaron / Pascal Lito - M6 / Julien BDC / Lukas Bato / Divers
Maxime Fettweis

Maxime Fettweis

L'essentiel

  • Kareen Guiock Thuram présente son dernier 12.45 sur M6 ce vendredi 16 décembre.
  • La présentatrice du rendez-vous d’information de la mi-journée a annoncé prendre un congé sabbatique pour se consacrer pleinement à sa passion, la musique. Elle devrait être de retour sur la chaîne en septembre 2023.
  • Depuis plusieurs années, les exemples de journalistes quittant leur poste pour fouler une scène se multiplient. Pourquoi quitter un emploi confortable, l’appel de la musique est-il plus fort que tout et ce choix est-il payant ? 20 Minutes a discuté avec trois d’entre elles.

«Là je suis en plein dedans avec les choix de pochette d’album… Je n’appréhende pas trop mon dernier 12.45 de ce vendredi car je ne me jette pas complètement dans le vide. » Après avoir annoncé publiquement son retrait du rendez-vous d’information de la mi-journée de M6, c’est une Kareen Guiock Thuram survoltée qui s’adresse à 20 Minutes.

A quelques heures de sa dernière aux manettes de ce journal télé qu’elle assure depuis près de dix ans, elle est sûre d’avoir pris la bonne décision en se retirant pour se consacrer à la musique.

« Ce sont deux activités qu’on ne peut pas mener de front en même temps. Il y a d’une part le journalisme face à des téléspectateurs qui s’appuient sur les informations que tu leur transmets pour, parfois, faire des choix de vie, et puis la scène où tu dois être à 100 % là pour le public », assure-t-elle.

Les exemples de stars du petit écran décidant de ne plus réprimer leurs envies de musique se multiplient ces dernières années. La plupart sont des femmes. Elles quittent durablement des places pourtant convoitées pour se consacrer à leur passion. 20 Minutes s’est demandé ce qui les a motivées et pourquoi elles préfèrent ne pas mener deux carrières en parallèle.

Ressortir un rêve du placard

« Quand j’étais petite, j’avais deux rêves, être journaliste et chanteuse », entame Bintily Diallo. La journaliste de 33 ans, journaliste sur Mouv' et chroniqueuse culturelle dans Télématin, passée par BFMTV était un visage récurrent de la matinale de LCI où elle tenait une chronique musicale. Ce rendez-vous quotidien lui a permis d’allier ses deux rêves. Elle a même eu l’occasion de chanter avec Justin Timberlake, Birdy, Texas ou Seal.

Après deux ans à squatter le petit écran sur LCI et les gilets jaunes divisant par deux son nombre de chroniques quotidiennes, elle décide de claquer la porte de la chaîne info du groupe TF1. Son poste ne lui laissait pas suffisamment de temps pour accomplir sa seconde ambition. Quelques mois plus tard sort Mise à nu, son premier EP. « Enfant, je m’étais fait la promesse de sortir un premier album à 30 ans », glisse-t-elle.


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Alors animatrice de Danse avec les stars et 50' Inside sur TF1, l’annonce de la séparation entre Sandrine Quétier et la Une a fait l’effet d’une bombe fin 2017. « J’ai eu la chance de beaucoup travailler et je ne vais pas m’en plaindre. Et puis au bout d’un moment je me suis retournée et me suis dit : "Mais qu’est-ce que tu as fait de tes passions, qu’est-ce que tu as fait de ta musique ?" J’étais dans un groupe de rock depuis dix ans mais ce n’était plus suffisant. Je ne pouvais pas m’y consacrer comme j’avais envie », se remémore l’ex-figure de la première chaîne.

Après deux ans de réflexion, elle se décide à faire un « saut dans le vide » professionnel. « J’avais besoin de créer une rupture dans ma vie pour me forcer à me reconstruire dans autre chose. » Elle est aujourd’hui comédienne et membre de Molly Pepper, un groupe de rock dont le premier album sortira en 2023.

Pour Kareen Guiock Thuram, c’est la crise du Covid-19 et ses nombreux confinements qui ont motivé son pas de côté. « Comme la majorité de l’humanité je me suis posé des questions existentielles sur ce que je regretterais si demain j’étais emportée par un affreux virus dont on ne connaissait pas grand-chose à l’époque… » Si la musique était jusqu’ici un refuge, elle déplore de ne jamais s’y être consacrée entièrement. Une année sabbatique lui permettra d’accomplir cette ambition : elle a déjà annoncé qu’un album de reprises de Nina Simone paraîtrait au printemps 2023.

« On m’a demandé s’il m’était arrivé quelque chose »

Si chacune de ces journalistes est parvenue à passer le cap, elles témoignent toutes avoir ressenti des freins avant de se lancer pleinement dans leur envie de musique. « Je n’avais pas du tout peur mais quand j’en parlais autour de moi, tout le monde me disait que je ne retrouverais pas de poste », se souvient Bintily Diallo.

Lorsque Sandrine Quétier annonce son choix à la direction de TF1, on s’interroge sur sa santé mentale. « On m’a demandé s’il m’était arrivé quelque chose, si tout allait bien dans ma vie », raconte-t-elle, amusée, cinq ans plus tard. Aujourd’hui encore, certaines personnes saluent son courage. « Pour moi ce n’était pas courageux, c’était dans l’ordre des choses. »

Kareen Guiock Thuram sera remplacée par Nathalie Renoux, l’actuel visage du JT de M6 les week-ends. Ce choix convient à la journaliste chanteuse qui assure qu’elle sera de retour dès le mois de septembre 2023. « Je ne peux pas laisser ma vie guidée par la peur qu’on me remplace. On pourrait très bien me remplacer sans que je prenne un congé sabbatique pour aller faire ce que j’aime », insiste-t-elle.

« Ne plus être à l’antenne m’a libérée »

Pour Sandrine Quétier, l’impression d’être arrivée au sommet d’un métier « très chronophage » a accéléré la décision de tout lâcher. Du côté de Kareen Guiock Thuram, c’est l’exigence du métier qui motive son choix. « Du côté des téléspectateurs, il n’y a rien de plus naturel que de rentrer chez soi, de prendre sa télécommande et de retrouver la personne qu’on a laissée la veille au même endroit, sans se poser de questions sur tout ce que ça engage. Mais ce sont des horaires exigeants avec des nuits très courtes. »

La journaliste de 45 ans raconte aussi être très inspirée par ses jeunes collègues qui « ne se sentent pas obligés de se soumettre à un modèle ou à des exigences qui leur sont étrangers. » « On les entend dire qu’ils ne veulent pas se plier à certaines choses. Je trouve ça hyper courageux parce qu’a priori ils n’arrivent pas à une époque où ils ont la liberté d’avoir le choix mais ils se créent un espace pour avoir le choix. »

Bintily Diallo raconte que, galvanisée par l’enjeu et l’opportunité qu’elle ressentait dans la matinale de LCI elle n’avait « pas d’espace mental ni physique » pour penser à la musique. Elle tournait et écrivait l’ensemble de ses sujets en duo avec un caméraman. Se retirer complètement lui a permis de se défaire de cette charge mentale. « Je me censurais aussi un peu pour écrire mes paroles en tant que journaliste. Ne plus du tout être à l’antenne m’a libérée. » Si la trentenaire est de retour à l’écran, elle assure désormais avoir su préserver cette liberté même si elle n’est pas parvenue à « devenir la nouvelle Angèle en deux ans ».

Le « miroir déformant de la télé »

Les trois chanteuses s’accordent sur une difficulté : acquérir l’étiquette de chanteuse lorsque, aux yeux du public, vous êtes scotchée à celle de journaliste télé. « Il y a une sorte de miroir déformant du petit écran qui fait que les gens pensent qu’on ne peut pas faire autre chose », déplore Bintily Diallo précisant que comme n’importe qui, elle fait ses courses et a des passions. Elle estime qu’aux Etats-Unis, les « ponts » entre différents secteurs sont plus faciles à traverser.

« En France on n’est pas très polyvalents », observe de son côté Kareen Guiock Thuram. « Les gens veulent absolument pouvoir se situer et se dire : elle est journaliste ou elle est chanteuse. Mais en fait, on peut très bien faire les deux. » Elle estime que l’humain est complexe et c’est ce qui fait sa richesse. « Maintenant il serait temps de l’accepter mais je pense que ce sera moins difficile pour les prochaines générations. »

Constat partagé par Sandrine Quétier. « On a l’impression de repartir de zéro, de devoir faire ses preuves dans tout. Avec un côté très excitant et puis un autre où les gens vous attendent au tournant car ils vous connaissent. » Autant dire que lorsqu’on n’a pas suivi la carrière musicale de l’ex-animatrice de près ses derniers mois, la découvrir se fondre dans le style rock et rebelle de Molly Pepper peut désarçonner.


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Un choix pour de multiples trajectoires

Si Bintily Diallo est revenue au journalisme à la fin de l’année 2021, elle n’exclut pas d’arrêter à nouveau « si elle reçoit une proposition dans la musique » et se réjouit de parvenir à associer les deux. Son quatrième EP, Muse, est sorti le 11 février 2022.

« Vive la liberté », lance Sandrine Quétier. Elle se réjouit de voir de plus en plus d’hommes et de femmes oser se lancer dans leur passion malgré les obstacles. « Ce n’est pas forcément le chemin le plus facile mais en tout cas, personnellement je pense que c’est le chemin le plus épanouissant », assure-t-elle. En plus de son groupe Molly Pepper, elle est actuellement en répétition pour la pièce Deux jours pour rompre, et se produira à Lyon dès janvier. « Je ne prétends pas être la meilleure actrice ou la meilleure chanteuse du monde mais je fais ce que j’ai envie de faire et si ça rencontre un public et que les gens sont contents ; eh bien c’est gagné ! »

Kareen Guiock Thuram rendra donc ce vendredi l’antenne du 12.45 pour la dernière fois avant plusieurs mois. Elle se réjouit que son entourage professionnel la soutienne dans cette décision. « C’est que je ne devais pas être une si mauvaise collègue que ça », rit-elle.