ReportageL’Ile-de-France, l’autre région du champagne

Noël : L’Ile-de-France, l’autre région du champagne

ReportageLoin et méconnu le champagne d’Île-de-France ? Gauthier Bombart, 5e génération à exploiter les vignes familiales, déconstruit à sa façon les lieux communs d’un vin aux 1.000 assemblages
Vignoble : du champagne « made in » Ile-de-France
Laure Gamaury

Laure Gamaury

L'essentiel

  • Alors que les fines bulles devraient envahir les tables des fêtes en cette fin d’année, 20 Minutes est allé à la rencontre d’un vigneron de champagne, installé en Île-de-France.
  • S’il fait partie d’une minorité des exploitants de champagne, Gauthier Bombart n’a pas peur de revendiquer son appartenance francilienne, qui lui permet de se démarquer.
  • Cinquième génération à exploiter les vignes familiales, il incarne parfaitement le mélange entre tradition et modernité, respect des pratiques ancestrales et projets ambitieux.

Gauthier Bombart le clame haut et fort : il est seine-et-marnais, francilien et vigneron en Champagne. Il est la cinquième génération à exploiter le domaine familial des champagnes Bombart, qui s’étend sur environ cinq hectares entre Saâcy-sur-Marne et Citry, en totalité sur la région Île-de-France. « On est sur la rive gauche de la vallée de la Marne, à l’extrême ouest, sur deux des trois villages qui constituent la partie francilienne de la Champagne. » Une particularité qu’il revendique : « On fait partie des fiers représentants de ce petit secteur et nous sommes artisans à 100 %. On vinifie nous-même notre champagne. »

Aux côtés de son père, Hervé Bombart, depuis quelques années, Gauthier, qui a terminé ses études en 2020, a déjà commencé à imprimer sa patte sur les champagnes éponymes, même s’il s’inscrit dans la continuité de son héritage familial : « On tend à être de plus en plus indépendants. » Aujourd’hui, environ 65 % de la récolte se retrouve dans les bouteilles des huit cuvées étiquetées Bombart. « Mon père est le premier à avoir sorti des bouteilles dans la famille. Avant, notre raisin était vendu à des maisons de champagne. Notre but, c’est qu’un jour, on travaille 100 % de notre récolte sur le domaine. »


Gauthier Bombart, 5e génération des champagnes Bombart, situés en Seine-et-Marne (Île-de-France).
Gauthier Bombart, 5e génération des champagnes Bombart, situés en Seine-et-Marne (Île-de-France). - Emilie Petit / 20 Minutes

Le meunier, la star des cépages de ce micro-terroir

La Champagne s’étend sur trois régions et cinq départements : la Marne, la Haute-Marne, l’Aube, l’Aisne et la Seine-et-Marne. « Le terroir fondamental s’appuie principalement sur un sous-sol calcaire, qui permet de donner sa résilience à la vigne, et de limiter notamment les effets négatifs en cas de sécheresse. Et il donne aussi ses propriétés gustatives au champagne », explique Gauthier Bombart. Le vigneron cite également les trois cépages principaux, à savoir le pinot noir, le chardonnay et le meunier. Car il est important de le rappeler : « Le champagne, c’est la culture de l’assemblage. Une fois le raisin récolté, pour faire votre champagne, c’est comme si vous aviez une palette de couleurs avec les trois principales, le jaune, le rouge et le bleu. Pour obtenir les nuances, tout est question de mélange et de dosage. Pour le champagne, c’est pareil. »

Le cépage meunier est majoritaire dans les vignes d’Île-de-France. « Il se retrouve à environ 70 % sur la vallée de la Marne et 30 % sur la montagne de Reims. Sur les autres micro-terroirs, il est très peu cultivé. » Ce cépage, a priori issu du pinot noir venu de Bourgogne, portait jadis le nom de pinot meunier. La raison ? « Les fines particules blanches à la surface des feuilles qui font penser à de la farine », narre Gauthier Bombart. Avec le temps, et parce qu’il est très différent du pinot noir, il est devenu un cépage à part entière et le terme de pinot a été enlevé. Le clin d’œil cocasse de la petite histoire dans la grande, c’est que le grand-père de Gauthier Bombart était… meunier ! « A l’époque, les exploitants de champagne, mes aïeuls, ne pouvaient pas se permettre de travailler à 100 % dans les vignes. C’est mon père le premier qui a pu totalement s’y consacrer. »

Une histoire de famille

Pour Gauthier Bombart, travailler sur l’appellation de champagne familiale n’a pas toujours été une évidence : « Les vignes, les tracteurs, contrairement à mon frère, ça ne m’attirait pas vraiment. Mais pour mon stage de 3e, mon père m’a envoyé à la coopérative où à l’époque on travaillait notre raisin. Je me suis découvert une passion pour les cuveries et les caves. » Et finalement, il s’oriente dans un parcours pour perpétuer le travail de ses arrière-arrière-grands-parents. « Les plus vieilles déclarations de récolte qu’on a retrouvées, datent de 1921 donc ça voudrait dire que chez nous, on a planté les premières vignes juste après la Première Guerre mondiale. » Soit dès les débuts de l’appellation champagne qui date des années 1930. « Il y a toujours eu du champagne en Seine-et-Marne », assure le jeune vigneron.

Mais à l’époque, si ce terroir respectait tout le cahier des charges établi, il était difficile de vinifier soi-même sa récolte, les pressoirs se situant majoritairement autour de Reims et d’Epernay. « Aujourd’hui, si les grandes maisons font toujours la renommée de l’appellation, les vignerons se taillent désormais une belle part en champagne », assure Gauthier Bombart, qui a pu apprendre en même temps que son paternel à vinifier son raisin. « On a appris ensemble à manipuler le vin. Avant, il était en coopérative et il s’est lancé il y a cinq ans. J’aime cet apprentissage empirique : mon moment préféré de l’année, c’est celui où on goûte les assemblages, où on valide nos paris de vinification. »

L’assemblage, la recette du bonheur

« Je mesure la chance d’arriver dans le monde du champagne à un moment d’ouverture, partage encore Gauthier Bombart. Avant c’était "le champagne, ça vient de la Marne". Mais aujourd’hui, les mentalités évoluent. » En produisant ses propres bouteilles, la maison Bombart se tourne désormais vers les restaurants, les cavistes. « C’est important d’être connu et reconnu dans la profession », ajoute le vigneron. Père et fils ont également obtenu des certifications de développement durable, une nationale de haute valeur environnementale, et une propre à l’appellation champagne de viticulture durable. « C’est une manière de revendiquer des pratiques déjà installées depuis des années, de prouver le bon sens du travail fait dans nos vignes », expose-t-il encore.


Notre dossier sur le champagne

Porte-étendard de cette nouvelle génération curieuse et décomplexée, Gauthier Bombart a déjà plusieurs projets en tête et notamment celui de ne pas se cantonner au champagne. « J’aimerais bien à l’avenir travailler des vins tranquilles, en blanc et rouge, des coteaux champenois. J’ai envie de m’amuser, de créer. Travailler le vin, c’est vraiment ma passion. » Il a d’ailleurs mis en place des accords fromage et champagne, de quoi mettre l’eau à la bouche de n’importe quel amateur : « Avec des amis à la fac de Reims, on avait déjà lancé le concept. Et j’essaie avec nos cuvées, de proposer le champagne comme un vin gastronomique. » Ainsi, pour accompagner de la volaille rôtie, l’expert des bulles mise sur un champagne blanc de noir, préfère un blanc de blanc avec les produits de la mer et consent même à lâcher un conseil pour les amateurs de champagne en dessert. « Je ne comprenais pas l’intérêt de proposer un champagne demi-sec, qui gustativement, se rapproche beaucoup d’un vin sucré, mais mon père m’a convaincu, c’est un produit qui fonctionne. » Audacieux et avant-gardiste, mais aussi à l’écoute et respectueux des traditions, Gauthier Bombart. Comme le champagne d’Île-de-France.

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