RevolutionPasser à la vaisselle réutilisable… Les fast-foods loin d’être prêts ?

Déchets : Au 1er janvier, les fast-foods devront passer à la vaisselle réutilisable… mais qui sera prêt ?

RevolutionC’est une mesure de la loi antigaspillage, adoptée en 2020. Au 1er janvier, les repas pris sur place devront être servis dans des contenants réutilisables. Chantier colossal pour la restauration rapide ?
Lutte antigaspi: Le Mc Donald's de Levallois teste la vaisselle réutilisable
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • C’est un pas de plus pour sortir du tout jetable. Au 1er janvier, les repas pris sur place dans des restaurants de plus de vingt couverts devront être servis dans de la vaisselle réutilisable.
  • Si cette mesure s’applique à tous, des cantines d’entreprises à la brasserie, le défi vaut surtout pour la restauration rapide. L’introduction de la vaisselle réutilisable remet en question l’organisation et le modèle économique même de ces fast-foods.
  • A McDonald’s comme à Burger King, deux géants du secteur, on assure travailler à cette transition depuis trois ans : « 90 % de nos 1.530 restaurants seront dans les clous au 1er janvier », assure-t-on dans la première enseigne. Et les autres ?

Le design est globalement le même, et on reste sur le rouge iconique de l’enseigne… Il faut prendre en main le cornet de frites de Mc Donald’s pour mesurer le changement. Exit le carton. L’emballage est désormais en plastique. « Du tritan, précise un porte-parole de McDonald’s. Un dérivé du plastique qui a pour atout d’être très solide et de supporter les lavages répétés. »

Cette même matière est utilisée pour les autres contenants présents sur les plateaux du McDonald’s de Levallois (Hauts-de-Seine). Des frites donc aux boissons, en passant par les salades et les desserts glacés. Seul le hamburger fait exception. « Pour des raisons de sécurité alimentaire et de manutention, il est toujours autorisé de l’emballer dans du papier alimentaire », précise ce même porte-parole de McDo.

180.000 tonnes de déchets annuels pour les fast-foods

Ce restaurant n’est pas un cas unique. D’autres encore parmi les 1.530 que compte l’enseigne en France, ont déjà opéré les mêmes changements. La totalité l’aura-t-elle fait au 1er janvier ? La loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec), adoptée en 2020, l’impose. A partir de 2023, les repas pris sur place dans des restaurants de plus de vingt couverts devront être servis dans de la vaisselle réutilisable. Cette mesure vaut pour tous les restaurants, de la cantine scolaire à la brasserie. « Mais le défi existe surtout pour les fast-foods dont le passage à la vaisselle réutilisable remet en question leur modèle économique », glisse Diane Beaumenay-Joannet, chargée de lobby à Surfrider Foundation Europe.

Et le secteur est un gros générateur de déchets. Il « sert environ 6 milliards de repas par an, dans environ 30.000 points de vente sur tout le territoire, ce qui génère 180.000 tonnes de déchets annuels, dont 55 % pour la consommation sur place », exposaient des ONG, dont Surfrider, dans une tribune au Journal du Dimanche, le 4 décembre.

La transition ne commencera pas au 1er janvier. Ces dernières années, les fast-foods ont dû se mettre au tri de leurs déchets en salle. Ou encore abandonner certains plastiques à usage unique comme les pailles. Passer à la vaisselle réutilisable est une étape de plus, mais bien plus complexe cette fois. « Le défi est immense », glisse même Muriel Reyss, directrice de la communication à Burger King. Comme McDonald’s, la chaîne dit y travailler depuis trois ans et a fait le choix, elle aussi, après plusieurs tests, de contenants en plastique renforcé*. « En tritan et en polypropylène », précise Muriel Reyss.


Comme McDonald's, Burger King part sur des contenants en plastique renforcé pour se mettre dans les clous de la loi Agec.
Comme McDonald's, Burger King part sur des contenants en plastique renforcé pour se mettre dans les clous de la loi Agec. -  © Matthieu Engelen / Burger King

Récupérer la vaisselle le repas fini

Mais le choix des matériaux était peut-être le plus facile. Un défi, plus ardu, est de parvenir à faire de la place en cuisine pour y insérer laveuse et séchoir. « Pas simple, en particulier dans les restaurants de cœur de ville, parfois exigus, glisse le porte-parole de McDo. Réorganiser ces cuisines et parfois aller jusqu’à demander des permis d’élargissement représentent des investissements bien plus conséquents que l’achat de vaisselles réutilisables. »

Et puis pour que le nouveau système marche, faut-il encore que les restaurants soient en mesure de récupérer leurs vaisselles en fin de repas… Ça peut paraître anecdotique, mais Steeve Broutin, de Hub One**, l’une des entreprises qui accompagnent les restaurants dans cette transition vers la vaisselle réutilisable, en fait un enjeu crucial. « Entre la part mise par erreur à la poubelle et celle qui disparaît, tout simplement, les pertes peuvent être importantes pour un restaurant, observe-t-il. Jusqu’à 3.000 euros par mois pour certains. » Muriel Reyss confirme l’enjeu. « Dans des restaurants pilotes où nous avions équipé la vaisselle de puce RFID, nous avons constaté des pertes importantes les deux premiers mois », raconte la directrice de communication de Burger King. Elle l’explique, essentiellement, par la nécessité pour les clients, de s’habituer à un nouveau geste de tri. « Il est souvent nécessaire de prévoir un renforcement de personnel en salle, du moins dans les premiers mois », constate-t-on aussi chez Mc Donald’s.

Peu d’enseignes prêtes au 1er janvier ?

Reste à savoir si les fast-foods seront tous prêts au 1er janvier ? « A 90 %, oui », répond-on à McDo, en précisant que les 10 % restants se constituent essentiellement des restaurants de cœur de ville ou installés dans des gares et centres commerciaux. Là où la transition vers la vaisselle réutilisable est la plus complexe à gérer. Pour Burger King, Muriel Reyss assure que, sur ses 470 restaurants, une cinquantaine aura franchi le pas d’ici la fin de l’année et « que le déploiement sera massif dans les premiers mois de l’année, avec l’espoir d’atteindre les 100 % d’ici la fin du premier trimestre ».

Voilà pour ces deux poids lourds du fast-food en France. S’ils ne seront pas dans les clous au 1er janvier, ils paraissent tout de même mieux lancés que d’autres. « Beaucoup d’enseignes s’y sont pris très tard, notamment en apprenant, il y a un mois, que le gouvernement n’entendait pas reporter la mesure, indique Steeve Broutin. Et puis le contexte international est tendu. Il ne suffit pas de commander cette vaisselle réutilisable, faut-il encore que les industriels soient en mesure de la produire. » L’expert de Hub One s’attend à des retards. « Pour les très grandes enseignes (KFC, Starbucks, Burger King…), il n’y aura pas de sujet, la transition se fera, ne serait-ce parce qu’il y a un fort enjeu d’image, derrière, pour ces chaînes, estime-t-il. Ce sera plus compliqué pour les fast-foods de moyenne et petite taille qui n’ont pas les mêmes assises financières. »

Les ONG mettent la pression

Les ONG sont plus pessimistes encore. D’où d’ailleurs cette tribune au JDD pour appeler au respect de la loi. « Si le gouvernement se montre volontaire, il n’annonce pas pour autant de contrôles à ce jour, commence Diane Beaumenay-Joannet. Côté enseignes, à part Mc Donald’s, très peu ont communiqué sur le sujet. » La crainte alors est de revivre les mêmes errements que sur tri des déchets. « Il avait fallu attendre de nombreuses années et les alertes de citoyens et des ONG pour que les fast-foods s’y mettent enfin », rappelle la chargée de lobby à Surfrider. « Passés quelques mois, nous irons vérifier dans les restaurants », prévient-elle, façon de dire que les ONG n’entendent pas lâcher la pression.

Point positif tout de même, pour Diane Beaumenay-Joannet : « Cet enjeu du réemploi parle beaucoup plus aux Français qu’il y a cinq ans ». C’est aussi l’avis de Steeve Brutin. Dès lors, les enseignes y sont elles-mêmes plus sensibles. « Certaines commencent déjà à se préparer à l’étape d’après, assure-t-il. Soit le passage à la vaisselle réutilisable y compris pour les repas servis à l’extérieur. On y viendra. Sans doute plus vers 2025. » « Chaque chose dans son temps », dit-on à Burger King.

*« Ce choix des plastiques renforcés est celui fait par la plupart des grandes enseignes de fast-food, indique Steeve Broutin, expert solution pour Hub One. D’autres restaurants concernés ont tout de même opté pour d’autres matériaux. Notamment l’inox pour les cuisines centrales (cantine scolaire, d’entreprises...). Mais aussi de contenants en porcelaine ou en verre pour les enseignes qui voulaient s’orienter plus vers le haut de gamme. »

** Hub One développe notamment des logiciels et solutions qui permettent au restaurant d’assurer la traçabilité de leurs vaisselles.