tendanceVin, bulles, gin… Les spiritueux sans alcool s’invitent désormais à la fête

Vin, bulles, gin… Les spiritueux sans alcool, le (beau) flacon sans l’ivresse pour une sobriété festive

tendanceCes dernières années, l’offre de vins et spiritueux sans alcool s’est considérablement développée
Partial view of happy young friends drinking champagne
Partial view of happy young friends drinking champagne - DR / Shutterstock
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Depuis quelques années, le marché des vins et spiritueux sans alcool est en pleine expansion.
  • De nouvelles marques ont vu le jour et ont lancé des gammes de produits haut de gamme en misant sur les qualités aromatiques de leurs breuvages et un positionnement premium pour conquérir et convertir de nouveaux consommateurs.
  • A la veille des célébrations du nouvel an et du Dry January, 20 Minutes s’est penché sur cette offre qui fait de plus en plus d’adeptes.

En soirée, le monde se divise en deux catégories : ceux qui redoutent la gueule de bois qui leur mettra la tête dans un étau, et ceux qui ne boivent pas et doivent se contenter d’un jus ou d’un soda pas très festif. Mais ça, c’était avant. Avant que de nouvelles marques de spiritueux sans alcool ne voient le jour et proposent gins, vins rouges, rosés ou pétillants aux arômes subtils et puissants. De nouvelles alternatives promettant une expérience premium tant aux amateurs d’alcool qui souhaitent réduire leur consommation qu’à ceux qui n’en boivent jamais.

A quelques jours du réveillon du Nouvel an traditionnellement bien (trop) arrosé et du lancement du Dry January, 20 Minutes se penche sur ces vins et spiritueux sans alcool de plus en plus prisés, que l’on peut consommer sans modération.

Une nouvelle demande

Jusqu’à récemment, l’offre sans alcool, c’était quelques bières, du jus de pomme pétillant dans une fausse bouteille de champagne ou des boissons façon cocktail fluo, promettant une fête encore plus folle. « Que des produits aux recettes bourrées de sucre et d’additifs, pas très intéressantes en termes de goût et avec un marketing ultrakitsch et pas très attirant, que l’on réservait surtout aux femmes enceintes », résume Aline Pozzo di Borgo, professeure experte en marketing de luxe.

Même si la France est le sixième pays plus grand buveur d’alcool de l’OCDE, les chiffres sont à la baisse. Entre 1960 et 2018, la consommation moyenne par Français de boissons alcoolisées est passée de 200 à 80 litres par an. « Les gens boivent moins, les comportements évoluent et l’émergence du Dry January atteste de ce changement, souligne Aline Pozzo di Borgo. Aujourd’hui, être capable de ne pas boire c’est hype. En particulier chez les millénials, qui ont conscience de boire et veulent le faire de manière plus raisonnée. Là, les boissons sans alcool trouvent tout à fait leur angle d’approche ».

Il y a trois ans, quand Valérie de Sutter a créé JNPR, sa marque de gin sans alcool, « l’intérêt pour le secteur était limité. Désormais, on fait plus attention à sa santé, et il y a de plus en plus de gens qui font attention à ce qu’ils mangent et boivent. Majoritairement, nos clients continuent à boire de l’alcool, mais ils veulent réduire leur consommation, en semaine pour rester en forme au travail, ou le week-end quand il faut conduire. Dans cette configuration, certains prennent l’apéritif avec JNPR, puis un verre de vin "normal" au dîner, et ainsi abaissent leur consommation globale ».

« Une nouvelle offre qualitative et très aromatique »

Mais pour séduire des palais habitués à l’alcool, encore fallait-il proposer de « vraies » alternatives. « Une nouvelle offre qualitative et très aromatique est apparue, avec des vins, des gins et des rhums sans alcool, observe Aline Pozzo di Borgo. Qualité que l’on doit à l’entrée en jeu des distillateurs, qui ont su créer des versions sans alcool avec de vraies saveurs, pas des succédanés sucrés ». Des succédanés qui ne ravissaient pas vraiment le palais de Fathi Benni : « Moi qui ne bois pas, j’étais condamné à me retrouver avec un verre de jus ou de cola en soirée », se souvient-il. Alors, « au fait des attentes de ces non consommateurs d’alcool pour qui il n’existait pas d’offre digne de ce nom », il a lancé il y a cinq ans Le Petit Béret, marque de vins et spiritueux sans alcool cofondée avec Dominique Laporte, meilleur sommelier de France.

Pour développer leur gamme, les deux associés mettent au point un process en partenariat avec l’Inrae : « un procédé unique de distillation, qui permet d’obtenir les mêmes profils aromatiques qu’un spiritueux ou un vin, sans avoir de fermentation secondaire alcoolique. Donc nos produits, sans sulfites ni éléments chimiques, ne contiennent pas d’alcool et n’en ont jamais contenu ». Quelques années plus tard, la marque propose un large choix de vins blancs, rouges ou pétillants, ainsi que des spiritueux de type rhum, whisky, liqueur de pomme, citron ou menthe, et prépare le lancement d’une dizaine de nouveautés. « Le goût et la qualité sont au rendez-vous parce qu’on mise aussi sur des ingrédients de qualité, insiste l’entrepreneur. Au point que l’on ne fait souvent pas la différence entre nos bières ou vins pétillants dans une dégustation à l’aveugle avec des versions alcoolisées ».



La qualité des ingrédients et des process, c’est aussi ce qui anime la fondatrice de JNPR, « qui doit son nom à "juniper", ou baie de genièvre en anglais, ingrédient phare du gin, indique Valérie de Sutter. On vient avec une proposition qualitative et assumée sans alcool, c’est pourquoi on a développé nos recettes avec l’un des meilleurs bar tenders au monde, main dans la main avec notre distillerie en Corrèze. On utilise des épices et des plantes que l’on distille en alambic comme pour un gin traditionnel, à ceci près qu’il est produit directement sans alcool, et non désalcoolisé par la suite, pour mettre l’accent sur le goût et n’avoir aucun résidu d’alcool. Et aucun sucre n’est employé ».

A la dégustation, les épices et les plantes expriment leurs arômes, mais sans la sensation de brûlure. « Forcément, notre gin n’a pas 40 degrés d’alcool, explique Valérie de Sutter, mais la longueur en bouche est là. Et mélangé à un tonic par exemple, la comparaison est bluffante ».

Une expérience premium à prix premium

Pour cette offre nouvelle, chaque détail est pensé pour proposer une expérience premium. « On a créé des accords mets et boissons avec le chef Gilles Goujon, 3 étoiles au Guide Michelin, avec l’idée de pouvoir se faire plaisir de l’apéritif au digestif, dévoile Fathi Benni, dont la marque compte des amateurs dans le monde entier. On est présent dans les pays qui ont une culture des vins et spiritueux que dans ceux où l’on ne boit pas. Cela permet à celles et ceux qui ne boivent pas de ne pas se sentir exclu ou sous-considérés, que ce soit en soirée chez des amis ou au restaurant quand on vous tend la carte des vins. L’alcool n’a pas le monopole des boissons raffinées ».

Ces nouvelles boissons franchissent aussi les portes des endroits les plus cossus. « Désormais, des restaurants nous appellent parce que les clients leur demande du JNPR, ils veulent une offre qualitative sans alcool partout, c’est nouveau, note Valérie de Sutter. On travaille avec un grand groupe de restaurants à Paris, dont les ventes de cocktails sans alcool représentent 40 % des ventes de cocktails, c’est énorme. Et c’est pareil pour les bars les plus hypes : aujourd’hui, un établissement digne de ce nom doit offrir à ses clients des cocktails fins et sophistiqués sans alcool ».

Prêts à payer le prix

La greffe a pris, si bien que les clients n’hésitent pas à payer le même prix que pour un spiritueux classique. « Pour toutes ces raisons de qualité, les marques parviennent à justifier l’idée de vendre leurs produits au même prix que les versions avec alcool, relève l’experte en marketing de luxe ». Mais s’ils ne contiennent pas d’alcool, ils ne coûtent pas moins cher à produire. « Cela coûte même environ 30 % plus cher », souligne Fathi Benni. Un surcoût qui s’explique « par une quantité plus importante d’épices et d’herbes », ajoute Valérie de Sutter. En outre, « les marques ont su aller sur le créneau du luxe, avec des offres élaborées en termes de goût, de packaging – avec de très beaux flacons – et d’expérience, décrypte Aline Pozzo di Borgo. Il y a eu une vraie recherche, on a pris tous les codes du premium pour en faire des produits attractifs. Pour lesquels les consommateurs sont prêts à payer ».