ILLECTRONISMELa fracture numérique accentue l’exclusion des gens du voyage

« Je ne suis pas trop douée avec l’Internet »… La fracture numérique accentue l’exclusion des gens du voyage

ILLECTRONISMEDepuis quelques semaines, un camion sillonne les aires d’accueil d’Ille-et-Vilaine pour aider les gens du voyage dans leurs démarches en ligne
En Ille-et-Vilaine, un camion se déplace sur les aires d'accueil des gens du voyage pour les aider dans leurs démarches en ligne.
En Ille-et-Vilaine, un camion se déplace sur les aires d'accueil des gens du voyage pour les aider dans leurs démarches en ligne.  - J. Gicquel / 20 Minutes / 20 Minutes
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • En Ille-et-Vilaine, le camion AGV Connect va d’aire d’accueil en aire d’accueil de gens du voyage. Sa mission ? « Aller à la rencontre des gens du voyage pour les aider dans leurs démarches en ligne », explique une conseillère numérique.
  • En plus de l’illettrisme, beaucoup de ces personnes subissent de plein fouet la fracture numérique avec la dématérialisation des services publics.
  • La conseillère numérique vient à leur rencontre pour les aider à créer une adresse mail, régler des litiges ou comprendre les méandres de l’administration.

Hormis deux roquets qui montent la garde et accueillent bruyamment le visiteur et un homme occupé à désosser des palettes de bois, il règne en cet après-midi de décembre une ambiance un peu morne sur l’aire d’accueil des gens du voyage au Rheu, commune située à l’ouest de Rennes. Chaque famille vaque ainsi à ses occupations quotidiennes, évitant de trop sortir pour se protéger du froid. A l’entrée du terrain, qui accueille une grosse dizaine de caravanes, un camion sérigraphié flambant neuf intrigue toutefois par sa présence.

Baptisé AGV Connect, il est la propriété du groupement d’intérêt public Accueil des Gens du Voyage en Ille-et-Vilaine (AGV 35). Depuis quelques semaines, il sillonne la quarantaine d’aires que compte le département avec une mission bien précise. « On vient à la rencontre des gens du voyage pour les aider dans leurs démarches en ligne », souligne Hanane Maskali.

Illettrisme et illectronisme

Conseillère numérique, c’est elle qui pilote le camion et accueille à son bord les familles autour d’une boisson chaude. Ce lundi après-midi, ce n’est pourtant pas la foule à l’intérieur. Seule Jessy (le prénom a été modifié) est présente pour tenter d’arranger un problème avec la CAF. « Mon dossier est en règle mais je n’ai rien perçu depuis deux mois car il leur manque un mail indiquant mes heures de travail », s’agace la mère de famille. D’ordinaire, cette dernière effectue ses démarches directement depuis son téléphone portable. « Mais là ça ne capte pas, indique-t-elle. Et puis je ne suis pas trop douée avec l’Internet. »

Un cas loin d’être isolé chez les gens du voyage qui, en plus de l’illettrisme, subissent également de plein fouet la fracture numérique. « Avec la dématérialisation des services publics, toutes les démarches se font désormais en ligne, souligne Hanane Maskali. Cela paraît simple pour certains mais c’est très compliqué pour les gens du voyage qui n’ont bien souvent pas d’ordinateur ni d’accès Wifi. » Certains réussissent tout de même à s’en sortir, aidés par leurs enfants plus connectés. Mais pour d’autres, le numérique est encore un grand mystère. « Certains n’ont même pas d’adresse mail donc je les aide à en créer une », indique la conseillère numérique.

Des personnes éloignées des institutions

Au fil de ses déplacements, elle aide aussi les gens du voyage à prendre un rendez-vous médical en ligne, à faire des élections de domicile ou à comprendre toutes les subtilités de l’administration française. « Un monsieur qui est auto-entrepreneur est venu me voir l’autre fois car il avait reçu un courrier de l’Urssaf et il ne savait pas ce que c’était », raconte-t-elle. Un éloignement des institutions qui ne favorise guère l’intégration des gens du voyage, souvent victimes aussi de préjugés.

D’où la démarche d’AGV35 « d’aller vers » cette population avec ce camion pour renforcer la cohésion sociale et favoriser l’accès aux droits. « C’est d’autant plus important que ces familles vivent en grande majorité dans la précarité et sont très vulnérables avec une durée de vie inférieure de quinze ans à la moyenne de la population », assure Caroline Roger-Moigneul, vice-présidente du département d’Ille-et-Vilaine et présidente d’AGV35.