Fake OFF« William Mehmet », la fausse identité turque du tueur de la rue d’Enghien

Attaque raciste contre des Kurdes à Paris : « William Mehmet », itinéraire d’un troll devenu fake news

Fake OFFLe nom du suspect a été changé pour lui donner une identité turque, alors que ce dernier est un Français qui avait déjà revendiqué un acte « raciste »
L'attaque est survenue vendredi 23 décembre, dans le 10e arrondissement de Paris
L'attaque est survenue vendredi 23 décembre, dans le 10e arrondissement de Paris - GABRIELLE CEZARD/SIPA / SIPA
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Dans le très animé 10e arrondissement de Paris, vendredi, un homme a ouvert le feu contre la communauté kurde, faisant trois morts et trois blessés.
  • Le suspect, William M., a revendiqué un acte raciste motivé par une « haine des étrangers devenue complètement pathologique. »
  • Mais depuis, son identité a été transformée. Certains internautes prétendent que l'homme s'appelle « William Mehmet » et qu'il serait turc.

Vendredi, dans le 10e arrondissement de Paris, un homme a ouvert le feu en fin de matinée, près d’un centre culturel kurde. Trois personnes ont été tuées et trois autres blessées. Depuis ce lundi, après plusieurs jours en garde à vue, l’homme de 69 ans soupçonné d’être à l’origine de la tuerie a été mis en examen ce lundi et incarcéré, conformément aux réquisitions du parquet. Il a lui-même reconnu dimanche « une haine des étrangers devenue complètement pathologique ». Plus tôt, il avait avoué vouloir viser initialement des étrangers à Saint-Denis, mais y avait finalement renoncé pour se rendre rue d’Enghien.

Pendant sa garde à vue, il a avoué à de nombreuses reprises vouloir « assassiner des migrants, des étrangers ». L’ancien conducteur de train est également connu de la justice pour trois affaires, plus ou moins similaires. Pourquoi avoir visé la communauté kurde cette fois ? Pendant sa garde à vue, le suspect dit leur en vouloir d’avoir « constitué des prisonniers lors de leur combat contre Daech au lieu de les tuer ».



Seulement, malgré les aveux de l’homme de 69 ans, plusieurs rumeurs ont circulé sur les réseaux sociaux. Selon certains internautes, le tueur aurait une identité différente et serait en réalité originaire de Turquie. 20 Minutes retrace l’itinéraire de cette fake news.

FAKE OFF

Il est difficile parfois de connaître le point de départ d’une rumeur. L’invention de « William Mehmet » fait exception. Dans le langage d’Internet, on appelle ça un troll… devenu avec les minutes une fake news aux allures idéologiques.


UNE FAKE NEWS A VERIFIER ? PASSEZ PAR WHATSAPP

Sur Twitter, vendredi, le journaliste spécialisé en police-justice de Cnews Amaury Bucco publie sur un fil toutes les informations autour de la tuerie. Nous sommes à quelques heures du drame et plusieurs éléments de l’enquête commencent à sortir : le nombre de blessés, l’âge et l’origine du tueur, ainsi que la qualification ou non de l’attaque en acte terroriste. « Le suspect est un certain William M., 69 ans, Français, né à Montreuil », annonce le journaliste. « William Mehmet, je le savais ! », répond une internaute. Il s’agit bien évidemment d’un troll, comme il en existe de nombreux sur les réseaux sociaux.

L'invention d'un storytelling

Ça aurait pu s’arrêter là, mais ce serait mal connaître Twitter. La blague de l’internaute a finalement été prise pour un fait véridique. « A Paris, le musulman William Mehmet, d’origine turque, fan d’Erdogan, a fait un attentat contre la communauté kurde », publie un premier internaute. Un deuxième Twittos va également le décrire comme un « loup gris anti Kurdes et anti chrétiens connu pour ses attaques au sabre ».

Ce ne seront pas les seuls à relayer le nom de William Mehmet. « Le nom du tireur du Xème arrondissement est William Mehmet. Rapport avec la Turquie et non l’extrême droite. La France insoumise, la Nupes, vous l’avez dans le c… avec vos discours crasseux et malhonnêtes sur l’implication de l’extrême droite », s’indigne un autre. « Il est certain qu’il s’agissait une attaque planifiée et que certaines forces étaient derrière », affirme un dernier. Sur les comptes relayant la fausse information, les internautes semblent avoir pour la plupart une proximité avec l’extrême droite.


L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

Un storytelling autour de la vie de William Mehmet sera même inventé. L’homme viendrait d’une famille non-pratiquante turque. La famille aurait donné des « prénoms européens » à leurs enfants afin qu’ils s’intègrent. « Cependant William Mehmet est vite passé à l’extrême droite anti-kurde et anti-chrétien », prétend un internaute. Une interview du père du suspect, diffusée sur BFMTV, sera également réutilisée. « Remarquez l’accent turc de son père », notent des internautes.

Un nom sans consonance étrangère

Il faudra attendre finalement le 24 décembre pour s’assurer d’un premier démenti officiel, publié par le journaliste Amaury Brelet, de Valeurs actuelles. « Contrairement à la (fausse) rumeur qui circule, le suspect de la tuerie à Paris ne s’appelle pas William Mehmet, indique une source policière à Valeurs actuelles. Et son nom n’est pas à consonance étrangère ». Par la suite, le militant d’extrême droite Damien Rieu demandera sur son compte Telegram de ne plus diffuser la fake news.

Si Valeurs actuelles publie la réelle identité du suspect, chez 20 Minutes, nos règles sont un peu différentes. Entre les médias, il n’existe pas en tant que tel une règle quant à la révélation de l’identité d’un suspect. Dans nos articles, seul le nom de « William M. » sera mentionné. La plupart du temps, ces décisions seront décidées au cas par cas dans notre rédaction. Dans la majorité des cas, nous attendons a minima la mise en examen voire la condamnation pour divulguer le nom de famille. Le but n’est pas de faire de la rétention d’information, mais de protéger le secret de l’enquête et la présomption d’innocence.

Sujets liés