INDUSTRIE« On a l’embarras du choix »… Soudeur, métier « méconnu » ultra recherché

« On est en position de force »… Soudeur, un métier « méconnu » ultra recherché

INDUSTRIELe championnat de France de soudure, dont les sélections régionales se déroulent actuellement, vise à valoriser une profession qui attire peu alors qu’elle croule sous les besoins de recrutement
Un soudeur lors d'une manche du championnat de France de soudure, le 6 janvier 2023 à Nantes.
Un soudeur lors d'une manche du championnat de France de soudure, le 6 janvier 2023 à Nantes. - F.Brenon/20Minutes / 20 Minutes
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Le championnat de France de soudure met à l’épreuve des passionnés de soudage, professionnels ou amateurs.
  • Le métier de soudeur est l’un des plus en tension de France. Les besoins sont énormes dans l’industrie.
  • Peu connue, la profession est victime d’idées reçues (dangerosité, pénibilité…).

«J’ai fait des pièces d’avion, d’armement, des pièces qui sont parties dans l’espace. On donne une forme à des idées couchées sur le papier. C’est le vrai plaisir du métier. » Mehdy Addad, formateur professionnel, est un passionné de soudage. Une originalité quand on sait que sa profession peine à susciter des vocations. C’est même l’un des métiers français les plus en tension, selon Pôle emploi. Près de 7.000 postes de soudeurs seraient actuellement non pourvus dans les entreprises, notamment dans l’aéronautique, la construction navale, les énergies renouvelables. La faute à un déficit d’image et, surtout, à une « méconnaissance de ce qu’est vraiment un soudeur ».

C’est pour contrer ces handicaps et « mettre en lumière un métier indispensable à notre industrie », que Mehdy Addad a cofondé en 2021 le championnat de France de soudure. Les sélections régionales de la deuxième édition de cette compétition ouverte à tous viennent de débuter. A Vertou, en banlieue nantaise, une quarantaine de candidats ont participé vendredi aux épreuves devant un jury de professionnels. Les mieux notés d’entre eux rejoindront la finale nationale le 26 mai à Vierzon, avec du public.

« Il faut être minutieux, rigoureux, calme »

« Il persiste cette idée que celui qui n’est pas bon à l’école s’orientera vers le soudage. Mais le métier de soudeur demande beaucoup de savoirs. Les missions sont très variées, il faut s’adapter à des environnements complexes, parfois avec beaucoup d’enjeux », explique le coorganisateur. « Un bon soudeur doit avoir de la patience, de la dextérité, une bonne vue aussi », estime Adade Ekue, 16 ans d’expérience. « Il faut être minutieux, rigoureux, calme », confirme Gurvan Cadiou, meilleur apprenti de France en 2022, après avoir présenté une locomotive nécessitant des soudures complexes. Agé de 21 ans, ce Nantais est tombé dans le soudage « un peu par hasard » après une réorientation en Bac pro. Il ne regrette pas. « J’ai un CDI chez EDF, je fais pas mal de déplacements, sur des chantiers intéressants demandant des qualifications précises », apprécie-t-il. Son salaire de débutant est un peu plus élevé que le Smic, « sans compter les primes ».

Gurvan Cadiou, devant la locomotive qui lui a permis d'obtenir le titre de meilleur apprenti de France.
Gurvan Cadiou, devant la locomotive qui lui a permis d'obtenir le titre de meilleur apprenti de France. - F.Brenon/20Minutes

« Personne dans ma famille ne savait en quoi consistait le métier. On me pose beaucoup de questions du coup », sourit le jeune homme. « La France s’est désindustrialisée massivement depuis les années 1970 et ça a laissé des traces. Il est rare qu’un ado déclare à 14 ans qu’il veut être soudeur. Les parents ne poussent pas dans cette voie », observe Marjorie Hazeveld, responsable du « plan soudage » à la direction industrielle d’EDF, partenaire du championnat de France.

« On ne déroge pas avec la sécurité »

Comme Mehdy et Adade, Gurvan n’ignore pas que le métier traîne aussi une mauvaise réputation : dangereux, salissant, pénible… « Ce sont de fausses idées reçues, affirme Mehdy Addad. L’industrie a beaucoup changé. Quand j’ai commencé, il est vrai qu’on était parfois exposés. Mais aujourd’hui, il existe énormément de dispositifs pour protéger les salariés. » « On ne déroge pas avec la sécurité, c’est la priorité, insiste Adade Ekue. Mais c’est vrai que c’est un métier parfois ingrat, qui nécessite d’être en bonne forme. Pour souder certaines pièces, on est obligés de se tordre dans de drôles de positions. » « Quand on travaille en chaîne de production, on fait la même soudure toute la journée. C’est répétitif », ajoute Gurvan Cadiou. « De toute façon, si les conditions de travail sont mauvaises, le salarié ira voir ailleurs. Il a l’embarras du choix compte tenu des besoins », fait remarquer Mehdy Addad.

La pénurie est telle que les entreprises sont obligées de se montrer attrayantes pour attirer les candidats. Quitte à se livrer une certaine « surenchère » sur le salaire ou les avantages. « C’est très facile de trouver un CDI ou de changer d’entreprise en pratiquant l’intérim. On est en position de force. Moi, par exemple, j’aime choisir en fonction des missions proposées », complète Adade Ekue. Même chance de succès pour les plus jeunes. « Celui qui n’a pas trouvé d’employeur dès la fin de sa formation, c’est vraiment qu’il n’a pas cherché », assure le coorganisateur du championnat de France.

Les besoins de recrutement ne devraient pas faiblir ces prochaines années. Chez EDF, un millier de postes seront, par exemple, recherchés d’ici à 2030 dans le seul domaine du nucléaire.