Fake OffDe fausses informations relayées en France après les émeutes au Brésil

Fraude électorale, vote trafiqué, code source… Les fausses infos des partisans de Bolsonaro

Fake OffDepuis de nombreux mois, de fausses informations circulent au Brésil, en particulier au sujet du vote électronique
Les bolsonaristes ont envahi les lieux de pouvoir à Brasilia, le 8 janvier 2023, au Brésil.
Les bolsonaristes ont envahi les lieux de pouvoir à Brasilia, le 8 janvier 2023, au Brésil. - Eduardo F S Lima/Fotoarena/Sipa USA / Fotoarena
Emilie Jehanno

Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Sur les réseaux sociaux francophones, les comptes familiers des propos complotistes ont défendu l’invasion du Palais présidentiel de Planalto, de la Cour suprême et du siège du Congrès le 8 janvier 2023.
  • En première ligne, les théories sur la supposée fraude électorale sont venues appuyer leur propos.
  • 20 Minutes fait le point.

Contrairement aux condamnations politiques, eux ont salué l’invasion des lieux de pouvoir à Brasilia, capitale du Brésil, le 8 janvier. Sur les réseaux sociaux francophones, les comptes relayant habituellement des propos complotistes ont défendu l’invasion du Palais présidentiel de Planalto, de la Cour suprême et du siège du Congrès par les partisans de Jair Bolsonaro, le président sortant d’extrême droite.

En première ligne, les théories sur la fraude électorale sont venues appuyer leur propos, ciblant particulièrement le processus électoral depuis le deuxième tour remporté par Lula, le candidat de la gauche (PT), le 30 octobre et son investiture, qui a eu lieu le 1er janvier. 20 Minutes fait le point.

Les médias n’ont « rien montré de la fraude électorale »

Les posts concernant les allégations de fraude électorale sont (re)devenus viraux en France depuis le 8 janvier, partagés notamment par le youtubeur complotiste Silvano Trotta pour qui les médias n’ont « rien montré de la fraude électorale ». Ils trouvent aussi écho dans les réseaux d’’extrême droite aux Etats-Unis, à travers le trumpiste Steve Bannon. Pourtant, aucune preuve sérieuse de fraude n’a été apportée. Au Brésil, la campagne électorale a, par contre, été empreinte de désinformation, le président sortant criant, comme Donald Trump, à la fraude électorale, sans preuve.



De nombreux messages de désinformation sur cette supposée fraude électorale sont « très proches, voire copiés, de ceux qui ont circulé aux États-Unis » en 2020, souligne, auprès de 20 Minutes, Marcela Duarte, cheffe de produit à Lupa, un site de fact-checking brésilien certifié par l’International Fact-Checking Network (tout comme 20 Minutes). Par exemple, note Lupa, en avril 2022, une fausse étude en anglais est devenue virale, elle prouverait qu’une fraude aurait lieu au premier tour des élections présidentielles, prévu le 2 octobre, en se basant sur la loi de Benford. Cette fausse information avait déjà circulé en 2020 aux États-Unis et été vérifié en France par Libération.

Depuis le deuxième tour, de faux rapports et des interprétations erronées du processus électoral ont continué à être très relayés sur les réseaux sociaux brésiliens. Après l’élection de Lula, le média de fact-checking Lupa a vérifié plus de 20 contenus entre le 30 octobre et le 23 novembre 2022. Ces articles concernent des soupçons infondés de fraude sur des machines à voter électronique et de prétendus achats de voix. Après le résultat de l’élection, « la crédibilité du processus électoral est devenue le principal objet de désinformation », écrivent les journalistes de Lupa.

Le vote électronique, c’est « le doute, la fraude, le chaos »

Comme aux Etats-Unis sous Trump, la fiabilité des votes par voix électronique, en vigueur depuis 1996 au Brésil, a été fortement remise en cause lors de cette élection. En France, Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen, a soutenu que « le vote électronique ou par correspondance, c’est le doute, la fraude, le chaos » aux Etats-Unis et au Brésil, dans un tweet partagé plus de 800 fois depuis le 8 janvier.


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Jair Bolsonaro, lui-même, l’a attaqué à maintes reprises avant le scrutin d’octobre, sans jamais apporter de preuves d’irrégularités. Après la défaite, les soutiens du président d’extrême droite ont continué de promouvoir ces théories, en campant notamment devant les casernes pour demander l’intervention des militaires. En particulier, le PL, parti de Bolsonaro, a demandé en novembre au Tribunal supérieur électoral (TSE) de ne pas prendre en compte 59 % des votes lors des élections de 2022, explique le quotidien Folha de S.Paulo. Cette requête se fondait sur l’idée fausse que les machines à voter antérieures à 2020 ne pouvaient pas être inspectées, souligne Lupa.

Enfin, un rapport de 65 pages sur le système électoral publié le 9 novembre 2022 par le ministère de la défense, a montré « qu’aucune inconsistance » n’avait été relevée dans le résultat issu des urnes électroniques, mais le document affirmait aussi qu’il était impossible d’écarter totalement le risque de fraude et donnait des pistes d’améliorations. Ce qui a déclenché de nouvelles rumeurs.

Envahir les lieux de pouvoir pour accéder au « code source »

« Nous voulons le code source ». Ces images d’une banderole brandie lors de l’invasion des lieux de pouvoir ont été relayées dans les réseaux sociaux francophones par des comptes complotistes. De quoi s’agit-il ? Ce code source, c’est l’ensemble des instructions composant le programme informatique qui permet aux urnes de comptabiliser les votes, sous une forme lisible, telles qu’elles ont été écrites dans un langage de programmation, détaille l’AFP. Il a été ouvert à l’inspection des partis et des organes de contrôle dès octobre 2021, un an avant le scrutin. Mais de fausses informations qui circulent massivement sur les réseaux insinuent qu’il serait tenu secret pour ne pas dévoiler de supposées fraudes.

« Le code source des urnes est mis à disposition et inspecté à des moments précis, au siège du Tribunal supérieur électoral (TSE). Ce n’est pas une donnée qui peut être consultée par le grand public », a expliqué à l’AFP Lucas Lago, ingénieur informatique co-auteur de deux rapports sur le système électoral brésilien. S’il reconnaît que l’accès à ce code pourrait être facilité, ce spécialiste affirme que « c’est un mensonge de dire que le code est tenu secret ».

Lula a gagné « par magie » 12,8 millions de votes entre 2017 et 2022

La fraude au Brésil se prouverait par l’apparition de 12,8 millions d’électeurs supplémentaires en faveur de Lula, d’après un tweet viral, partagé plus de 1.000 fois, s’appuyant sur un graphique attribué au quotidien espagnol El Pais.


Capture d'écran d'un tweet interprétant de manière erronée le nombre de votants supplémentaires.
Capture d'écran d'un tweet interprétant de manière erronée le nombre de votants supplémentaires. - Capture d'écran/Twitter

Cette interprétation erronée des données n’a pas été partagée en langue portugaise, nous indique Lupa et ne fait pas partie des affirmations relayées au Brésil. Les résultats (donnés à 99,2 %) dans le graphique paraissent corrects : en 2022, Lula a, au final, gagné le deuxième tour avec 60,3 millions votes et Bolsonaro perdu avec 58,2 millions de votes, comme en attestent les résultats officiels publiés sur le site de la Cour électorale.

Mais Lula n’était pas candidat de la gauche en 2017, il s’agissait de Fernando Haddad, « un candidat beaucoup moins connu que Lula », souligne Marcela Duarte, cheffe de produit du site de fact-checking Lupa. Le candidat du PT d’alors avait perdu avec 47 millions de voix contre 57,7 millions de voix pour Bolsonaro.

Par ailleurs, autre point à prendre compte : « un nombre record de personnes pouvaient voter lors de cette élection », précise Marcela Duarte, avec 9,1 millions d’électeurs en plus qu’en 2018, indiquait en juillet le Tribunal supérieur électoral. Au total, 156,4 millions d’électeurs pouvaient voter en 2022. Et « la gauche a mené une très importante campagne pour appeler les électeurs à aller voter, dont les jeunes », ajoute-t-elle.