FOOTBALLLe Graët forcé de se retirer pour éviter « une destitution humiliante » ?

Affaire Le Graët-Zidane : « Il ne va pas risquer une destitution humiliante »… Le Graët proche d’acter sa défaite ?

FOOTBALLNoël Le Graët, le président de la Fédération française de football, semble totalement isolé alors qu’une réunion d’urgence est prévue mercredi par le Comex de la FFF
Noël Le Graët était entendu mardi dans le cadre de l'audit interne lancé par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra.
Noël Le Graët était entendu mardi dans le cadre de l'audit interne lancé par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra.  - AFP / AFP
Aymeric Le Gall

Aymeric Le Gall

L'essentiel

  • Isolé depuis son passage radio à RMC et ses propos sur Zidane, dimanche soir, Noël Le Graët n’a jamais été aussi proche de devoir jeter l’éponge.
  • Sous la pression de la ministre des Sports, le comité exécutif de la FFF a prévu de se réunir en urgence ce mercredi afin de faire le point sur l’affaire Le Graët.
  • Celui-ci pourrait être amené à démissionner afin d’éviter l’humiliation d’une destitution par l’assemblée fédérale de la fédération.

La ministre des Sports en a rêvé, le Comex l’a fait. Enfin presque. Sommé de régler le compte de Noël Le Graët, empêtré depuis dimanche dans une tornade d’emmerdes depuis ses propos sacrilèges contre le divin chauve, le comité exécutif de la Fédération française de football a décidé de se réunir en urgence mercredi matin pour tenter d’écoper le navire FFF qui prend l’eau de toutes parts. Ce Comex, organe décisionnaire de la FFF composé de douze membres élus sur la liste de Noël Le Graët en mars 2021 (+ deux membres de droit, Vincent Labrune et Vincent Nolorgues, respectivement président de la LFP et de la Ligue du foot amateur) avait jusqu’ici la réputation de ne jamais lever une oreille face à la toute-puissance du big boss.



Mais l’ampleur du scandale de dimanche aura eu raison de leur torpeur. Chaudement invités dès lundi soir par Amélie Oudéa-Castéra à « prendre leurs responsabilités », les membres du Comex ont réussi à convaincre Noël Le Graët de la nécessité de se réunir en urgence. Outre les propos sur Zidane, il sera aussi question de la prolongation de Didier Deschamps au poste de sélectionneur de l’équipe de France, décision prise unilatéralement par NLG et annoncée directement lors de l’assemblée générale de la FFF, sans même avoir pris la peine d’en informer les membres du Comex qu’il avait pourtant réunis la veille.

« Ça aurait été bien de les aviser en amont de l’assemblée, nous glisse un ancien de la fédé. Là, ils ont eu l’impression d’être mis devant le fait accompli ». Ce Comex extraordinaire sera donc l’occasion de se dire les choses les yeux dans les yeux. Toutefois, l’enjeu central est ailleurs : si le ministère des Sports n’a pas le pouvoir de destituer un président de Fédération, il a clairement fait savoir par la voix d’Amélie Oudéa-Castéra que c’est bien ce qu’il attendait des treize membres du comité, ces « personnalités qui ont fait preuve de leur sens des responsabilités » dixit la ministre.

Le Graët face au Comex, la grande explication

Peut-on dès lors imaginer la démission d’un Noël Le Graët ramené à la raison par ses collaborateurs au terme de cette réunion extraordinaire ? Tout dépendra de lui à en croire Eric Borghini, actuel président de la Ligue de Méditerranée et membre du comex depuis 2012. « On va faire le point quand tout sera sur la table. Le président, qui est un grand dirigeant du football français depuis cinquante ans, prendra ses responsabilités. Il analysera la situation et il saura, sans même qu’on lui dise et qu’on lui tienne la main, ce qu’il y a à faire », nous a-t-il confié mardi.

« Ça fait un moment que j’ai perdu le mode d’emploi de Noël Le Graët, mais je ne l’imagine pas continuer, nous confie un ancien de la maison FFF. Je l’imagine avoir un débat interne avec son Comex pour savoir dans quelles conditions il arrête, comment et ce qu’on met en place derrière pour faire en sorte que les choses se passent le mieux possible. Je ne le vois pas s’entêter à son poste et risquer une destitution humiliante après convocation d’une assemblée extraordinaire. » »

On demande à voir, néanmoins : la plupart des 300 grands électeurs issus en majorité du monde amateur (présidents de Ligue et de districts notamment) qui ont réélu triomphalement le bonhomme l’an passé, semble, d’après nos premières explorations, toujours acquise à la cause de Le Graët, dont les résultats financiers et économiques sont indéniablement positifs.

« La situation de la FFF n’a jamais été aussi florissante qu’aujourd’hui, assure Borghini Le président a décidé que 104 millions d’euros, soit 38 % du budget de la Fédération, seraient dédié au football amateur. C’est du jamais vu et nous sommes la première fédération en Europe à faire autant pour son secteur amateur. Ce serait extraordinaire qu’avec des résultats aussi exceptionnels, on convoque une assemblée fédérale extraordinaire pour révoquer le Comex, qui est quand même comptable avec le président de tous ces bons résultats ! ».

Pas de décision avant la fin de l’audit ?

Tout devrait donc se jouer en comité restreint du Comité exécutif, où les acteurs semblaient encore divisés mardi, certains n'étant pas forcément chauds à l’idée de se plier aux injonctions d’Amélie Oudéa-Castéra. « Je ne suis pas prêt à prendre des leçons d’un ministre, franchement, nous glisse l’un d’entre eux en off. Qu’elle gère son ministère… Si elle n’est pas contente, elle nous retire la délégation et puis c’est tout… Elle a ce pouvoir-là. » Si le ton est sec, il y a des chances pour que la majorité des membres cherche tout de même à suivre la ligne du ministère. Reste à savoir à quelle échéance.

« Je ne pense pas que ça bougera avant que les conclusions de l’audit lancé par le ministère des Sports soient connues, précise un ancien membre fédéral. Ça me paraît difficile de faire une analyse de la situation sur le seul fondement de propos tenus sur Zidane. Il y a une démarche structurelle qui a été mise en place par le ministère, à raison, et ça me paraîtrait pour le coup assez grave qu’il y ait de grandes décisions qui soient prises avant que la lumière soit faite sur les faits. »

En cas de démission du président de la 3F, les membres du Comex resteraient alors en poste et Philippe Diallo prendrait l’intérim jusqu’à ce que de nouvelles élections soient organisées. Si tout cela n’est pour l’heure que pur conjecture - quoi que l’on voit difficilement quelle autre issue pourrait prendre ce dossier chaud bouillant – il est délicat d’imaginer l’ampleur du chambardement à venir. S’agira-t-il simplement de faire sauter l’encombrant fusible NLG ou assistera-t-on dans les semaines à venir à un véritable ménage au sein d’une Fédé empêtrée dans une guerre de clans (Le Graët vs Hardouin) et dont les dysfonctionnements n’ont cessé de s’accentuer avec le temps ?

« Une ambiance de 1793 à la fédé »

C’est le scénario dit « conservateur » que craint notre spécialiste des arcanes fédérales. « Le risque c’est d’avoir un intérim du vice-président qui décide qu’il faut absolument tout maintenir en l’état parce que, finalement, à part papy qui yoyotait au sommet de la pyramide, tout allait bien à la fédé. Et que finalement on ne fasse que recréer, sans les outrances du président, un système dont le fonctionnement est depuis longtemps délétère avec une confiscation du pouvoir par le seul duo Le Graët/Hardouin et une mise au pas du Comex ». Pour cela, toujours selon cet ancien haut responsable fédéral, pas besoin d’une grande réforme du système de gouvernance, dont les outils sont là pour faire tourner la machine de manière plus démocratique, mais plutôt d’un changement de personnel.

Mais alors que la directrice générale Florence Hardouin s’active actuellement en coulisses pour faire sauter son patron, elle espère quant à elle passer à travers les gouttes, bien qu’également visée par l’audit du ministère. « Il règne actuellement une ambiance de 1793 à la fédé, conclut notre source. La guillotine est sortie mais on ne sait pas encore sur qui elle va tomber. Je sais que Florence Hardouin est à la manœuvre, et elle le fait pas mal en règle générale, mais son crédit est quand même très, très usé. Clairement, si elle n’a pas de protection ministérielle, je ne vois pas comment elle pourrait ne pas être emportée dans le tourbillon ». Le jeu de dominos est en place, il n’y a plus qu’à lui donner un petit élan de l’index.