SatellisationLancer une fusée depuis un avion, idée d’avenir après l’échec britannique ?

Espace : Que retenir de l’échec d’une mission spatiale britannique, qui devait lancer des satellites depuis un avion ?

SatellisationC’est le deuxième échec de « LauncherOne » en six missions, mais la technologie a de l’avenir pour les petits satellites
L'avion de Virgin Atlantic « Cosmic Girl » devait lancer la fusée « LauncherOne », chargée de neuf petits satellites.
L'avion de Virgin Atlantic « Cosmic Girl » devait lancer la fusée « LauncherOne », chargée de neuf petits satellites. - /AP/SIPA / SIPA
Xavier Regnier

Xavier Regnier

L'essentiel

  • Mardi, la mission spatiale Start me up, associant l’agence spatiale britannique, Virgin Orbit et le Spaceport des Cornouailles, s’est soldée par un échec.
  • Le but était de mettre en orbite neuf petits satellites de sociétés privées, à partir d’une fusée LauncherOne lancée depuis un avion plutôt que depuis le sol. Si la première phase s’est déroulée normalement, la fusée n’a finalement jamais atteint l’orbite prévue.
  • Malgré cet échec, le deuxième en six vols pour le LauncherOne de Virgin Orbit, ce genre de lancement pourrait se multiplier à l’avenir pour Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’espace de Toulouse, grâce à des avantages non négligeables pour les petits satellites.

Vu de notre côté de la Manche, un raté britannique ça fait toujours un peu plaisir. Surtout que l’idée de lancer une fusée depuis un avion peut sembler, pour un œil amateur, pour le moins curieux. Mais, si la mission Start me up (une délicieuse double référence au tube des Rolling Stones et à la start-up nation) s’est soldée par un échec, la fusée n’ayant jamais atteint son orbite, la société Virgin Orbit, fournisseuse de l’avion Cosmic Girl et de la fusée LauncherOne, l’agence spatiale britannique et le Spaceport des Cornouailles ont immédiatement annoncé de nouveaux essais.

Alors que retenir de cet essai ? Pourquoi le Royaume-Uni a tenté de lancer des satellites depuis un avion ? Cette méthode va-t-elle concurrencer les fusées traditionnelles ? 20 Minutes s’est penché sur la question avec Olivier Sanguy, responsable de l’actualité spatiale à la Cité de l’espace de Toulouse.

D’où vient cette mission spatiale britannique ?

Pour être honnête avec Cosmic Girl, du nom de baptême du Boeing 747 employé par Virgin Orbit, ce n’est pas la première mission du genre. « C’est la sixième mission de ce lanceur, mais la première depuis le sol britannique », détaille Olivier Sanguy, précisant que la toute première s’était aussi soldée par un échec en mai 2020. Pas génial niveau fiabilité. Privé d’accès à Baïkonour depuis le début de la guerre en Ukraine, le Royaume-Uni ne peut compter que sur ses alliés européens et américains pour lancer de nouveaux satellites. Problème pour les lanceurs côté ESA : à la suite d’un problème technique, « Vega C ne peut pas voler pour plusieurs mois, et le vol inaugural d’Ariane 6 n’est prévu que fin 2023 ».

Londres s’est donc tourné vers la proposition de Virgin Cosmic, « qui appartient au même groupe que Virgin galactic, qui devait être précurseur en matière de tourisme spatial ». Depuis un aéroport des Cornouailles, à la pointe ouest de l’île, spécialement modifié pour l’occasion, Cosmic Girl a pris son envol. « C’est un succès pour les installations au sol et l’avion qui fait office de premier étage », souligne Olivier Sanguy. Mais c’est avec le lanceur LauncherOne qu’un problème a été rencontré. « On ne sait pas encore ce qu’il s’est passé, le communiqué est assez flou. » Virgin avait d’ailleurs indiqué dans un premier tweet que l’opération était un succès. Mais « la fusée n’a jamais atteint l’orbite », explique le Toulousain. « Le deuxième étage filait au-dessus de la mer à 17.700 km/h, il manquait encore 11.000 km/h. » Et quand ça explose à cette vitesse, « il n’y a rien à sauver ».

Pourquoi lancer une fusée depuis un avion ?

« Ce n’est pas nouveau les lancements aéroportés », commence Olivier Sanguy, notant d’abord un « avantage de réduction des coûts ». Des lanceurs classiques perdus au premier emploi au Falcon 9 de SpaceX, qui compte 15 vols, « un record », la réemployabilité est un grand problème du secteur spatial. Or, « les avions sont conçus pour faire plusieurs centaines de vols », faisant office de premier étage très facile à réutiliser. « Le deuxième avantage, c’est la flexibilité. Là où un lanceur classique demande une infrastructure lourde, il n’y a pas besoin de pas de tir » avec l’avion.

Exit donc les kilomètres carrés de désert, la dalle en béton et l’architecture métallique, un aéroport fermé suffit. « Il faut quand même assurer la préparation du lanceur et des satellites au sol, avec des salles blanches », mais dans l’idée, « on peut transformer un lieu qui n’est pas fait pour ça en base de lancement ». Plus besoin donc d’avoir un océan ou un désert à l’est du pas de tir, « pour éviter que la fusée retombe sur des populations civiles », puisqu’on peut l’amener au-dessus de l’océan en avion. D’où un lancement depuis les Cornouailles, à l’ouest du Royaume-Uni. Selon Olivier Sanguy, Virgin Orbit souhaite aussi vendre sa licence au Japon et au Brésil.

A long terme, ce genre de technologie peut-il compter dans la souveraineté spatiale ?

Impossible toutefois de comparer le LauncherOne, fixé sous l’aile d’un Boeing 747, à une fusée comme Ariane 6. La mission Start me up embarquait neuf petits satellites de sociétés privées, et LauncherOne n’a une capacité que de 300 à 500 kg, quand les plus gros satellites dépassent allègrement la tonne. « Il y a un enjeu commercial avant tout, avec une prestation plus adaptée au marché des petits satellites qui étaient des passagers secondaires de plus grosses missions », et devaient parfois attendre plusieurs mois ou se retrouver sur une trajectoire pas idéale, analyse Olivier Sanguy.



« En matière de souveraineté stratégique, on reste sur des gros satellites », continue-t-il. Néanmoins, l’enjeu d’indépendance et d’attractivité commerciale n’est pas négligé par les pays européens. « C’est un enjeu plus prévu que prégnant, on est dans la prospective. C’est pour ça qu’en France et en Allemagne on encourage des start-up à créer des micros lanceurs. » La miniaturisation permet néanmoins de développer les petits satellites et d’en diversifier les fonctions : relais de communication, observation ponctuelle de la Terre, voire « mission scientifique, comme la surveillance des glaces flottantes ». « L’aspect commercial est très présent dans ce marché pour l’instant, beaucoup plus que les intérêts gouvernementaux », conclut l’expert.