Décrochage scolaireCes collégiens « extraordinaires » se transforment en entrepreneurs

Rennes : Des collégiens « extraordinaires » deviennent entrepreneurs pour ne pas décrocher

Décrochage scolairePilotée par l’association Entreprendre pour apprendre, la création d’une mini-entreprise permet d’aborder les enseignements différemment
Léana (à gauche) et Juliette font partie des collégiens de Rennes qui participent au programme de mini-entreprise lancé par l'association Entreprendre pour apprendre pour lutter contre le décrochage scolaire.
Léana (à gauche) et Juliette font partie des collégiens de Rennes qui participent au programme de mini-entreprise lancé par l'association Entreprendre pour apprendre pour lutter contre le décrochage scolaire. - C. Allain/20 Minutes / 20 Minutes
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • Pour lutter contre le décrochage scolaire, l'association Entreprendre pour apprendre invite à la création de mini-entreprises.
  • Au collège de Cleunay, à Rennes, c'est au sein du dispositif ULIS que le projet est né.
  • Ces collégiens ont pour ambition de créer une balle antistress avec des odeurs. Un objet qui leur permettrait d'évacuer leur peur d'aller au tableau.

«Au début, personne n’aimait ce projet. On ne faisait qu’écrire, c’était long ». En voyant Jonathan s’exprimer avec tant d’aisance face à un parterre d’adultes, on est bien loin d’imaginer que l’adolescent était encore pétri de peur à l’idée d’aller au tableau il y a quelques mois. Scolarisé au sein du dispositif ULIS du collège de Cleunay, à Rennes (Ille-et-Vilaine), le jeune homme de presque 15 ans participe depuis quelques mois à un projet de « mini-entreprise ». Avec ses camarades, l’élève de 4e a imaginé une balle antistress teintée d’odeurs. Un projet qu’ils vont porter toute l’année et dont ils doivent aborder tous les aspects : comment la fabriquer, puis la financer, avec quels matériaux et quel impact sur la planète… Cette idée, ce sont les élèves qui l’ont eue en se mettant autour d’une table pour parler de leurs craintes. « Pour nous tous, le gros stress, c’était d’aller au tableau, c’est ça qui nous dérange. Cette balle, ça pourrait nous permettre de nous détendre, ça pourrait être utile à d’autres aussi », explique Léana, inscrite en 4e à Cleunay.

L’adolescente, comme plusieurs autres élèves du collège, profite du dispositif ULIS. Ces unités localisées pour l’inclusion scolaire sont ouvertes aux élèves présentant un handicap mental, auditif, visuel ou moteur. « Je les appelle mes extraordinaires », glisse leur enseignante Marie Blais dans un sourire. Chaque jour, elle accueille dans sa classe une douzaine d’élèves de la 6e à la 3e pour leur offrir un enseignement adapté au parcours de chacun. Un formidable moyen d’inclusion qui permet de lutter contre le décrochage scolaire, qui concerne 90.000 jeunes Français chaque année.

« Moi, je préfère être devant des grandes personnes »

Quand ils ne sont pas en ULIS, ces élèves sont scolarisés en milieu « ordinaire ». Un excellent moyen pour lutter contre la stigmatisation même si la vie n’est pas simple tous les jours dans ce monde qui va si vite. « Moi, je préfère être devant des grandes personnes. Quand on parle devant la classe, ils sont trop excités. Au moindre truc, ils vont rigoler », témoigne Chaïka, 13 ans.

En quelques mois, cette adolescente au large sourire a trouvé dans ce projet de mini-entreprise un moyen de s’épanouir et de travailler en groupe. « Et sans se chamailler », rigole Jonathan. Ce projet lancé fin 2022 vise à faire découvrir le monde de l’entreprise aux plus jeunes. En imaginant leur balle antistress, ces élèves prennent peu à peu conscience de l’utilité de leurs cours au collège pour leur avenir. « Quand on aborde les finances, on fait des maths. Quand ils préparent leur présentation, on fait du français. Quand ils font leur affiche, c’est encore du français », explique leur enseignante. Un moyen d’apprendre autrement pour tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le schéma classique de l’Éducation nationale.

Bientôt 500 projets de mini-entreprises en Bretagne

Les élèves d’ULIS du collège de Cleunay ne sont pas les seuls à profiter de ce programme pédagogique. Piloté par l’association Entreprendre pour apprendre, il devrait même être de plus en plus visible dans les établissements de Bretagne. « Notre objectif, c’est de doubler nos moyens pour tripler le nombre de projets et passer à 500 classes accompagnées », assure Gaël Le Bohec, président de l’antenne bretonne d’Entreprendre pour apprendre et ancien député. En partie financée par la fondation AlphaOmega, l’association tente de lutter contre le décrochage scolaire en proposant des méthodes d’apprentissage alternatives qui passent notamment par le petit entreprenariat. L’objectif : permettre à l’élève de prendre conscience de son potentiel. « En France, il y a 20 % des élèves pour qui l’école marche mal. Il faut multiplier les actions de ces associations qui travaillent aux côtés de l’école pour leur redonner goût à l’apprentissage », estime Elisabeth Elkrief, présidente de la fondation.

Après avoir présenté leur projet devant le rectorat et la presse, les élèves du collège de Cleunay doivent désormais le dévoiler à l’infirmière de l’établissement pour recueillir son avis et ses conseils. Encore une occasion pour eux de braver leur peur et de se préparer à la dure vie d’adulte. « Au début, j’étais stressé, j’avais peur. Mais quand je vois ce qu’on a fait, je suis fier de nous ». Une chose est sûre. La mini-entreprise a déjà permis à Jonathan de s’émanciper.