Coûts artisanaux (3/5)Les kébabiers prêts à « raccrocher » la broche face au coût de l’énergie

Crise de l’énergie : « Tous les jours, je pense raccrocher », déplore un kébabier

Coûts artisanaux (3/5)L’explosion des prix de l’électricité et du gaz met en difficulté de nombreuses professions. Chez les artisans, si l’on a beaucoup parlé des boulangers, ils ne sont cependant pas les seuls à souffrir. A Lille, c’est le cas des restaurants de kebabs
Un kebab, lauréat du trophée du meilleur kebab de France. (Illustration)
Un kebab, lauréat du trophée du meilleur kebab de France. (Illustration) - F.Launay/20 Minutes / 20 Minutes
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Le 23 janvier, les boulangers seront dans la rue pour exprimer leur inquiétude ou leur colère face à la hausse des prix de l’énergie.
  • D’autres artisans sont aussi victimes de factures salées d’électricité ou de gaz. 20 Minutes est allé à leur rencontre.
  • A Lille, les restos de street food, qu’ils soient reconnus, récemment ouverts ou en phase d’implantation, subissent chacun à sa manière.

Les boulangers ont été le fer de lance du ras-le-bol des artisans qui subissent de plein fouet l’explosion des prix de l’énergie. Dans leur sillage, de nombreuses autres professions ont crié leur détresse. Garagistes, souffleurs de verre, bouchers, restaurateurs… Tous ont vu les montants de leurs factures d’électricité ou de gaz alourdis de plusieurs zéros. Très à la mode, le secteur de la street-food n’est pourtant pas épargné, notamment à Lille, où les artisans kébabiers regardent leurs broches tourner avec inquiétude.

Il a eu beau être sacré meilleur kebab de France à trois reprises, Daniel Nouri, le patron du Pacha, à Saint-André, n’est pas serein : « J’en suis à payer 2.800 euros tous les deux mois. Et encore, j’ai un contrat gaz de ville au prix bloqué pendant encore un an », explique-t-il. Et après ? « Si ça augmente encore, ça va être compliqué. On ne sait pas si on sera toujours là », reconnaît-il.

« On vit une période infernale »

Simon Thieffry, patron du Tummy, n’imaginait pas ce qui allait lui tomber sur la tête en ouvrant son établissement il y a un peu plus d’un an, boulevard Jean-Lebas, à Lille : « Après les travaux et la mise aux normes, c’était déjà 60.000 euros de plus hors prévision. Ajoutez à cela toutes les augmentations, des matières premières, de l’énergie, on vit une période infernale », souffle le jeune entrepreneur de 32 ans. Lui, c’est par quatre que sa facture énergétique a été multipliée, passant de 300 à plus de 1.000 euros par mois.



Pour ces artisans, les leviers sont peu nombreux pour absorber les hausses de charges. « J’ai tout fait pour maintenir mes prix. Je ne me paye pas, je cherche des produits qui permettent de mieux marger, précise le gérant du Tummy. Sauf que ça ne suffit pas. » Et plutôt que de gratter sur les quantités servies, Simon Thieffry se résout à augmenter ses tarifs.

« Le coût de la marche arrière est trop important »

« Nous ne sommes pas des commerçants indépendants, mais le restaurant en tant que tel est impacté au même titre que tout le monde », assure Jean Ponteville, directeur technique du groupe Berliner. La chaîne de restaurants kebab doit ouvrir, samedi, un établissement sur la Grand-place de Lille : « On a planifié une ouverture, on a signé un bail, on a fait un dépôt de permis de construire. Le coût de la marche arrière est trop important alors, cette hausse des prix de l’énergie, on la subit », reconnaît-il.

L’avantage du Berliner, c’est justement qu’il n’est pas encore ouvert. Du coup, ses leviers d’action sont plus nombreux : « On retravaille le dimensionnement ou la quantité des équipements pour optimiser la consommation électrique, on installe du matériel moins énergivore et on joue aussi sur l’organisation, comme limiter les temps d’utilisation », explique le directeur technique.


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Pour ces trois restaurants, qu’ils soient déjà dans la tempête ou qu’ils s’apprêtent à y entrer, la pire des choses demeure l’incertitude. « Les prix d’aujourd’hui ne seront pas automatiquement les prix de demain, c’est ça qui est difficile à appréhender », estime Jean Ponteville. « J’attends de voir », lance, pragmatique, le patron du Pacha. « Tous les jours je pense à raccrocher, reconnaît Simon Thieffry. Puis je me rappelle les moments trop cool quand le resto est rempli et je me dis que ça va le faire. »