ASSAUTComment les « bolsonaristes » se sont organisés sur les réseaux sociaux

Brésil : Comment les « bolsonaristes » se sont organisés sur les réseaux sociaux

ASSAUTDes milliers de partisans du président sortant brésilien, Jair Bolsonaro, ont envahi les lieux de pouvoir à Brasilia, ce dimanche
Dimanche, des centaines de partisans de l'ancien président Jair Bolsonaro ont envahi le Congrès brésilien à Brasilia.
Dimanche, des centaines de partisans de l'ancien président Jair Bolsonaro ont envahi le Congrès brésilien à Brasilia.  - Ton Molina/Fotoarena/Sipa USA / SIPA
Manon Aublanc

Manon Aublanc

L'essentiel

  • Dimanche 8 janvier, des milliers de soutiens de l’ancien président brésilien, Jair Bolsonaro, ont envahi le Congrès, le palais présidentiel et la Cour suprême à Brasilia, pour protester contre l’élection de Lula.
  • Un assaut qui intervient deux ans, quasiment jour pour jour, après celui du Capitole, aux Etats-Unis, par les soutiens de Donald Trump.
  • Comme leurs homologues américains, les bolsonaristes ont organisé leur tentative d’insurrection plusieurs jours avant sur les réseaux sociaux.

Il y avait comme un air de déjà-vu, ce dimanche, à Brasilia, la capitale brésilienne, quand les partisans de Jair Bolsonaro ont envahi les lieux de pouvoirs. Il a deux ans, quasiment jour pour jour, le 6 janvier 2021, des milliers de militants de Donald Trump s’étaient rassemblés devant le Capitole, à Washington, pour contester le résultat de l’élection présidentielle. Une centaine d’entre eux s’étaient introduits dans le bâtiment, donnant lieu à des images violentes, devenues historiques.

Ce 8 janvier 2023, ce sont des milliers de défenseurs du président sortant brésilien qui ont pénétré dans le Congrès, le palais présidentiel et la Cour suprême, mécontents du résultat de l’élection présidentielle qui a porté Lula au pouvoir. Il a fallu plus de quatre heures aux forces de l’ordre brésiliennes pour reprendre le contrôle de l’ensemble des édifices gouvernementaux. Pourtant, plusieurs jours avant l’assaut, des signes d’insurrection étaient déjà perceptibles sur les réseaux sociaux.

Un « Stop the steal » à la brésilienne

Dès le mardi 3 janvier, et jusqu’au samedi 7 janvier, des publications appelant à assurer « la liberté et la démocratie », « à défendre le pays de la menace communiste », et à « prendre le pouvoir » avaient été postées par les partisans de Jair Bolsonaro sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, TikTok et Instagram, rapporte le site de fact-checking brésilien Aos Fatos.

Sur la messagerie instantanée WhatsApp, une série de messages conviant « les camionneurs, les agriculteurs, les propriétaires d’armes » à « déterrer tous les rats qui ont pris le pouvoir », ajoutent nos confrères. Sur Kwai, un réseau social de partage de vidéos très populaire au Brésil, une vidéo invitant les soutiens de l’ancien président à une « action de masse » pour arrêter le pays et prendre d’assaut le Congrès comptait plus de 10.000 vues, dimanche soir, complète Aos Fatos.

Du côté de Twitter, plus de 10.000 comptes ont partagé, entre vendredi 6 et dimanche 8 janvier, l’expression « Festa da Selma » - une combinaison du mot « selva », utilisé par l’armée brésilienne et modifié délibérément, signifiant « cri de guerre », et « festa » signifiant fête –, un nom de code pour mobiliser les pro-Bolsonaros, selon Arcelino Silva Neto, chercheur à l’université de Sao Paulo.

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Une expression qui n’est pas sans rappeler le slogan des trumpistes, « Stop the steal » - qui se traduit par « Arrêtez le vol (de l’élection) », apparu juste après l’élection de Donald Trump et partagé massivement sur les réseaux sociaux. Et pour cause, comme leurs homologues américains à l’époque, les soutiens de Jair Bolsonaro affirment que l’élection présidentielle brésilienne a été truquée.

#BrazilianSpring

Mais l’expression « Festa da Selma » n’est pas la seule à avoir été massivement partagée. Le hashtag #BrazilianSpring - un parallèle avec le Printemps arabe, le mouvement de contestations populaires contre les régimes autoritaires qui a touché de nombreux pays du monde arabe à partir des années 2010 - est revenu fréquemment sur Twitter. Selon le site brésilien d’investigation Pública, l’expression a été lancée en novembre 2022, peu après la défaite de Jair Bolsonaro, par Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, sous-entendant une fraude électorale.

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Mais plus que des mots d’ordre, ce sont surtout des « consignes pratiques », échangées sur les plateformes de messageries instantanées, qui ont permis aux partisans de Jair Bolsonaro de coordonner leur tentative d’insurrection. Plans de la capitale brésilienne, itinéraires, points de rendez-vous ou encore conseils… Selon plusieurs médias brésiliens, ces informations ont notamment été échangées sur des groupes pro-Bolsonaro de Telegram et de WhatsApp. Des bus, renommés « caravanes de la liberté », ont même été mis à disposition pour acheminer les manifestants d’au moins six régions du Brésil dans la capitale, selon les captures d’écrans réalisées et partagées par nos confrères brésiliens.

Fin de l’antenne brésilienne de Twitter

Pourtant, il y a deux ans, lors de l’assaut du Capitole, les réseaux sociaux avaient été largement critiqués pour leur inaction. Certains avaient promis une surveillance accrue à l’avenir, d’autres une modération renforcée ou encore, comme pour Twitter, la suppression de certains comptes. Quelques jours après les violences, le compte Twitter de Donald Trump avait même été suspendu. Mais alors que s’est-il passé ? Il faut dire que du côté de Twitter, depuis qu’Elon Musk a racheté le réseau social fin 2022, le nouveau PDG a supprimé l’intégralité du personnel de modération, mais aussi tous les salariés de son antenne au Brésil, selon nos confrères du Washington Post.

Certaines plateformes ont d’ores et déjà réagi. Lundi, le groupe Meta, propriétaire de Facebook, a affirmé avoir supprimé de ses réseaux sociaux du contenu soutenant ou faisant l’apologie des événements au Brésil. « En amont des élections, nous avions désigné le Brésil comme un lieu à haut risque provisoire et avons supprimé les contenus appelant les gens à prendre les armes ou à envahir par la force le Congrès, le palais présidentiel et d’autres bâtiments fédéraux », a déclaré un porte-parole de Meta, ajoutant que le réseau social supprimerait aussi « les contenus qui soutiennent ou louent ces actions ».

Du côté de YouTube, la plateforme a affirmé qu’elle « suivait de près » la situation au Brésil. « Notre équipe de confiance et de sécurité supprime le contenu qui enfreint nos directives communautaires, y compris les diffusions en direct et les vidéos incitant à la violence », a fait savoir un porte-parole.