PROCESUn adolescent jugé pour avoir tué le père d’un ami à sa demande

Var : Un adolescent jugé pour avoir tué le père d’un ami à sa demande

PROCESLe 24 avril 2020, un homme a été tué à son domicile à Draguignan dans le Var. Son fils a été condamné pour en avoir été le commanditaire, un de ses amis est jugé, à partir de ce lundi, pour le meurtre
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justice illustration - Ezequiel_Octaviano  / Pixabay
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Le 24 avril 2020, un homme a été tué à son domicile d’une balle dans la tête dans un quartier aisé de Draguignan dans le Var.
  • Le fils de la victime a été déjà condamné dans cette affaire. Il est accusé d’avoir commandité ce meurtre alors qu’il n’avait que 15 ans, contre une importante somme d’argent issue de l’héritage de son père.
  • Ce lundi, c’est au tour du tireur présumé de comparaître devant la cour d’assises des mineurs du Var. L’adolescent, amoureux du fils de la victime, était âgé de 17 ans au moment des faits.

Un homme tué à la demande de son propre fils, par son amoureux secret, sur fond d’héritage, dans une villa cossue de Draguignan. Ce lundi, la cour d’assises des mineurs du Var se penche sur le meurtre d’un quinquagénaire survenu en avril 2020, commandité par son adolescent alors âgé de 15 ans. 20 Minutes revient sur cette audience jugée à huis clos.

Quels sont les faits ?

Le 24 avril 2020, les policiers se rendent dans une grande villa du quartier chic des Teissonnières à Draguignan, à la demande du jeune Liam*, alors âgé de 15 ans. La France est alors en plein confinement. Dans le garage de la maison familiale, les forces de l’ordre retrouvent sur un vélo d’appartement le père de l’adolescent, mort d’une balle dans la tête. La victime, âgée d’une cinquantaine d’années, vivait dans cette maison cossue avec son fils et sa nouvelle compagne. Il était également propriétaire de plusieurs autres biens immobiliers.

Interrogé par les enquêteurs, le jeune Liam explique avoir entendu un coup de feu et avoir tenté ensuite de prendre la fuite. Peu convaincus par ces déclarations, les policiers décident de placer l’adolescent en garde à vue. Et lors des fouilles de sécurité, les forces de l’ordre vont faire une découverte pour le moins inattendue. Dans la poche du pantalon du garçon se trouve une lettre manuscrite, écrite à l’encre rouge, indiquant : « Si vous le tues, je avais la maison et tout le reste ». Une lettre signée par l’adolescent lui-même. Peu après les faits, la compagne de la victime retrouve dans la chambre de son beau-fils une autre feuille de papier, avec un message : « Si vous le tuer, vous avez 2.000 euros et y aura pas de problèmes avec les condés, vous inquietter pas mais je veux qu’il soit mort ».

Interrogé, un voisin atteste avoir aperçu Liam. en compagnie d’un autre adolescent le jour des faits. Ce dernier, Jason*, est rapidement identifié par les forces de l’ordre et arrêté. Devant les enquêteurs, Jason, alors âgé de 17 ans, avoue aux enquêteurs le lendemain de l’assassinat avoir tué le père de Liam à sa demande.

Quel est le mobile du fils de la victime ?

Au moment des faits, Liam vit avec son père depuis trois ans. Ses parents se sont séparés alors qu’il n’avait que six mois. D’abord confié à sa mère, le jeune homme vit avec son père en raison d’une adolescence difficile et rebelle. Les enquêteurs découvrent que, depuis près d’un an, l’adolescent avait démarché plusieurs commanditaires dans son entourage pour tuer son père contre une importante somme d’argent, contrat à l’appui, mais sans que la démarche jamais n’aboutisse.

Liam évoque pour la première fois son plan à Jason le jour de l’annonce du confinement par Emmanuel Macron. Il affirme être victime de violences de la part de son père, ce que ses proches démentent. Liam promet à Jason 230.000 euros en guise de récompense, soit la moitié du prix de la maison auquel son père projetait de la vendre. Liam fournit par ailleurs à Jason le revolver qui se trouve au domicile familial.

« Plusieurs mobiles ont été alternativement avancés par le mis en examen, des violences de la part du père ou encore l’appât du gain dans la perspective de l’héritage », peut-on lire dans l’ordonnance de mise en accusation. Interrogée par les enquêteurs, la belle-mère de Liam souligne la vénalité de l’adolescent, qui affirmait à ses proches imaginer vouloir beaucoup d’argent sans avoir besoin de travailler. Liam a été condamné en mai dernier à quinze ans de réclusion criminelle.

Et quel est le mobile de Jason, jugé ce lundi ?

Au moment des faits, Jason connaît Liam depuis cinq ans. Devant les enquêteurs, l’adolescent explique avoir dans un premier temps trouvé la proposition de son ami de tuer son père folle et choquante. « Puis Liam l’a harcelé quotidiennement pour lui demander encore et encore de passer à l’acte, peut-on lire dans l’ordonnance de mise en accusation. Il a commencé à changer d’avis lorsque Liam lui a annoncé qu’il y avait 460.000 euros en jeu. Il reconnaissait que l’appât du gain avait joué, mais qu’il l’avait surtout fait car Liam lui disait qu’il était violenté par son père et qu’il voulait le protéger. »

« Mon client a une certaine fragilité psychologique que son ami a pu exploiter, affirme Me Laurent Latapie, avocat de Jason. Il se sentait un peu seul, encore plus pendant cette période de confinement. C’est un homme assez simple, pour ne pas dire simplet. C’est un garçon qui ne sait pas dire non. Il nourrissait aussi des sentiments un peu amoureux pour lui. Il lui avait promis qu’après ça, ils partiraient tous les deux en Belgique. » Cette attirance pour Liam aurait motivé en partie Jason qui, au dernier moment, selon son avocat, aurait renoncé à son acte. « Mais il a tué la victime en poussant le chien [pièce qui sert à percuter l’amorce d’une cartouche d’une arme à feu] », rapporte Me Laurent Latapie. Le procès durera jusqu'à mercredi.

*Les prénoms ont été modifiés.