procesJonathan Geffroy, le « repenti » qui balance sur Daesh jugé à Paris

Terrorisme : Jonathan Geffroy, le « repenti » français qui balance sur Daesh face à la justice

procesProche des frères Clain, le djihadiste toulousain de 40 ans, et sa femme Latifa, comparaissent à parti de lundi devant la cour d’assises spécialement constituée à Paris
Le djihadiste Jonathan Geffroy a été arrêté en février 2017 alors qu'il tentait de fuir la Syrie
Le djihadiste Jonathan Geffroy a été arrêté en février 2017 alors qu'il tentait de fuir la Syrie - capture d'écran Youtube / capture d'écran Youtube
Thibaut Chevillard (avec Cécile De Sèze)

Thibaut Chevillard (avec Cécile De Sèze)

L'essentiel

  • Jonathan Geffroy, un djihadiste toulousain de 40 ans, et sa femme Latifa, comparaissent à parti de lundi devant la cour d’assises spécialement constituée à Paris. Ils sont accusés d’être partis en Syrie début 2015, avec leurs deux enfants, pour rejoindre Daesh.
  • Capturé début 2017, Jonathan Geffroy a assuré au cours de l’instruction être « repenti ». Pour attester de sa sincérité, il a livré au magistrat de nombreuses informations concernant les djihadistes français croisés sur place.
  • Il a aussi donné de nombreuses informations sur les projets d’attentats portés par les frères Fabien et Jean-Michel Clain, deux terroristes toulousains dont il était proche en Syrie.

Interrogé par le juge d’instruction, Jonathan Geffroy s’est présenté comme un repenti. « La preuve est que j’ai dit tout ce que je savais sur l’Etat islamique et en impliquant mes anciens amis », a martelé le djihadiste toulousain devant le magistrat, en janvier 2018. Capturé début 2017 par l’Armée syrienne libre (ASL) tandis qu’il cherchait à fuir la Syrie avec sa femme et ses deux enfants, il a assuré être « prêt à aider la France ». « Je veux reprendre une vie normale. Je regrette d’avoir fait le choix de partir en Syrie et d’avoir intégré ce groupe que je déteste maintenant. Je ne suis pas un terroriste.»

Jonathan Geffroy, 40 ans, et son épouse Latifa, comparaissent, à partir de lundi, devant la cour d’assises spécialement composéee pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime d’atteinte aux personnes » et « soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant ». Ils sont accusés d’être partis en Syrie avec leurs deux enfants au début de l’année 2015 afin de rejoindre Daesh. « Je voulais au départ travailler dans le civil mais je n’excluais pas le fait de combattre Bachar al-Assad », a affirmé au juge d’instruction ce proche d’Abdelkader Merah, condamné à 30 ans de réclusion pour complicité dans les attentats commis par son frère.

Proche d’Abdelkader Merah et des frères Clain

Originaire de Toulouse, comme de nombreux autres djihadistes français partis en Syrie ou en Irak, Jonathan Geffroy a, en effet, habité avec le frère du terroriste en 2010 en Egypte. À l’époque, ce converti s’était installé au Caire dans le but d’étudier l’arabe. Au cours de son séjour, il a même eu l’occasion d’héberger Mohammed Merah qui était de passage. S’il « condamne ses actes, terroristes », Jonathan Geffroy estime qu’il faut « séparer les actes » de celui qui est surnommé le « tueur au scooter » en deux. « Il a tué des civils et des militaires. Pour les militaires, je pouvais comprendre sa pensée du fait de la haine qu’il exprimait à l’égard des militaires. Mais pour les civils, c’est incompréhensible », a-t-il soutenu au magistrat qui l’interrogeait.


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C’est depuis l’Egypte que le djihadiste et sa famille ont gagné la Syrie, via la Turquie, en février 2015. S'il reconnaît sans détour qu'il « voulait aider le groupe Etat islamique » et « combattre », il confie avoir rapidement déchanté. « Avant de partir là-bas, j’avais vu plein de vidéos qui idéalisaient le retour du califat avec des lois coraniques. Mais à mon arrivée là-bas, je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien à voir. »

En mai 2015, Jonathan Geffroy intègre la katiba (le bataillon) Anwar Al Awlaqi, celle de Fabien Clain qui assure avec son frère, Jean-Michel, la propagande de Daesh. Ils sont notamment connus pour avoir revendiqué les attentats de Paris et Saint-Denis. S'ils sont aujourd’hui présumés morts, ils ont longtemps figuré parmi les plus hauts cadres français du groupe terroriste. Jonathan Geffroy, qui faisait partie de leur entourage, s’est laissé aller à quelques confidences à leur sujet au cours de l’instruction.

Confidences sur les « opérations extérieures » de Daesh

Le djihadiste a soutenu au juge qu’il tenait ses informations d’Othman, l’un des sept enfants de Jean-Michel Clain. L’adolescent – il était alors âgé de 16 ans – lui a assuré qu'il était « à la tête des opérations extérieures » de Daesh et avait pour mission de choisir des « combattants » pour les envoyer en France commettre des attentats. « Je sais que les futures opérations extérieures seront commises par des enfants qui auront grandi sur zone et qui, passé l’adolescence, seront envoyés en Occident, certainement en Europe et en France pour y mener des opérations suicides ou autres », a-t-il également rapporté. Les frères Clain auraient aussi eu pour projet de lancer des campagnes « d’attentats isolés en campagne » afin de « créer la terreur » dans les zones rurales françaises.

Jonathan Geffroy a aussi livré au juge d’instruction des informations concernant les attentats de Bruxelles, en 2016. Des attaques qui, a-t-il dit, n’étaient pas prévues. C’est l’arrestation de Salah Abdeslam « qui a tout déclenché ». « Othman m’a dit que pour éviter que tout le monde se fasse interpeller, ils ont ciblé directement l’aéroport. Ce qui était visé c’était une centrale nucléaire française. Ils avaient prévu d’y aller en voiture et de faire exploser les voitures. »

Une demande pour reprendre ses études

Jonathan Geffroy a par ailleurs, livré de nombreuses informations sur les djihadistes français croisés sur place, précisant au magistrat leurs noms et leurs fonctions au sein du groupe terroriste. Lui assure qu'il n’aurait pris part aux combats que deux fois, « sans tirer jamais un seul coup de feu », après avoir passé trois semaines dans un camp d’entraînement à Jabar. Il serait ensuite devenu « entraîneur sportif » avant de travailler aux côtés de Fabien et Othman Clain en les aidant au montage des films de propagande.

En février 2017, Jonathan Geffroy et sa famille sont faits prisonniers par l’Armée syrienne libre. Après sa remise aux autorités françaises, il assure au juge d’instruction qu’il s’apprêtait à « quitter ces escrocs de l’islam ». « Je pensais alors retourner au Maroc pour ensuite négocier avec la France. Quand je dis négocier, c’est donner les éléments à charge contre les personnes de l’Etat islamique comme preuve de bonne foi, sachant que j’ai fait la même chose avec l’ASL et les services de renseignements turcs. »

Le djihadiste a terminé son interrogatoire en faisant preuve d’un étonnant optimiste concernant son avenir. Il a expliqué avoir besoin de « gagner de l’argent pour [sa] femme et [ses] enfants » et a fait savoir qu’il avait « fait une demande pour reprendre [ses] études en médecine ou kinésithérapeute ». Contactée par 20 Minutes, son avocate, Me Audrey Dufau n'a pas souhaité s'exprimer avant l'audience.