INTERVIEW DU LUNDI« Je crois que je peux aller plus haut », confie Quentin Halys

Open d’Australie : « Je crois que je peux aller plus haut », confie Quentin Halys

INTERVIEW DU LUNDIEn pleine progression, dans la foulée d’une très belle année 2022, Quentin Halys explique les raisons de sa métamorphose
Quentin Halys lors de son match contre Novak Djokovic au tournoi d'Adelaïde, en Australie, le 5 janvier 2023.
Quentin Halys lors de son match contre Novak Djokovic au tournoi d'Adelaïde, en Australie, le 5 janvier 2023. - Brenton Edwards / AFP / AFP
Nicolas Stival

Propos recueillis par Nicolas Stival

L'essentiel

  • Le lundi, 20 Minutes donne la parole à un acteur ou une actrice du sport qui fait l’actu. Cette semaine, place à Quentin Halys.
  • Le tennisman français de 26 ans défie le Grec Stefanos Tsitsipas, 4e joueur mondial, ce lundi au premier tour de l’Open d’Australie.
  • Ancien junior surdoué, le Francilien est aujourd’hui un joueur épanoui, après avoir traversé des saisons compliquées. Il est ce lundi 61e mondial, le meilleur classement de sa carrière.

Quentin Halys ne croyait sûrement pas si bien dire, lorsqu’on l’avait interrogé juste avant le début du tournoi ATP 250 d’Auckland, dont il a atteint les quarts de finale jeudi dernier. « L’Open d’Australie peut bien me convenir, mais on est toujours tributaire du tirage au sort », avait lancé le Français de 26 ans, passé de jeune prodige à solide joueur du Top 100, après quelques années plus délicates.

Ce grand serveur d’1,91 m devra se coltiner le Grec Stefanos Tsitsipas, 4e mondial, dès le premier tour, ce lundi matin à Melbourne. Mais le désormais 61e à l’ATP (meilleur classement de sa carrière) précisait également : « Je me sens capable de battre beaucoup de joueurs et j’ai hâte que ça démarre. » Et hâte aussi de confirmer sa belle forme.

Après vous avoir battu difficilement (7-6, 7-6) au tournoi d’Adelaïde, le 5 janvier, Novak Djokovic avait déclaré que vous aviez « joué comme un Top 10 ». Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Pas grand-chose. J’étais forcément déçu car j’ai perdu. Mais je suis conscient d’avoir fait un bon match. Ce n’est pas mon niveau de jeu moyen, j’en ai conscience aussi. Il y a des défaites moins dures à avaler que d’autres.

Vous aviez d’ailleurs affirmé juste après le match ne pas avoir grand-chose à regretter. Il y avait plus d’écart que le score ne l’indique entre vous ?

Je ne suis pas loin, mais d’un autre côté je n’ai jamais été en position de gagner. Je reste content de mon match car ce jour-là, je pense que j’aurais pu battre beaucoup de joueurs. Malgré tout, je ne l’ai pas fait. Si jamais j’étais amené à le rejouer, il faut que ça me serve pour réussir à gagner.

Dans quel état d’esprit abordez-vous l’Open d’Australie ?

Je suis excité, c’est un tournoi que j’aime beaucoup, où je joue plutôt bien. La première fois, c’était en juniors, j’avais atteint la finale en double (avec Johan-Sébastien Tatlot, en 2014). C’est aussi à Melbourne que j’ai gagné mon premier match dans le tableau final d’un Grand Chelem (contre le Croate Ivan Dodig, en 2016). Je suis déjà sorti deux fois des qualifs. J’y ai beaucoup de bons souvenirs.

Sur vos six titres en simple, vous en avez remporté trois en 2022 [en challenger]. L’année dernière, vous avez aussi joué quatre autres finales et vous avez intégré le Top 100. Qu’est-ce qui s’est passé ?

J’ai gagné beaucoup, beaucoup de matchs en début d’année. J’ai accumulé beaucoup de confiance, que j’ai réussi à garder toute la saison. Je me suis senti aussi très bien physiquement toute l’année. Je n’ai pas révolutionné mon tennis. Mais il y a eu plus de consistance dans mes matchs, plus de régularité. Je suis content d’avoir abouti à ça car c’est vraiment ce que je recherchais depuis pas mal d’années.


Lors du premier tour du tournoi de Roland-Garros, en 2015, Quentin Halys (18 ans à l'époque) avait subi la loi de Rafael Nadal. Pas le premier, ni le dernier à être dans ce cas.
Lors du premier tour du tournoi de Roland-Garros, en 2015, Quentin Halys (18 ans à l'époque) avait subi la loi de Rafael Nadal. Pas le premier, ni le dernier à être dans ce cas. - Ella Ling / BPI / Rex Shutterstock / Sipa

Ce classement, c’est aussi un sésame pour le tableau final des tournois du Grand Chelem, une garantie sportive mais aussi financière. Est-ce que cela change tout pour vous ?

Ça change pas mal de choses, mais ce n’est qu’une étape. J’espère rester le plus longtemps possible à ce classement. Financièrement et même sur le plan de la motivation, on sait pourquoi on est sur le terrain. Ça décuple la motivation.

Dans L’Equipe, lors du dernier Roland-Garros, vous reveniez sur l’année 2018 lorsque vous étiez déjà tout proche d’entrer dans le Top 100, que vous calculiez sans arrêt les points qui vous manquaient pour l’intégrer, ce qui avait nui à vos performances. Avec le recul quelles leçons en tirez-vous ?

Il faut moins se focaliser sur le classement et essayer d’être plus régulier. Jouer tous les matchs à fond, sans se dire que certains sont plus importants que d’autres. Aujourd’hui, pour moi, tous les matchs comptent. Peu importe que je joue Djokovic ou quelqu’un de moins bien classé.

Vous avez été très fort très jeune. En 2010, vous remportez les Petits As, vous jouez la finale de l’US Open junior en 2014. Avez-vous réussi à vous débarrasser du poids des attentes qui pesaient alors sur vous ?

Ça fait longtemps que je suis détaché de tout ce qui peut se dire sur moi. Il y aura toujours des gens pour critiquer mais j’arrive de plus en plus à faire abstraction. La pression, je me la suis enlevée. C’est à moi de tracer ma route sans écouter ce qui peut se dire. Je fais le maximum de mon côté, j’aimerais toujours aller plus haut. Il y a parfois des coups de mou. Je sais ce que j’ai fait de mal par le passé et j’essaie de ne pas le reproduire.



Ces critiques, est-ce que vous les trouvez sur les réseaux sociaux ?

Oui, mais aussi dans les journaux. Il y aura toujours quelqu’un pour affirmer « c’est de la chance, c’est pas mérité, etc. » ou pour dire pour que je ne suis pas assez fort mentalement. Les gens seront toujours là pour critiquer, ça fait partie du jeu. Encore une fois, je fais le maximum et c’est ce qui compte à la fin.

On a pu lire que vous viviez une deuxième carrière. N’est-ce pas un peu exagéré ?

Je ne crois pas. Je pense que je suis un autre joueur qu’avant le Covid. La façon dont j’aborde les choses et dont je me comporte sur le terrain a nettement évolué. Sur le niveau de jeu, je n’ai pas forcément beaucoup changé. Mais en termes d’attitude et de croyance personnelle, si.

A quoi attribuez-vous ce changement ?

C’est à ce moment-là que je me suis posé toutes les questions possibles et imaginables : est-ce que je veux vraiment continuer ? A quel prix ? Aujourd’hui, tous les matins, je sais vraiment ce que j’ai envie de faire et je n’ai pas de regret à la fin d’un tournoi, qu’il ait été bon ou mauvais. J’ai pris une décision, je l’ai assumée et j’ai été à fond dedans. Ce qui était moins le cas avant.


Halys peut s'appuyer sur son puissant service.
Halys peut s'appuyer sur son puissant service. - Rodrigo Arangua / AFP

Avez-vous vraiment pensé à arrêter ?

Le confinement a été dur, il fallait repartir après avoir été longtemps à la maison. Alors oui, ça a traversé mon esprit même si ça n’a jamais vraiment pris forme. Si je n’étais pas prêt à faire tous les efforts, je ne serais pas retourné sur les tournois. Cela demande beaucoup de sacrifices. Ce n’est pas facile de partir aussi souvent et aussi loin de chez soi.

Voyagez-vous seul ou avec votre entraîneur (Nicolas Devilder) ?

Je suis avec mon coach. Il y a toujours quelqu’un avec moi sur les tournois. C’est comme ça que je fonctionne depuis la reprise après le Covid. Cela me motive encore plus au quotidien. Parfois, quand on est seul, c’est dur de se rendre compte ce qu’on peut faire de bien ou de mal.

Comptez-vous désormais les points pour savoir si vous allez rester dans le Top 100 ?

Non, je ne regarde quasiment plus le classement. Je sais qu’il est bon. Si je fais bien les choses, il n’y a pas de raisons qu’il baisse. L’important, c’est de battre de bons joueurs, et de rencontrer de très bons joueurs pour voir où j’en suis par rapport à eux. Quand je rentre sur le terrain contre Djokovic et que j’ai vraiment l’idée de pouvoir le battre, c’est quelque chose de bien car ce n’était pas le cas avant. Ça avance dans le bon sens.


Le Français, ici lors de l'US Open juniors 2013, a connu une brillante carrière chez les jeunes.
Le Français, ici lors de l'US Open juniors 2013, a connu une brillante carrière chez les jeunes. - Getty Images via AFP

Êtes-vous là où vous vouliez être quand vous avez décidé d’être un joueur professionnel ?

A cette époque, ça ne voulait pas dire grand-chose d’être Top 100… Et puis, quand on arrive 70e mondial, on a envie d’être 50e. Quand on est 50e, on a envie d’être 30e. Ça ne s’arrête jamais. C’est l’histoire de l’éternel insatisfait. Je suis très content d’être là où j’en suis aujourd’hui, mais je n’ai pas envie de m’arrêter et je crois que je peux aller encore plus haut. C’est ce qui est sympa aussi… Etre bien classé et se dire qu’on a encore une marge de progression.